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Côte d'Ivoire

En attendant le désarmement

Denis Glofiei Maho, «&nbsp;général&nbsp;» des miliciens de l'Ouest : «&nbsp;<em>J'ai posé des préalables&nbsp;</em>» au désarmement reporté au 16 juin 2006. 

		(Photo : AFP)
Denis Glofiei Maho, « général » des miliciens de l'Ouest : « J'ai posé des préalables » au désarmement reporté au 16 juin 2006.
(Photo : AFP)

Jeudi, les milices de l’ouest ivoirien n’ont pas commencé à désarmer comme l’avaient prévu la semaine précédente les états-majors de l’armée gouvernementale et des Forces nouvelles (FN) réunis à Yamoussokro. Quatre milices alliées dans une Force de résistance du grand ouest (FRGO) s’étaient en effet déclarées « non concernées » par ce calendrier de désarmement entériné par les principaux belligérants. Force d’appoint du régime Gbagbo, les paramilitaires de l’ouest ivoirien voulaient de nouvelles garanties pécuniaires sur leur avenir. Finalement, à l’issue de deux jours de négociations avec le FLGO, le porte-parole du Programme national de désarmement a annoncé que le démantèlement des milices commencerait le 16 juin prochain. Mais de leur côté, les anciens combattants des FN traînent les pieds.


Le Programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion (PNDDR) concerne au premier chef 42 500 anciens combattants rebelles et 5 500 gouvernementaux qui doivent être regroupés sur une vingtaine de sites de cantonnement placés sous la surveillance des casques bleus de l’Onu et des forces de l’opération française Licorne. Mais ce programme de démilitarisation du conflit ne saurait ignorer les quelque 12 000 miliciens résolument hostiles aux Forces nouvelles et implantés en majorité dans l'ouest frontalier du Liberia où ils entendent faire régner leur loi sous les bannières du Front de libération du grand ouest (FLGO, le principal groupe paramilitaire), de l'Alliance patriotique Wê (Ap-wê), du Mouvement ivoirien de libération de l'ouest de la Côte d'Ivoire (Miloci) et de l'Union des patriotes pour la réunification du grand ouest (UPRAGO).

Les miliciens veulent des garanties sociales

« Nous avons été surpris que les forces loyalistes et rebelles se réunissent et décident de notre sort sans nous. Nous ne sommes pas concernés par l'opération de désarmement », déclarait la semaine dernière le chef du FLGO, le « général » Denis Maho Glofiei, tout en signifiant aux responsables du PNDDR qu’ils n’étaient plus les bienvenus dans son fief de Guiglo. « Notre souci majeur, c'est la paix sociale », assure-t-il aujourd’hui en indiquant qu’il a « posé quelques préalables sécuritaires » au démantèlement des milices de l’alliance FRGO.

D’après Denis Maho Glofiei, côté FLGO, « il ne reste que 2 000 personnes à désarmer ». Mais globalement les miliciens sont « très inquiets de leur sort et de la sécurité de la région après le désarmement ». Visiblement, ils tiennent à rester groupés pour fixer eux-mêmes le prix à payer afin que les armes ne continuent pas à hanter les sous-bois de l’ouest. Il est vrai que le cacao et le bois de la région risquent de ne pas suffire à faire chanter l’avenir des anciens combattants de fortune. C’est une préoccupation majeure largement partagée dans l’ensemble du pays. Et, dans la moitié nord sous le contrôle des FN, les mêmes inquiétudes se doublent parfois du souci d’obtenir des papiers d’identité ivoiriens avant tout désarmement. La question de l’identification des habitants de Côte d’Ivoire et celle du désarmement restent liées, à juste titre ou comme argument de blocage. Les élections programmées fin octobre en dépendent.

Dès l’annonce de la nouvelle date de désarmement fixée au 16 juin, l’opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) a renouvelé son « engagement à apporter l'appui nécessaire pour le bon déroulement de l'opération ». L’Onu a préféré embellir quelque peu ce nouveau contretemps, prophétisant «une meilleure exécution de l'opération» après ce report décidé « à la demande des leaders des milices » qui ont promis de lancer une « campagne de sensibilisation ». Pour sa part, à New York, le 2 juin, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a obtenu seulement la moitié des 3 000 effectifs supplémentaires qu’il demandait pour mener à bien le processus électoral.

La résolution 1682 du Conseil de sécurité « autorise jusqu'au 15 décembre 2006 l'augmentation des effectifs de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) à hauteur de 1 500 personnes supplémentaires, dont un maximum de 1 025 militaires et de 475 policiers civils ». Ces troupes qui restent à trouver sont donc attendues en renfort des 6 703 soldats, 191 observateurs militaires et 707 policiers de l'Onu, qui constituent les «forces impartiales» présentes en Côte d’Ivoire aux côtés des 4 000 soldats français de l'opération Licorne.

« Il ne reste pas une minute à perdre » dans la préparation des élections générales programmées le 31 octobre par la feuille de route internationale. C’est le Haut représentant de l'Onu pour les élections, Gérard Stoudmann, qui le rappelle. Lui-même a été nommé à la mi-avril. Il veut croire que tenir le calendrier électoral est encore «techniquement possible». Reste quand même à identifier les populations, à désarmer les forces en présence, à redéployer l’administration et à réunifier le pays tout en accomplissant les procédures pré électorales ad hoc.

Le FPI critique le bilan de Charles Konan Banny

Pour sa part, le président du parti présidentiel, le Front populaire ivoirien (FPI), l’ancien Premier ministre Pascal Affi N'Guessan, n’est pas convaincu par le bilan du Premier ministre « de consensus », Charles Konan Banny. « A cinq mois de la fin de son mandat, son bilan est très maigre », déclare-t-il. Il estime que  le lancement des opérations de recensement des populations avec le test des audiences foraines, « la seule action concrète à mettre à l’actif » de Charles Konan Banny selon lui, « n'a pas permis de débloquer la question du désarmement puisque le pré-regroupement des rebelles n'est pas effectif ». Celui des forces gouvernementales serait en revanche terminé. Mais il faudra donc attendre le 16 juin pour voir concrètement ce qu’il en est des milices. En réponse aux critiques, le Premier ministre Konan Banny demande « qu'on lui laisse accomplir sa mission », c’est-à-dire de conduire au plus vite le pays aux élections.

« Gbagbo et moi, notre responsabilité est grande pour sortir la Côte d'Ivoire de la crise », convient Charles Konan Banny. Ni l’un ni l’autre « ne pédale à l'envers », assure-t-il. Mais s’il faut chercher ailleurs les raisons pour lesquelles la machine ivoirienne fait du surplace, il ne faut pas trop compter sur le très consensuel Premier ministre pour en parler.



par Monique  Mas

Article publié le 09/06/2006Dernière mise à jour le 09/06/2006 à TU