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Sri Lanka

Intensification des combats

A Jaffna, l'armée sri lankaise tire sur les Tigres de l'Eelam tamoul. 

		(Photo: AFP)
A Jaffna, l'armée sri lankaise tire sur les Tigres de l'Eelam tamoul.
(Photo: AFP)
En moins d'un mois, l'armée et la guérilla tamoule ont intensifié leurs combats. L'armée bombarde les positions des Tigres dans la région stratégique de Trincomale au nord-est du pays. La rébellion tente de reprendre Jaffna, la principale ville à l'extrême nord de l'île. La capitale Colombo n'est pas épargnée.

De notre correspondant à Colombo

Mardi, les autorités srilankaises ont envoyé un bateau avec 2 500 tonnes de nourriture et 7 tonnes de médicaments. Destination: la péninsule de Jaffna, à l'extrême nord du pays. «Toutes les routes sont bloquées et l'aéroport est impraticable, nous n'avons pas d'autre choix que d'approvisionner les habitants de la péninsule par bateau», dit Toon Vandenhove, chef de mission du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Sur le terrain, depuis plus de dix jours, de violents affrontements ont lieu entre l'armée srilankaise et les Tigres de l'Eelam tamoul (LTTE). Les tirs d'artillerie ainsi que les combats, parfois au corps à corps, bloquent l'unique passage par la route vers la pointe nord du Sri Lanka. Or, pour les organisations non gouvernementales et les agences des Nations unies, faire passer de l'aide ou de la nourriture reviendrait à traverser au moins deux lignes de fronts. Trop Dangereux. Et ce, d'autant plus, qu'aucune partie ne souhaite laisser de répit à son ennemi en déclarant une trêve, même partielle.

La «sale guerre»

(Carte: RFI)

C'est donc sous la bannière du Comité international de la Croix-Rouge que le cargo a entrepris une navigation de plus de cinquante heures pour rejoindre Point Pedro, le principal port de la péninsule. A son arrivée, il faudra acheminer le riz, la farine, l'huile et le sucre aux quelque 350 000 habitants, dont 40 000 déplacés. Couvre-feu, rationnement de l'électricité, pénurie de riz, assassinats ciblés par l'armée et par la guérilla tamoule sont le lot quotidien des habitants de Jaffna. La population civile, de nouveau coincée entre l'arbre et l'écorce, subit les effets collatéraux d'une «sale guerre» où tous les coups sont permis et où la fin justifie les moyens.

«Le gouvernement dit qu'il est pour la paix mais toutes les actions qu'il entreprend prouve le contraire», confie un diplomate occidental basé à Colombo sous couvert de l’anonymat. Quant à la guérilla tamoule, son leader a prévenu depuis plusieurs mois déjà que la rébellion allait s’engager dans une nouvelle guerre (Eelam IV) pour faire cesser les oppressions dont les Tamouls sont victimes. Chaque camp se renvoie systématiquement la balle en cas de massacre. Chaque partie accuse l'autre de ne pas mettre fin à un des conflits les plus anciens d'Asie par la négociation politique. «Colombo et le LTTE veulent tous les deux arriver en position de force à la table des négociations», résume ce même diplomate.

Dans la région de Trincomale, au nord-est du pays, plus de 500 personnes ont déjà perdu la vie au cours des dernières semaines. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été déplacées. Les ONG encore présentes sur le terrain parlent de «camps de fortune» au bord de la route. Les populations vivent dans une extrême précarité. Plusieurs milliers ont fui le Sri Lanka pour se réfugier en Inde. Certains pour la seconde fois en deux décennies de violences. Les musulmans (environ 8% de la population totale) sont les grandes victimes de la reprise du conflit. Chassés par le LTTE et ignorés par le gouvernement, les musulmans du Sri Lanka sont de plus en plus tentés de rejoindre les bandes armées naissantes.

La mission de surveillance de la trêve se replie à Colombo

La mission scandinave chargée d'observer la trêve (SLMM) signée en 2002 a également décidé de retirer son personnel des zones de conflit. Les observateurs sont unanimes. Le cessez-le-feu signé il y a près de quatre ans est caduque. La SLMM n'est d'ailleurs pas au bout de ses peines. Sur les 57 «moniteurs», près de la moitié devrait quitter le pays avant le 1er septembre prochain. La guérilla a demandé leur départ après que l'Union européenne ait classé le LTTE sur la liste des organisations terroristes en mai dernier.

Seul l'Islande et la Norvège (pays ne faisant pas partie de l'UE) resteront sur place. Quant à la médiation norvégienne, malgré la reprise du conflit, elle continue ses efforts et tente de faire comprendre aux deux parties que seules des concessions politiques peuvent arrêter le bain de sang qui déchire l'île.

«Personne ne sait où la prochaine bombe va exploser, cela peut être n'importe où dans la capitale», dit Radigaruna, un marchand de journaux dans un quartier populaire de Colombo. Malgré le déploiement impressionnant de militaires armés dans la capitale et la présence de centaines de check-points, chacun sait désormais qu'il n'est pas à l'abri d'un attentat. Mardi, les forces de l'ordre ont découvert une bombe de 15 kg dissimulée dans un cageot de noix de coco, à Borella, un quartier populaire de la capitale. Selon les autorités, si la bombe avait explosé, elle aurait fait des centaines de victimes, tous civils. Aucun bâtiment officiel n'est dans le périmètre.



par Mouhssine  Ennaimi

Article publié le 23/08/2006 Dernière mise à jour le 23/08/2006 à 13:24 TU

Audio

Paul-Eric Meyer

Historien de l'Asie du Sud et du Sri Lanka

«La situation s’est aggravée depuis un an, lorsque les Tigres ont opté pour une stratégie d’affrontement avec l’assassinat du ministre des Affaires étrangères en août de l’année dernière.»

[02/08/2006]

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