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Sri-Lanka

Seize employés d’une ONG assassinés

Des soldats sri-lankais devant des cadavres de rebelles tamouls tués dans des combats à Muttur le 5 août. 

		(Photo : AFP)
Des soldats sri-lankais devant des cadavres de rebelles tamouls tués dans des combats à Muttur le 5 août.
(Photo : AFP)
Alors que les combats ont repris entre les indépendantistes des Tigres de libération de l’Eelam tamoul et les militaires sri-lankais, 16 membres de l’organisation non gouvernementale française Action contre la faim ont été assassinés. Les indépendantistes accusent l’armée gouvernementale. Elle réplique en accusant les Tigres d’avoir massacré une centaine de civils dans la région de Muttur.

Seize Sri-Lankais, qui travaillaient pour l’organisation non gouvernementale française Action contre la faim (ACF), ont été retrouvés morts dans les décombres de leur bureau à Muttur. L’équipe était composée de 14 tamouls et d’un musulman. Une seizième personne a été retrouvée lorsque les corps ont été récupérés. Presque tous ces hommes et ces femmes ont été tués d’une balle dans la tête. Leur base se trouvait dans cette localité située dans les environs de Trincomalee, à l’est de l’île. Action contre la faim employait cette équipe dans le cadre de son programme mis en place après le tsunami de décembre 2004. La côte est de l’île a été particulièrement touchée par la vague dévastatrice. Les combats entre les Tigres tamouls et l’armée ont repris récemment dans cette zone, chacun des deux camps voulant prendre le contrôle d’un canal d’irrigation. Finalement, les rebelles se sont retirés de Muttur après les affrontements les plus violents qu’ait connu le Sri-Lanka depuis la trêve instaurée il y a 4 ans entre les deux parties. 

«Nous avons trouvé des locaux saccagés et 16 personnes, qui portaient leurs T-shirts, face contre terre. Tous, malheureusement, portent des T-shirts d’Action contre la Faim», a expliqué Jeevan Thiagarajah, le coordinateur des ONG présentes au Sri-Lanka depuis le tsunami qui a dépêché une personne sur place.

Les 2 camps se renvoient la responsabilité

Sur un site internet qui lui sert habituellement pour communiquer, la rébellion accuse l’armée d’avoir exécuté le personnel de l’ONG française basé à Muttur. De leur côté les militaires renvoient l’accusation aux rebelles : «Les corps ont été retrouvés par l’armée quand les Tigres, après avoir pris le contrôle de certains secteurs de la ville, s’en sont retirés et, selon des civils, ont pillé des banques et procédé à des massacres aveugles», indique Upali Rakjapakse, responsable de la communication de la Sûreté nationale. L’armée accuse également les rebelles d’avoir massacré une centaine de civils en effectuant leur repli de Muttur.

Après plusieurs jours de combats, l’armée a repris le contrôle de cette ville qui s’est vidée de ses 30 000 habitants en raison des bombardements. Les dégâts causés par le tsunami sont encore visibles à Muttur. Les travaux de reconstruction ont été retardés par la reprise du conflit.

Action contre la faim a envoyé plusieurs responsables au Sri-Lanka afin de « réexaminer » sa présence dans ce pays sinistré. De Paris, ACF annonce avoir stoppé, pour l'instant, toutes ses activités dans ce pays (Jaffna, Batticaloa et Trincomalee). L'association précise qu’elle emploie sur place 220 Sri-lankais et 18 expatriés. Une quinzaine de ses salariés sont déployés dans le port de Trincomalee, lui aussi zone de combat. L’ONG française est facilement repérable grâce à son logo, apposé sur ses bureaux. Et tous les membres du personnel portent le Tee-shirt «maison». Ils sont donc identifiables comme travailleurs humanitaires, ce qui n'a pas empêché la mort de ces 16 personnes exécutées à Muttur, à une quinzaine de kilomètres de là.

Avec un budget annuel de 2,6 millions d’euros, ACF est chargée de fournir de l’eau potable aux habitants du littoral touché par le tsunami. Depuis près de deux ans, la mission de l’ONG française s’était élargie à l’assistance des réfugiés fuyant le conflit entre les rebelles tamouls, qui contrôlent presque tout le nord du pays, et l’armée gouvernementale.

«Une enquête de priorité élevée»

Colombo a promis de vérifier les informations selon lesquelles les employés d’ACF ont été abattus par balle. « Si l’histoire est vraie, cela sera une enquête de priorité élevée », a déclaré le ministre sri-lankais des droits de l’homme, Mahinda Samarasinghe. « Je peux assurer qu’il y aura une enquête indépendante et sans tache », a-t-il encore précisé. Lundi, journalistes et représentants d’organisations humanitaires n’avaient toujours pas la possibilité d’entrer dans Muttur.

(Carte : Geoatlas/RFI)
(Carte : Geoatlas/RFI)

Depuis le 15 juillet, les rebelles et les militaires ont repris les combats. L’affrontement a débuté pour le contrôle du canal d’irrigation de Maavilaru. Selon l’armée, les rebelles l’ont bloqué pour priver d’eau des milliers de Sri-Lankais. Lundi, alors que les Tigres étaient sur le point de rouvrir les vannes, l’armée a bombardé cette région de Trincomalee. Le chef de la mission de contrôle du cessez-le-feu au Sri-Lanka, Ulf Enricsson, a aussitôt condamné cette attaque alors que les rebelles étaient sur le point de débloquer l’accès à l’eau du canal. Des observateurs scandinaves sont actuellement à leurs côtés et semblent impuissants à faire respecter le cessez-le-feu instauré en 2002.

Dans les semaines qui ont suivi la grande catastrophe naturelle de 2004, les secours internationaux avaient pu se féliciter de la coopération venant des deux camps : elle avait permis d’accéder aux zones sinistrées de l’île, que les habitants soient dans la zone gouvernementale ou dans la zone contrôlée par les rebelles. La récente reprise des hostilités puis l’exécution de plusieurs représentants locaux d’Action contre la faim laissent supposer que l’accord de paix de 2002 est quasiment enterré.         



par Colette  Thomas

Article publié le 07/08/2006Dernière mise à jour le 07/08/2006 à TU