Proche-Orient
Israël : union nationale malgré le peu de résultats militaires
(Photo : AFP)
De notre correspondante à Jérusalem
Trois semaines après le lancement de l’offensive militaire israélienne au Liban, le pays fait toujours bloc autour du gouvernement et du Premier ministre, Ehud Olmert. Une écrasante majorité d’Israéliens soutient la guerre, perçue comme l’unique moyen de mettre fin aux tirs de roquette du Hezbollah sur le nord du territoire. Et le massacre de Cana n’y a rien changé. « C’est horrible, bien sûr, mais c’est la guerre. Des gens meurent ici, ils meurent là-bas, cela fait malheureusement partie de la guerre. Mais la différence entre eux et nous, c’est que notre intention n’est pas de tuer des civils », résume une habitante de Haïfa. Une opinion très largement partagée dans le pays, qui soutient tant le bien-fondé de l’offensive que son ampleur.
Un consensus renforcé par le silence de la gauche et des mouvements pacifistes, au sein desquels aucun mouvement de protestation n’a pour le moment émergé. Il faut dire que le ministre de la Défense, le travailliste Amir Peretz, ancien syndicaliste et militant pacifiste, peut difficilement être soupçonné d’être un faucon. « Derrière cette guerre se tient l'Israël libérale, sociale-démocrate, civile, sobre et réaliste. Le ministre de la Défense est le civil Peretz, pas le guerrier Sharon », estime un éditorialiste du quotiden Yedioth Ahronoth. Dans les rangs de « La Paix maintenant », le mouvement pacifiste dont il a été l’un des premiers leaders, on reconnaît d’ailleurs qu’il aurait été plus facile de protester si celui qui gérait l’offensive avec l’état-major s’était appelé Benjamin Netanyahu ou Shaul Mofaz.
Interrogations sur l’efficacité de l’armée
« La gauche ne s’est jamais sentie aussi à droite », résume Haaretz. Mais le quotidien voit les premières fissures apparaître à la surface du consensus. « Les protestations sont plus faibles, mais elles sont apparues plus rapidement, et de manière bien plus complexe, tant d’un point de vue moral que politique », écrit le journal. Le secrétaire général de « La Paix maintenant » a déjà arrêté son slogan, en prévision du moment où le mouvement décidera de devenir actif. « Un Israël fort est un Israël qui sait s’arrêter ». Une formule qui résume la complexité du positionnement, qui pour être en dehors du consensus n’en reste pas moins en conformité avec le discours légitime : la nécessité de rechercher ce qui est bon pour le pays.
Si la société civile israélienne, en temps de guerre, est globalement peu encline à critiquer la stratégie du gouvernement et de l’armée, depuis quelques jours, certains éditorialistes ne s’en privent pas. « Cette guerre est la plus pauvre en succès que nous ayons jamais conduite » estime Ze’ev Sternhell, dans Haaretz, qui souligne que les objectifs ont été considérablement réduits. « De restaurer le pouvoir de dissuasion d’Israël et éliminer le Hezbollah, après trois semaines, nous en sommes réduits au démantèlement de ses avant-postes et au déploiement d’une force internationale pour défendre le nord d’Israël ». D’autres journalistes critiquent le manque de préparation de l’armée et des services de renseignement.
Mais au final, les seules voix qui s’élèvent pour mettre en cause le bien fondé de cette guerre sont celles des Arabes israéliens. Lors d’un débat à la Knesset, lundi, trois députés arabes ont été expulsés après avoir traité Amir Peretz d’« assassin ». « Les Arabes israéliens détestent cette guerre plus que quiconque dans la région », écrit le journaliste Nazir Majali, qui rappelle d’un côté que des roquettes du Hezbollah ont touché des villes arabes israéliennes, comme à Nazareth où elles ont tué deux enfants, et de l’autre que des milliers de réfugiés palestiniens et leurs descendants vivent au Liban. « Le récit des souffrances qui nous parvient de là-bas est sans fin. Nous écoutons, et nous sommes déchirés, de part et d’autre, parce que nous sommes tout à la fois ici et là-bas », écrit-il. C’est pourquoi les Arabes israéliens « appellent à en finir avec le bain de sang et à choisir la voie des pourparlers et du dialogue ».
par Sonia Chironi
Article publié le 03/08/2006Dernière mise à jour le 03/08/2006 à TU