Côte d'Ivoire
Seize préfets passent la ligne de front
(Photo: BCEAO)
Charles Konan Banny est un homme pressé. A deux mois de l’élection présidentielle, il entend installer sur toute l’étendue du territoire tous les attributs de la République. Après de nombreuses concertations avec les différents corps constitués et après avoir recueilli des avis très mitigés des partis politiques, puis en passant outre les profondes réserves du président de la République sur la question du redéploiement du corps préfectoral dans les zones tenues par les rebelles des Forces nouvelles, Charles Konan Banny a su convaincre les préfets et sous-préfets de regagner leur poste. Pour ses détracteurs, ces représentants du pouvoir central ne peuvent pleinement et librement exercer leur rôle dans une zone où « des rebelles contestent l’autorité centrale de l’Etat ». Le seul préalable admis par les défenseurs de cette ligne est le désarmement des rebelles.
Mais, là aussi, il y a un blocage que les loyalistes ont tenté de lever en faisant rendre les armes par des miliciens de l’ouest du pays, supplétifs des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci). Côté rébellion, ce geste qui se voulait symbolique n’a aucune valeur. Il est même qualifié de « plaisanterie » par les autorités militaires des Forces nouvelles qui parlent d’exhibition de quelques kalachnikovs et de sacs de munitions alors que « les armes sophistiquées sont dissimulées ». On comprend donc que le désarmement ne fait pas partie des préoccupations actuelles de la branche militaire des Forces nouvelles qui tiennent toujours la moitié nord de la Côte d’Ivoire.
Dans l’intérêt supérieur de la nation
Malgré tout, il faut aller aux élections en octobre prochain. Le pays n’est plus à un paradoxe près. Charles Konan Banny se convainc lui-même de ses propres arguments et fonce. D’ailleurs pour l’équipe du Premier ministre, ce n’est pas tant l’autorité de l’Etat qui est contestée dans le nord du pays que celle du président Laurent Gbagbo. Dans ces conditions, Charles Konan Banny se prévaut de la mission qui lui est assignée pour rétablir dans leurs prérogatives les représentants du pouvoir républicain. Il a su convaincre nombre de hauts-fonctionnaires d’accepter de faire le pari de la réunification du pays par petits bouts, en allant sur le terrain travailler avec les rebelles « dans l’intérêt supérieur de la nation ».
Toutefois, la méthode Banny est contestée par les partisans de Laurent Gbagbo qui parlent « d’humiliations » infligées aux représentants du pouvoir républicain « obligés d’aller faire allégeance à des rebelles ». Mais pour le Premier ministre, la nature ayant horreur du vide, il ne faut pas, d’une part, laisser le pouvoir militaire rebelle se substituer entièrement au pouvoir politique défaillant et d’autre part laisser le même pouvoir rebelle de Bouaké procéder à des nominations dans les hautes fonctions de l’administration civile. Par ailleurs, les services du Premier ministre ont toujours en ligne de mire les échéances électorales prochaines avec pour impératif l’établissement des listes électorales. Et, seules les autorités civiles dûment mandatées et reconnues de part et d'autre pourront établir ces listes.
Charles Konan Banny a presque pari gagné puisque, dans le nord de la Côte d’Ivoire, les préfets et sous-préfets retrouvent leur poste. Les instances dirigeantes des Forces nouvelles se satisfont des seize postes de préfets et d’autant de sous-préfets déjà pourvus « sur les dix-huit sites d’audiences foraines », preuve s’il en est que la première mission de ces agents de l’Etat est le recensement des populations, l’octroi des cartes d’identité nationale pour une participation effective à la prochaine élection présidentielle.
par Didier Samson
Article publié le 03/08/2006Dernière mise à jour le 03/08/2006 à TU