Côte d'ivoire
Abidjan intoxiquée
(Photo: AFP)
Tout a commencé le 18 août dernier. Ce jour-là, un navire russe, le «Probo Koala» battant pavillon panaméen, affrété par une société immatriculée en Espagne jette l’ancre au Port autonome d’Abidjan. Il a fallu près de deux jours pour que le «Probo Koala» se débarrasse de ses 528 m3 de cargaison. En principe des «Slops», des eaux usées contenant des hydrocarbures. Sept sites dans les communes d’Abidjan dont les décharges d’Akouédo, de Dokui, de Vridi, de Ndotré ont été choisies, en parfaite connaissance de cause, pour accueillir «la marchandise». En effet, les responsables du Centre ivoirien antipollution (Ciapol), alertés par la forte odeur des déchets auraient commandé des analyses qui ont révélé que les «Slops» en question avaient une forte teneur en sulfure d’hydrogène et en soude. Des produits bien connus pour être hautement toxiques.
Selon le quotidien Fraternité Matin des échanges de courrier entre certains responsables de Ciapol sont révélateurs d’un laisser-faire «coupable». Entre «une mise en demeure» de rester à quai adressée au capitaine du Probo Koala, le temps de procéder aux analyses et vérifications d’usage et superviser, par ailleurs, le déchargement des produits et leur acheminement sur différents sites, notre confrère met le doigt sur une incohérence des services de Ciapol, qu’une d’enquête élucidera. Par ailleurs, les autorités du port autonome d’Abidjan qui ont autorisé le navire à accoster lui ont également délivré un avis de départ en bonne et due forme. Le Probo Koala serait déjà loin, loin des côtes ivoiriennes. Tous ces dysfonctionnements des services ivoiriens ont été abordés lors du conseil des ministres extraordinaire convoqué le 6 septembre par le Premier ministre, Charles Konan Banny. Une commission d’enquête, déjà à pied d’œuvre, a permis l’interpellation de six personnes dont l’identité n’a pas été révélée.
Après avoir minimisé le danger, le gouvernement veut sévir
«Aucune légèreté ne sera tolérée», a lancé le Premier ministre Charles Konan Banny qui avait aussi reconnu que son gouvernement n’avait pas assez vite pris la mesure de l’ampleur des dégâts. Pour parer au plus urgent des dispositifs d’accueil ont été mis au point dans les Centres hospitaliers et universitaires de Treichville et de Cocody. Ces hôpitaux auraient déjà accueilli près de 500 personnes présentant à des degrés divers des problèmes respiratoires, des diarrhées, des vomissements, etc. Deux fillettes d’une dizaine d’années sont mortes après avoir inhalé ces produits toxiques.
Plusieurs associations de quartier avaient en vain signalé les désagréments que les populations subissaient depuis le stockage à ciel ouvert de ces déchets. Mais il a fallu la mort de deux fillettes et que plusieurs centaines de personnes présentent des symptômes graves et de lésions diverses pour que les autorités compétentes réagissent. «Nous avons décidé de mener des actions pour attirer l’attention des autorités administratives et politiques de la Côte d’Ivoire», a déclaré à l’AFP, Raymond Boga, président de l’Union des jeunes de la commune de Cocody. Entre autres actions, les jeunes avaient décidé d’ériger des barrages afin de bloquer la circulation dans cette commune où résident de nombreux VIP dont le président de la République et le Premier ministre. «Il n’y aura pas de circulation, tout sera bloqué pour que chacun s’interroge pour trouver une solution», ont menacé les jeunes. Mais ces personnalités n’ont pas du souffrir de l’opération «Cocody ville morte», puisque le président de la République et le Premier ministre, en déplacement à Yamoussoukro, y ont convoqué le Conseil des ministres extraordinaire sur problème des déchets toxiques déversés à Abidjan. Un avion a transporté les ministres à Yamoussoukro.
par Didier Samson
Article publié le 06/09/2006 Dernière mise à jour le 06/09/2006 à 16:49 TU