Diplomatie
La France refuse le «divorce entre les mondes»
(Photo : AFP)
Conformément aux engagements du président Jacques Chirac, la France a annoncé mardi l'envoi, d'ici le 15 septembre, d'un bataillon de 900 soldats équipé d'un armement lourd dont 13 chars Leclerc, pour renforcer le contingent des casques bleus au Liban. Ce bataillon rejoindra la Finul par voie maritime et sera suivi, « dans les semaines à venir », d’un second bataillon de 700 hommes, selon l'état-major des armées. Ainsi, 400 soldats français étant déjà sur place, le nombre de militaires français au sein de la Finul sera, comme annoncé, de 2 000.
Un moment hésitante à dépêcher des troupes alors qu’elle s’était beaucoup impliquée sur le plan diplomatique, la France avait été critiquée par les Nations unies et certains de ses partenaires. Aujourd’hui, forte d’un engagement concret et conséquent au sud du Liban, elle entend se montrer déterminée à jouer son rôle dans la crise libanaise, mais aussi, plus largement, à peser dans les différents processus diplomatiques en cours dans la région, au Proche-Orient comme dans le Golfe.
Le président français a exposé lundi à Paris, lors de la traditionnelle conférence annuelle des ambassadeurs de France, les grandes orientations de la diplomatie française. Conflit entre Israël et le Hezbollah libanais, « interminable » conflit israélo-palestinien, « instabilité en Irak et tensions dans le Golfe », crise du nucléaire iranien : « Chacun voit bien qu’au Moyen-Orient, les lignes de fracture se rejoignent et les crises s’additionnent », a insisté le chef de l’Etat qui voit dans cette accumulation des périls se profiler un « danger majeur, celui du divorce entre les mondes, Orient contre Occident, Islam contre Chrétienté, riches contre pauvres ».
« Des violences qui échapperont à tout contrôle »
Aussi le chef de l’Etat a-t-il appelé à une relance des efforts diplomatiques, insistant sur la nécessité de régler au fond les différents conflits qui ensanglantent le Proche-Orient. Sur le conflit israélo-palestinien, Jacques Chirac à appelé une réunion rapide du Quartette international sur le Proche-Orient (Union européenne, Russie, Etats-Unis, Onu), ce dont s’est aussitôt félicité le président palestinien Mahmoud Abbas. « Se résigner au statu quo, selon le président français, c’est risquer l’engrenage de violences qui échapperont à tout contrôle ».
Sur le Liban, alors que la trêve entre l’armée israélienne et la milice chiite du Hezbollah reste fragile, « l'alternative est soit la reprise des hostilités, qui creuserait un infranchissable fossé entre deux peuples voisins, soit l'option politique d'un règlement global et durable ». Jacques Chirac a réclamé la levée du blocus aérien et maritime imposé par Israël et souhaité la tenue d'une conférence internationale sur le Liban pour lui exprimer « un vaste élan de solidarité ».
Quant à la recherche d’une solution politique durable, elle doit, selon lui, impliquer l’ensemble des pays de la région, en particulier Israël, la Syrie et l’Iran. « Précisément parce que le Liban a été trop longtemps le théâtre de leurs affrontements, tous doivent comprendre qu'ils ont avantage à un Liban souverain et indépendant, où l'autorité exclusive de l'Etat s'exerce sur l'ensemble du territoire, a insisté le président français. C'est la meilleure garantie de leurs intérêts légitimes, en particulier de sécurité ».
L’Iran doit « créer les conditions de la confiance »
Parmi les Etats concernés, l’Iran figure en bonne place, tant ses liens avec le Hezbollah sont étroits. La paix ne saurait donc se faire sans lui. D’autant que Téhéran, qui continue parallèlement de défier la communauté internationale sur l’épineux dossier de son programme nucléaire, ne cache plus son intention de lier les deux crises. Jacques Chirac, le qualifiant de « grand pays », l’a invité à « créer les conditions de la confiance ».
Alors que le délai que lui a accordé le Conseil de sécurité pour suspendre ses activités d’enrichissement d’uranium expirent jeudi 31 août, le chef de l’Etat français a estimé que « l'Iran ne trouvera pas la sécurité dans le développement de programmes clandestins mais bien dans sa pleine insertion au sein de la communauté internationale ». Mardi, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, la France s'est ainsi dite prête, au risque de diviser les grandes puissances, à renouer le dialogue avec l'Iran. Toutefois, selon le ministre, cette offre, à laquelle l’Allemagne s’est associée, reste assortie de « l'exigence de la suspension des activités sensibles ».
La paix ne saurait se faire, non plus, sans la Syrie, pays avec lequel la France entretenait naguère de bonnes relations, Jacques Chirac étant le seul chef d’Etat occidental présent à Damas en juin 2000, aux obsèques de l’ex-président Hafez al-Assad. Elles se sont dégradées depuis février 2005, date de l’assassinat – imputé aux services secrets syriens – , de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, un proche du président français. Aujourd’hui, ce dernier invite la Syrie à sortir de sa « logique d’enfermement » et estime qu’elle « a vocation à reprendre sa place à la table des nations en respectant la légalité internationale et la souveraineté de ses voisins ».
par Philippe Quillerier
Article publié le 29/08/2006 Dernière mise à jour le 29/08/2006 à 17:13 TU