Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Sri Lanka

ONG: Organisations (humanitaires) non gratae

Des centaines de soldats patrouillent et contrôlent véhicules et passants dans la capitale, Colombo. Les autorités s'attendent à des représailles de la rebellion. Un climat qui rend les conditions de travail très difficiles pour les organisations humanitaires sur le terrain. 

		(Photo : AFP)
Des centaines de soldats patrouillent et contrôlent véhicules et passants dans la capitale, Colombo. Les autorités s'attendent à des représailles de la rebellion. Un climat qui rend les conditions de travail très difficiles pour les organisations humanitaires sur le terrain.
(Photo : AFP)
Le climat délétère sur l'île provoque des conditions de travail insupportables pour la plupart des organisations non gouvernementales (ONG). Les Nations unies menacent de se retirer si la lumière n'est pas faite sur le massacre des 17 humanitaires d’Action contre la faim. D'autres organisations dénoncent l'ambiance «anti-humanitaires» qui règne dans le pays depuis que les autorités ont durci les procédures administratives. Pour elles, le gouvernement souhaite leur départ afin qu'il n'y ait plus de témoins sur les exactions commises.

De notre correspondant à Colombo

«Nous restons au Sri Lanka mais nous allons revoir notre redéploiement. Nous nous retirons des zones de combat potentielles et nous nous concentrons sur l'aide d'urgence», dit Eric Fort, responsable national d’Action contre la faim. Malgré l'assassinat des 17 membres de l'organisation humanitaire en août dernier, l'ONG française poursuit sa mission et tient à suivre l'enquête ordonnée par les autorités. A l'inverse, d'autres organisations estiment que les conditions de travails deviennent inadmissibles. «Mon organisation humanitaire reste, mais moi je pars. Les conditions de sécurité et les menaces répétées deviennent insupportables», dit cette jeune responsable d'une ONG allemande qui ne veut pas dévoiler son identité de peur de représailles.

Les attentats à la mine et les tirs d'infanterie sont quotidiens. Elle ne peut plus accéder aux populations sinistrées du nord et du nord-est du pays, ces civils qui manquent de tout : nourriture, vêtements et même d'abris temporaires. «La semaine dernière des soldats sont entrés dans notre bureau et ils ont demandé à voir nos passeports. Une ONG voisine, a eu la visite de policiers en civils qui voulaient perquisitionner leurs locaux. Nous avons pris des renseignements à la police mais ils étaient inconnus des autorités locales. Pourtant, ils sont revenus le lendemain. Ils cherchent à nous intimider. C'est du harcèlement !», ajoute cette même humanitaire spécialisée dans l'aide d'urgence.

Campagnes de dénigrement

Depuis plusieurs semaines, l'intensification des combats entre la guérilla tamoule et l'armée sri lankaise a déplacé plus de 200 000 civils de leurs habitations. Pour les milliers d'humanitaires présents sur l'île, les conditions de travail deviennent de plus en plus difficiles. Accueillies les bras ouverts après le tsunami, elles sont maintenant pour la plupart, pour ne pas dire toutes, personae non gratae. Détérioration des conditions de sécurités, campagnes de dénigrement par les autorités et intimidations sont courantes. Sur le plan administratif, les mesures se sont infiniment compliquées. Les ONG doivent demander un permis de travail délivré par le ministère de la Défense. Les extensions de visas de résidence sont accordées au compte-gouttes ; il est également très fréquent de se voir refuser l'accès à une zone pour défauts d’autorisation, et autres «papiers manquants». Imbroglio administratif? Pas si sûr. Pour bon nombre d'humanitaires, ces tracasseries sont volontaires et révèlent une réelle intention de nuire à leur travail sur le terrain.

Dans la presse, de nombreux articles mettent en doute l'intégrité des organisations humanitaires et les accusent même d'incompétence. Elles sont surnommées les «Tigres blancs». En aidant les populations tamoules victimes du conflit, celles-ci sont accusées de faire le jeux des Tigres de l'Eelam tamoule (LTTE, la guérilla tamoule) qui combat pour un état séparé dans le nord et le nord-est du pays. «Pour des raisons de sécurité les autorités ne veulent pas d'organisations internationales dans les zones de combats. C'est du moins la raison officielle. Elles ne veulent pas être responsable de dégâts collatéraux qui arriveraient aux expatriés», dit Jevan Thiagarajah, directeur du CHA, consortium des agences humanitaires chargés de coordonner les ONG au Sri Lanka. Une explication officielle qui ne convainc pas grand monde. «En fait, il n'est pas question qu'il y ait des témoins des massacres et exécutions commis dans ces régions et ce, par toutes les parties impliquées dans le conflit», ajoute Jevan Thiagarajah.

Par leur présence, les ONG garantissent une certaine stabilité et évitent que la situation ne dégénère encore plus. «Les ONG sont essentielles pour la société civile dans une démocratie. Elles garantissent que les libertés fondamentales et que les droits de l'homme soient respectés. Elles participent à la paix et au développement du pays. En partant, on ne peut assister qu'au chaos et à l'impunité», conclut Jevan Thiagarajah. «Sur les 2,4 milliards de dollars donnés après le tsunami, entre 33% et 54% de l'aide internationale seulement a été utilisée», dit Pablo Ruiz, conseiller pour la reconstruction post-tsunami pour les Nations unies, en s'appuyant sur les chiffres communiqués par des sources gouvernementales.



par Mouhssine  Ennaimi

Article publié le 07/09/2006 Dernière mise à jour le 07/09/2006 à 16:19 TU