Mexique
Présidentielle: victoire de la droite confirmée
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Mexico
Après un conflit post électoral de deux mois qui n’a fait qu’amplifier les rumeurs d’une fraude généralisée, le Tribunal fédéral électoral n’a pas cherché à faire baisser la tension, ni à renforcer la crédibilité des institutions. Plutôt que d’ordonner un recompte de tous les suffrages, vote par vote, bureau par bureau, ce qui aurait levé toute ambiguïté sur le scrutin et permis d’ouvrir un espace de dialogue avec le perdant, il a préféré légitimer les résultats du 2 juillet et confirmer que le vainqueur est bien Felipe Calderon. Une défense de la légalité des institutions avant celle de la justice.
Candidat imposé
La confrontation entre la gauche et la droite risque donc d’être sévère. En effet, pour Andres Manuel Lopez Obrador et la coalition Pour le bien de tous, le Tribunal fédéral électoral n’a fait que confirmer «l’imposition de Felipe Calderon ; d’entrée de jeu les dés étaient pipés et le nouveau décompte des suffrages n’a été qu’un simulacre puisqu’il n’y a eu aucune volonté de vérifier s’il y avait eu fraude ou non». Lionel Cota, le porte-parole du PRD, estime scandaleux que les juges se soient prêtés à pareille manipulation politique, soulignant que, selon les chiffres officiels, il y a eu 58 056 votes en plus (par bourrage des urnes) et 61 688 votes qui ont mystérieusement disparus, sans que le tribunal n’annulent les suffrages de bureaux de vote concernés.
Pour Lopez Obrador, que l’on sait intransigeant (et c’est son principal défaut), le nouveau président n’est donc pas «légitime, c’est un usurpateur». Il propose que lors de la Convention nationale démocratique qu’il a convoquée pour le 16 septembre, jour de la fête nationale, soit désigné «un chef de gouvernement parallèle chargé de coordonner la protestation sociale et d’établir de nouvelles institutions.»
Pour le PAN, la gauche est un mauvais perdant à qui il faut laisser ruminer sa défaite. Felipe Calderon a aussitôt donné le ton. Il s’est adressé à la coalition Pour le bien de tous qui campe en résistance civile sur la place de la Constitution et sur 7 Km du Paseo de la Reforma pour dénoncer «la stratégie de violence de la gauche» et l’avertir qu’une fois confirmé dans ses fonctions (le 1er décembre), il ne permettra pas «que la décision prise par des millions de Mexicains soit bafouée par quelques-uns. Je n’ai ni rancœur, ni préjugés, je suis ouvert au dialogue mais je sais aussi avoir la main ferme ». Une déclaration qui confirme que son gouvernement ne sera pas aussi laxiste que celui de son prédécesseur. L’application de la loi, plutôt que l’esprit de la loi.
La faute à Vicente Fox
Lorsque les Mexicains ont chassé le PRI du pouvoir en juillet 2000, ils espéraient que Vicente Fox réalise une réforme de l’Etat et des institutions. Pour de multiples raisons, Fox n’a pas voulu s’y atteler et la transition démocratique est restée en panne. Le prochain président aura à faire face à la crise institutionnelle que souligne ce conflit électoral mais qui n’est pas circonscrite au seul monde politique.
Le Mexique est dans une grande décomposition sociale car sa croissance est la plus faible d’Amérique latine, la pauvreté a augmenté, l’état de droit n’existe toujours pas, l’évasion fiscale est l’une des plus fortes du monde ; quant à la corruption, elle a souvent été légalisée par les incroyables salaires versés aux hauts fonctionnaires et par les délits d’initiés. Felipe Calderon, élu avec 35,8 % des voix, sans grande légitimité, aura du mal à reconstruire les institutions s’il ne fait pas du dialogue sa priorité.
par Patrice Gouy
Article publié le 29/08/2006 Dernière mise à jour le 29/08/2006 à 08:44 TU