Togo
Un accord politique global pour un autre Togo
(Photo : Alpha Barry/RFI)
De notre correspondant au Burkina Faso
Ambiance de fête vendredi soir à la résidence du président Blaise Compaoré. Les délégués des neuf parties prenantes au dialogue sont invités à dîner chez le facilitateur qui a réussi quelques temps avant à les faire signer un accord politique global. Rigolades, plaisanteries, séances de photos… l’ambiance était détendue entre représentants de l’opposition et du pouvoir. Signe de la décrispation : le professeur Léopold Gnininvi et les membres de la délégation de son parti, Convention démocratique des peuples africains (CDPA), sont rentrés à Lomé samedi matin à bord de l’avion présidentiel togolais en compagnie des représentants du pouvoir. Avant l’ouverture des négociations de Ouagadougou, ils avaient refusé, tout comme l’Union des forces du changement (UFC) de l’opposant Gilchrist Olympio, de se déplacer avec l’avion de Faure Gnassingbé spécialement mis à la disposition des délégations pour faire la navette entre Lomé et la capitale burkinabè.
La joie était visible et se lisait sur tous les visages. Toutes les parties se disent satisfaites des termes de l’accord. « Quand on va à des négociations, on ne peut pas tout gagner », déclare Patrick Lawson, vice-président et porte-parole de l’UFC. « Mais ce qui a présidé nos travaux, c’est l’esprit de conciliation et de consensus… Les Togolais se sont mis d’accord pour redémarrer leur pays », explique-t-il.
Du côté du pouvoir, c’est le même état d’esprit. « Ce qui vient de se passer n’est la victoire d’aucune force politique, c’est la victoire de tous les Togolais », déclare Pascal Bodjonna, ministre, directeur de cabinet du président Faure Gnassingbé et membre du comité central du Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti au pouvoir.
Le facilitateur Blaise Compaoré a dit croire à un nouveau Togo. « J’ai vu l’enthousiasme des uns et des autres, je sais que les aspirations profondes et légitimes des populations togolaises aujourd’hui, c’est de briser à la fois ce déficit sur le plan démocratique, sur le plan de la réconciliation nationale, ce déficit économique. Il n’y a pas de doute qu’il y a un intérêt politique et historique pour que les Togolais se mobilisent pour assumer leur responsabilité dans la mise en œuvre de ces engagements pris à Ouagadougou », assure Compaoré.
Ces engagements concernent en premier la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale ouvert aux partis politiques et à la société civile. L’UFC, la principale force de l’opposition, a marqué son accord pour faire partie de ce gouvernement dont la feuille de route sera la mise en oeuvre des Accords de Ouagadougou.
La question de la nationalité disparaît
Ces engagements portent ensuite sur l’institution d’une nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui va contrôler tout le processus électoral depuis le recensement des électeurs jusqu’à l’organisation du scrutin. La question de la composition ainsi que le mode de décision en son sein a été l’un des points d’achoppement entre le pouvoir et l’opposition. L’UFC, qui avait dans le projet d’accord deux places comme chacun des partis de l’opposition contre 5 pour le RPT, dénonçait un déséquilibre au profit du pouvoir. Finalement, la répartition de départ est maintenue dans le texte final à la différence que les deux représentants du gouvernement au sein de la CENI siègent sans voix délibérative. Aussi, l'accord prévoit de privilégier le consensus au lieu du vote dans les prises de décisions de la nouvelle CENI comme l’exigeait l’opposition. Autre point qui a fait l’objet de débat houleux, les conditions d’éligibilité.
Outre la suppression des délais de résidence pour les candidats aux élections, l’accord prévoit que « l’exigence de présenter une copie légalisée de l’acte de renonciation à toute nationalité étrangère, dont le candidat pourrait être titulaire, soit supprimée pour les prochaines législatives. » Cette disposition était d’autant plus chère au parti d’Olympio que bon nombre de ses cadres, exilés ou réfugiés à l'étranger pour des raisons politiques, ont acquis d’autres nationalités et se retrouvaient de fait hors jeu à cause de ces deux critères contenus dans le code électoral togolais.
Toujours dans le cadre électoral, on notera le changement du mode de scrutin. Le scrutin uninominal à un tour est supprimé. Il est proposé soit le mode uninominal à deux tours, soit la proportionnelle de liste. Le document propose également la mise en place d’un programme de délivrance des carte d’identité, l’institution d’une carte d’électeur infalsifiable, la présence d’observateurs à toutes les étapes du processus électoral, la mise en place d’une structure d’alerte pour sécuriser le processus, un accès équitable des partis politiques aux médias d’Etat.
Sur la question de la sécurité, il est écrit que l’armée et les forces de sécurité s’abstiennent désormais de toute interférence dans le débat politique. Quant à la question des droits de l’Homme, une commission devrait faire la lumière sur « les actes de violence à caractère politique commis par le passé et d’étudier les modalités d’apaisement des victimes. » Il est prévu la création d’un comité ad hoc pour appuyer le HCR pour accélérer le retour des réfugiés. Une commission sera également créée, qui « proposera des mesures susceptibles d’accélérer leur retour ».
Et puis, le texte contient un passage qu’attendait depuis longtemps le pouvoir togolais : l’appel des parties prenantes au dialogue pour la reprise rapide de la coopération en particulier avec l’Union européenne qui a suspendu son aide au Togo depuis 1993 pour « déficit démocratique ».
Pour veiller à l’application de l’Accord, il est prévu la mise en place d’un comité de suivi présidé par le facilitateur Blaise Compaoré. Ce comité sera composé de représentants de l’Union européenne et de la CEDEAO. Il sera chargé, en cas de nécessité, d’appeler les uns et les autres au respect des engagements pris.
par Alpha Barry
Article publié le 19/08/2006 Dernière mise à jour le 19/08/2006 à 14:17 TU