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France

Les SDF ont une adresse

La ministre déléguée à la Cohésion sociale Catherine Vautrin, avait déjà été sensibilisée à la grande précarité durant la période de grand froid de l'hiver 2005-2006. 

		(Photo : AFP)
La ministre déléguée à la Cohésion sociale Catherine Vautrin, avait déjà été sensibilisée à la grande précarité durant la période de grand froid de l'hiver 2005-2006.
(Photo : AFP)
Le gouvernement a trouvé un début de solution pour héberger des SDF à Paris. Leur précarité était devenue criante dans la capitale depuis que, l’hiver dernier, Médecins du monde leur avait offert des tentes. Un peu plus d’un millier de places va être créé en région parisienne. La grande nouveauté, c’est qu’elles permettront des séjours sans limite dans la durée.

L’association Médecins du monde avait pris une initiative controversée en offrant des tentes aux sans-abri. D’autres associations avaient critiqué cette idée, estimant que la sédentarisation des SDF sur les trottoirs de Paris n’était pas la solution. 

Depuis, il y a eu la canicule de juillet et la découverte que les sans-abri, dénués de tout, ne souffraient pas qu’en hiver. Puis les SDF se sont regroupés, les riverains ont mal accepté ces campements. Enfin l’opération Paris Plage a montré un partage difficile des rives de la Seine entre les citadins et les plus pauvres.

Les élections présidentielles de 2007 approchant, le gouvernement ne pouvait pas laisser cette question de la précarité en suspens. Du coup, la publicité bien visible des tentes a porté ses fruits : la ministre déléguée à la Cohésion sociale a annoncé que plus de 1 100 places allaient être mises à la disposition des sans-abri en région parisienne. Catherine Vautrin a indiqué que le gouvernement avait pris cette décision après la remise du rapport de la médiatrice, Agnès de Fleurieu, présidente de l’Observatoire national de la pauvreté. Un financement de 7 millions d’euros a été débloqué pour mettre en œuvre les propositions de cette médiatrice, essentiellement le réaménagement d’anciens refuges d’urgence.

Un hébergement à durée illimitée

La grande nouveauté de ces hébergements, c’est qu’ils ne seront pas limités dans la durée. Les sans-abri y passeront toute la journée ou plus. Ils pourront y séjourner pendant des semaines ou des mois, selon leur choix. Depuis début août, 103 places ont déjà été mises à disposition des SDF dans deux anciens hôpitaux de banlieue. D’ici la fin de l’année, 1 000 autres places pour des séjours longue durée seront disponibles grâce à la reconversion de sites qui, jusqu’à présent, accueillaient les sans-abri uniquement la nuit. Souvent, même par grand froid, ils refusaient d’aller s’installer pour un temps si court dans un centre d’hébergement d’urgence qu’il fallait quitter le matin de bonne heure.

La médiatrice choisie par le gouvernement avait été chargée de « faire le recensement complet des places disponibles, de rencontrer l’ensemble des partenaires associatifs, les administrations publiques et la mairie de Paris pour recueillir leurs propositions, et d’établir une médiation avec Médecins du monde sur le devenir des tentes ». L’association avait fournit plus de 300 tentes aux SDF et les Parisiens en avaient rajoutées. Ces abris de toile devaient donner un peu de confort à ceux qui vivent dans la rue, tout en attirant l’attention du public sur la grande pauvreté dans la capitale.

Après que la ministre déléguée et la médiatrice aient présenté leur plan, Graziella Robert, l’une des responsables de Médecins du monde, a estimé que «globalement, ces recommandations vont dans le bon sens».

Le rapport préparé par la médiatrice à l’intention du gouvernement préconise également «une coordination générale des maraudes». Il s’agit des tournées effectuées dans les rues de Paris par deux associations, Cœur des Haltes et Emmaüs. Leurs représentants discutent avec les SDF pour les convaincre d’accepter un hébergement. La médiatrice voudrait que des SDF ne passent pas à travers cette prise de contact.

«C’est toujours plus facile pour une personne de chercher du travail quand elle sait où elle va dormir le soir», souligne Philippe Gobillon, directeur adjoint de l’association Cœur des Haltes. Depuis mars 2005, l’association gère déjà un site d’une quarantaine de places destiné à des personnes plus âgées. Suite à la polémique sur les tentes des SDF dans Paris, Cœur des Haltes a ouvert plus vite que prévu un autre pavillon d’accueil.

Penser à autre chose qu’à l’endroit où dormir

Ces hébergements nouveaux, en chambre individuelle ou double, ne sont pas mixtes. L’alcool y est interdit et les pensionnaires ont quelques obligations. Ils doivent s’habituer à prendre leurs repas à heures fixes et sont censés donner un coup de main au personnel pour le ménage et la vaisselle. Pour le reste, cette sédentarisation ne prévoit pas de contraintes. Des aides à la réinsertion sont prévues au programme, à commencer par la possibilité de refaire des papiers d’identité et de retrouver une couverture sociale. D’autres activités, pour lesquelles le personnel n’a pas encore été embauché, vont voir le jour.

Par ailleurs Catherine Vautrin, la ministre déléguée à la Cohésion sociale, et Agnès de Fleurieu, la médiatrice, ont mis l’accent sur l’état de paralysie dans lequel se trouve toute la chaîne du logement. Les travailleurs les plus pauvres n’ont pas accès aux logements sociaux car ceux qui les occupent ne peuvent pas partir en raison du prix des loyers. Pour fluidifier un peu les mouvements, 170 logements recensés en HLM ou dans des foyers vont être mis à disposition de personnes vivant actuellement dans des Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Ces centres, qui sont un peu les «ancêtres» des structures qui viennent d’être créées, sont, eux aussi, saturés. Ils ont l’habitude d’accueillir des SDF pour six mois, renouvelables plusieurs fois. Même lorsque le parcours de réinsertion d’une personne se passe bien, le départ bute toujours sur le problème du logement.

Le maire de Paris, le socialiste Bertrand Delanoë, avait été accusé de vouloir faire place nette pour Paris Plage lorsqu’il avait demandé au gouvernement de faire disparaître les tentes. Au lendemain de l’annonce du plan gouvernemental, le maire de la capitale a une nouvelle fois demandé au gouvernement de lutter contre l’exclusion et de «résoudre le drame de la précarité». Bertrand Delanoë a par ailleurs déclaré : «Cela fait 5 ans que je demande à l’Etat de créer 5 000 places en Ile de France», rappelant que la capitale accueille 77% de l’hébergement d’urgence.       



par Colette  Thomas

Article publié le 10/08/2006Dernière mise à jour le 10/08/2006 à TU