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Société

La précarité gagne du terrain en France

La pauvreté progresse en France: il y a quelques jours l’abbé Pierre renouvelait son appel lancé en 1954 en faveur des sans-abri et des mal-logés, et, plus récemment encore, les Restos du cœur constataient une augmentation de leur fréquentation. Cette fois c’est la Banque de France qui publie un chiffre record, en 2003, de ménages surendettés.
L’année dernière plus de 165 000 familles ont déposé des dossiers de surendettement afin de tenter de trouver une solution à l’aggravation de leur situation financière. C’est près de 14% de plus qu’en 2002 qui connaissait déjà une augmentation des recours sur 2001. En 10 ans le bond est de 140%.

En 1990, les commissions de surendettement entraient en activité afin de régler le problème des familles modestes qui, pour l’essentiel, avaient accumulé des crédits divers et se retrouvaient dans l’incapacité de les rembourser. Or, depuis 1995, la Banque de France enregistre de plus en plus de dépôts de dossiers de surendettement de la part de personnes à faibles revenus qui se sont endettées non pour acheter des biens d’équipement mais pour leur survie quotidienne et ne parviennent plus à «boucler les fins de mois». Au total le ministre de la Ville Jean-Louis Borloo évalue entre 5 et 6 millions le nombre de personnes, enfants compris, qui sont aujourd’hui victimes en France du surendettement. Selon la Banque de France, environ 500 000 familles font actuellement l’objet d’une procédure de surendettement.

L’aggravation de la crise économique, la montée du chômage et sa durée en augmentation concourent à la progression du nombre des ménages surendettés. Mais une partie de cette augmentation tient aussi à ce que les travailleurs sociaux et le grand public connaissent de mieux en mieux la procédure de surendettement et y ont plus souvent recours. Cette procédure prévoit qu’une commission tente de trouver un accord entre le débiteur et ses créanciers. Elle y parvient dans 70% des cas. Mais dans les 30% de cas restants pour lesquels la commission estime la situation irrémédiable, une nouvelle procédure va voir le jour, proche de la faillite personnelle connue dans d’autres pays. Le ministre de la Ville prévoit que les premières familles pourront bénéficier de cette nouvelle «chance» dès la fin du mois.

«Rétablissement personnel»

Désormais quand la commission de surendettement jugera la situation trop grave elle transmettra le dossier à un magistrat qui pourra, dans les douze mois, prononcer l’effacement de toutes les dettes, en contrepartie de la liquidation des biens de la personne endettée. Sous le nom de procédure de «rétablissement personnel», il s’agit de «passer l’éponge» afin de permettre un nouveau départ en mettant un terme au cycle infernal des saisies et des expulsions. Avec cette nouvelle disposition Jean-Louis Borloo espère que, d’ici 2005, le nombre des dossiers déposés devant les commissions de surendettement sera réduit d’un tiers.

La progression de ces personnes en situation précaire est confirmée par Olivier Berthe, président des Restos du cœur, association d’aide alimentaire. Les Restos du cœur enregistrent une augmentation de l’ordre de 10% des demandes par rapport à l’année dernière. Cette hausse est même de 30% dans certaines régions très touchées par la désindustrialisation comme les départements du nord de la France. Au cours de l’hiver 2002-2003 plus de 61 millions de repas avaient été servis, ils devraient atteindre 65 millions cette année. Les personnes qui fréquentent les Restos du coeur sont des chômeurs en fin de droits, des femmes seules avec enfants et des jeunes qui ne bénéficient pas encore du revenu minimum d’insertion (RMI). L’observation des Restos du cœur est également faite par d’autres associations caritatives.

L’appel de l’abbé Pierre en faveur des sans-logis ou des mal-logés, en 2004, s’inscrit dans le cadre de la précarisation croissante de certaines catégories de la population. Ainsi la crise du logement ne touche plus seulement les sans-emploi ou ceux qui ont des revenus irréguliers provenant de l’intérim ou des «petits boulots», mais aussi des personnes à revenus stables mais faibles, insuffisants en tous cas pour payer un loyer dans une conjoncture d’envolée des prix de l’immobilier.



par Francine  Quentin

Article publié le 10/02/2004