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Cameroun-Nigeria

Bakassi revient au Cameroun

Les habitants de Bakassi ont deux ans pour choisir leur nationalité. 

		(Carte : MV/RFI)
Les habitants de Bakassi ont deux ans pour choisir leur nationalité.
(Carte : MV/RFI)
La presqu’île de Bakassi a été officiellement attribuée au Cameroun par la Cour internationale de justice de La Haye le 10 octobre 2002. Mais ce n’est qu’à partir d’aujourd’hui, quatre ans plus tard, que le Cameroun pourra exercer sa souveraineté sur ce territoire de 1 000 km², potentiellement riche en pétrole et aux eaux très poissonneuses.

C’est à Archipong, localité située dans le nord de la péninsule de Bakassi que les autorités nigérianes et camerounaises ont procédé au transfert de souveraineté. Les ministres de la Justice du Nigeria, Bayo Ojo, et du Cameroun, Maurice Kamto, ont dit leur fierté d’écrire une page de l’histoire de leur pays respectif et de contribuer à «l’édification de la paix» dans une région convoitée par les deux pays frontaliers. Le Nigeria qui avait militairement occupé Bakassi poursuit le retrait de ses troupes sous l’autorité du chef d’état-major de l’armée, le général Martin-Luther Agwsai. C’est aussi en sa présence et aux côtés des représentants de la France, des Etats-Unis et de l’ONU que les couleurs du Cameroun ont remplacé celles du Nigeria, lors de la cérémonie officielle de transfert de souveraineté.

Pleine souveraineté camerounaise, administration partielle nigériane

La souveraineté du Cameroun n’est pas encore totale sur Bakassi. En effet, les îles d’Atabong et d’Abana, situées à l’ouest de la péninsule, resteront durant les deux prochaines années sous l’administration du Nigeria. Par ailleurs, dans le Sud, un délai de deux ans est accordé aux populations pour qu’elles choisissent de rester en territoire camerounais en tant qu’immigrés, qu’elles rentrent au Nigeria ou qu’elles changent de nationalité pour devenir des Camerounais à part entière. Le tracé de la frontière maritime n’est pas, non plus, encore effective. Il échoit aux autorités des deux pays, selon l’accord du 12 juin 2006, signé à New York par les présidents Olusegun Obasanjo du Nigeria et Paul Biya du Cameroun, sous l’égide du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.

Le différend sur Bakassi avait surgi en décembre 1993. Le Nigeria et le Cameroun s’accusaient mutuellement de faire des incursions dans la presqu’île et d’y installer des soldats. En 1994 et en 1996 des affrontements armés ont fait plusieurs dizaines de morts. C’est alors que le Cameroun saisit la Cour internationale de justice de La Haye (CIJ) qui statue en octobre 2002 en faveur du Cameroun. Mais le Nigeria n’a pas retiré ses 3 000 soldats comme prévu le 15 septembre 2004, créant de fait de nouvelles tensions entre les deux pays. Les experts de l’ONU, chargés du dossier d’enquête et de la surveillance de la frontière entre les deux pays, avaient clairement accusé le Nigeria de faire de l’obstruction et d’empêcher l’établissement d’une ligne de démarcation franche dans certains villages.

L’histoire plaide en faveur du Cameroun

Le Nigeria avait bâti ses arguments sur un tracé de la frontière qui n’a jamais été clair et qui se perdait dans les eaux et les terres marécageuses de Bakassi. Déjà en 1885, la Grande-Bretagne, puissance colonisatrice du Nigeria, et l’Allemagne qui possédait le Cameroun, n’avaient pu se mettre d’accord sur une frontière précise. Mais en 1913, les deux puissances colonisatrices avaient signé un accord délimitant les zones d’influence de chacune d’elles et qui attribuait Bakassi à l’Allemagne donc au Cameroun. Entre temps, au gré des guerres perdues en Europe (1914-1918 ; 1939-1945), l’Allemagne devait abandonner ses colonies en Afrique. Le Cameroun est devenu  en partie britannique et le problème Bakassi a été enterré. A l’époque personne ne soupçonnait ces terres marécageuses d’être un réservoir d’hydrocarbure.

La Cour internationale de justice avait pris en compte cet accord de 1913 pour attribuer Bakassi au Cameroun. Elle n’avait pas tenu grand compte du plébiscite organisé par le Nigeria après son accession à l’indépendance en 1960 auprès des populations de la presqu’île pour qu’elles choisissent leur camp. La CIJ n’avait pas non plus retenu certains arguments avancés par le Cameroun qui affirmait que Bakassi lui avait été attribué en 1975 par le Nigeria «en remerciement de sa neutralité pendant la guerre du Biafra (1967-1970)». Mais ce dernier n’avait jamais été ratifié par les institutions militaires d’exception au pouvoir à cette époque.

La décision de la CIJ d’octobre 2002 et la signature de l’accord du 12 juin 2006 constituent le nouvel acte de naissance de Bakassi, la nouvelle province potentiellement riche du Cameroun aux populations variables, selon les saisons où elles sont estimées entre 25 000 et 250 000 personnes.    



par Didier  Samson

Article publié le 15/08/2006Dernière mise à jour le 15/08/2006 à TU