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Mexique

Un pays, deux présidents

Andres Manuel Lopez Obrador a été proclamé «président légitime» du Mexique, à mains levées, par plus d’un million de sympathisants. 

		(Photo : Patrice Gouy / RFI)
Andres Manuel Lopez Obrador a été proclamé «président légitime» du Mexique, à mains levées, par plus d’un million de sympathisants.
(Photo : Patrice Gouy / RFI)
La crise électorale mexicaine, loin d’être résolue, semble néanmoins marquer le pas. La Convention nationale démocratique convoquée par Andres Manuel Lopez Obrador s’est terminée avec la nomination du leader de la gauche comme «président légitime». Avec les fêtes de l’Indépendance symbole du nationalisme, il semble que droite et gauche tentent de se redéfinir.

De notre correspondant à Mexico

Après le défilé militaire des fêtes de l’Indépendance, le Zocalo, la place de la Constitution, s’est rempli des milliers de sympathisants d’Andres Manuel Lopez Obrador. Le chef de file de la gauche avait convoqué ses partisans à une Convention nationale démocratique.

Plus d’un million de délégués, venus des quatre coins du Mexique, sont réunis. Dans un discours passionné, Lopez Obrador souligne que se referme une étape de la résistance civile et que s’ouvre celle de la Convention, annonçant qu’au-delà des accords que pourraient prendre cette assemblée, il avait décidé de parcourir le pays pour mieux faire connaître son projet alternatif de nation.

C’est donc dans une ambiance de nostalgie, après 48 jours de campement sur le Zocalo et le long des 7 km du Paseo de la Reforma, qu’il a annoncé, ce que certains estiment être, son éloignement momentané du devant de la scène politique. Néanmoins, Lopez Obrador a prévenu qu’il ne se rendait pas : «Nous allons de l’avant, je suis très conscient de ma responsabilité et je serai à la hauteur de vos espérances».

Deux Présidents élus

Le Mexique se retrouve donc avec deux présidents : l’un, officiel, c’est Felipe Calderon, le président constitutionnel, et l’autre est Andres Manuel Lopez Obrador, proclamé «président légitime» du Mexique, à mains levées, par plus d’un million de sympathisants : «J’accepte le poste de président du Mexique parce que nous refusons l’imposition d’un président illégitime  et la rupture de l’ordre constitutionnel.  Aujourd’hui est un jour historique. Cette Convention nationale démocratique a proclamé l’abolition de l’actuel régime de corruption et de privilèges qui prévaut  et a jeté les bases d’une nouvelle constitution et l’établissement d’une nouvelle République».

La prise de fonction a été symboliquement fixée au 20 novembre, jour anniversaire de la révolution de 1910. Cette cérémonie se déroulera sur cette même place de la Constitution où Lopez Obrador a fait le pari de réunir 3 millions de sympathisants.

Le mouvement de résistance civile va néanmoins se poursuivre,  mais il semble vouloir s’institutionnaliser. Non seulement il s’est donné un président mais aussi un gouvernement parallèle qui siègera dans la capitale. Pour son efficacité, la Convention a également annoncé la formation d’un Front élargi progressiste (FAP) qui accueillera toutes les tendances de la gauche qui devront travailler à la création d’un véritable parti pouvant s’opposer à la droite libérale et conservatrice. «L’objectif de ce Front sera d’alimenter et de soutenir le travail des parlementaires. L’idée centrale est de créer un véritable parti de gauche, avec des proposition de gauche et des actions de gauche» explique Emilio Caetano, délégué syndical de la sidérurgie.

Derrière ce discours musclé s’ébauchent donc les premiers fondements d’une opposition qui se veut intransigeante. Pour de nombreux observateurs, la situation post électorale mexicaine est en train de se normaliser. Cette Convention démocratique devrait  redistribuer les forces au sein de la gauche qui, par l’intransigeance et le radicalisme de Lopez Obrador, était sur le point d’éclater.

Une société polarisée

La société mexicaine est tellement polarisée que chaque camp est content de la tournure que prennent les événements. Pour la gauche, la résistance civile a prouvé qu’elle n’était pas un mouvement d’humeur, que la mobilisation ne faiblissait pas et que «la lutte allait se poursuivre pour un monde plus juste, chaleureux et fraternel».

Pour la droite, les égarements de Lopez Obrador sont conjoncturels et finiront par se diluer. Felipe Calderon se cherche une nouvelle image pour gommer celle d’héritier de Vicente Fox. Pour gagner des appuis sur sa gauche, il se recentre, faisant sienne les trois priorités de Lopez Obrador : lutte contre la pauvreté, les inégalités sociales et l’insécurité. Il a pris ses distances avec ceux qui l’ont aidé à gagner ces élections en s’éloignant de l’aile droite de son parti pour ne pas en être prisonnier surtout pour être libre de constituer comme il l’entend son cabinet. De la même manière, il s’est  démarqué du président sortant, Vicente Fox qui lui lègue une économie fragilisée, un gouvernement faible et un pays coupé en deux.



par Patrice  Gouy

Article publié le 18/09/2006 Dernière mise à jour le 18/09/2006 à 11:32 TU