Mexique
Mobilisation massive à gauche
Plus d’un million de personnes sont descendues dans la rue pour soutenir Andrés Manuel Lopez Obrador, vaincu lors des élections présidentielles mexicaines.
(Photo : Patrice Gouy/RFI)
De notre correspondant à Mexico
Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) a réussi son pari d’organiser la plus grande manifestation de l’histoire du Mexique. Dimanche, un million quatre-cent mille personnes (1,2 selon la police) ont manifesté pendant plus de 6 heures le long du Paseo de la Reforma, dans les jardins de la Alameda et sur le Zocalo, la place de la Constitution, au cœur du centre historique. D’immenses écrans ont retransmis tout le long du parcours les discours des leaders de la gauche. Cette manifestation était très importante pour Lopez Obrador pour deux raisons. Il s’agissait d’une part de montrer sa capacité à mobiliser les masses pour faire pression sur le Tribunal fédéral électoral qui doit rendre un verdict sur les 223 plaintes que la coalition « Pour le bien de tous » a déposées. D’autre part, la manifestation avait pour objet de dénoncer l’IFE, l’Institut Fédéral Electoral en charge de ces élections. Obrador estime que l'IFE n’a pas été le modèle démocratique que les médias télévisés (TV-Azteca et Televisa) et le gouvernement ont essayé de vendre aux électeurs. En d’autres termes, Obrador assure qu’il y a eu fraude et que Felipe Calderon lui a volé la victoire.
La gauche demande un nouveau décompte
Pour fonder sa dénonciation, Lopez Obrador a de nouveau demandé un nouveau décompte, bureau par bureau, vote par vote, afin de démontrer qu’il y a eu manipulation des résultats. Il considère que la campagne électorale a été inéquitable, que le comptage des votes a fait l’objet d’une manipulation informatique et que les résultats électoraux ont été faussés. Comme exemple, il a mentionné les révisions réalisées dans 60 % des 130 788 bureaux de vote, soulignant qu'elles comportent suffisamment d’erreurs arithmétiques pour inverser les résultats. Face à une vague jaune prête à le suivre (le jaune est la couleur de la coalition et du PRD), Lopez Obrador a exhorté son rival Felipe Calderon à accepter ce nouveau décompte, soulignant qu’«il n’a pas lieu de refuser, celui qui ne doit rien n’a rien à craindre».
Pour clore la journée de manifestations, Obrador a proposé trois nouvelles actions. Il demande à ses partisans de surveiller les urnes pour éviter tout risque de manipulation de la part du PAN, le parti de Felipe Calderon, et de l’IFE, pour, dit-il, «que ne soient pas ajoutés ou retirés des bulletins électoraux». Afin de maintenir la pression sur le Tribunal électoral, il a convoqué ses sympathisants à venir manifester encore plus nombreux le dimanche 30 juillet. Enfin, il a appelé ses partisans à une action de résistance civile pacifique. Les chefs de files du PT, de Convergence et du PRD, qui composent la coalition, ont décidé de former un comité de citoyens composé d’artistes, d’intellectuels, d’universitaires et des responsables des nombreuses ONG qui soutiennent le mouvement. Le premier objectif sera de définir les mesures à prendre en fonction de l’évolution de la situation.
De nombreuses personnalités de droite, proches de Felipe Calderon, estiment qu’en faisant descendre ses sympathisants dans les rues, Lopez Obrador démontre qu’il est un populiste prêt à utiliser la violence. A leurs yeux, appeler à la désobéissance civile, ce serait nier qu’il y a eu une transition démocratique au Mexique. La droite y voit un défi aux normes sur lesquelles les Mexicains se sont entendu et qui, malgré leurs déficiences, sont, selon elle, l’unique chemin pour mettre en œuvre les réformes et les changements dont le pays à besoin.
La droite invoque la loi électorale
La droite mexicaine juge également inadmissible qu’un candidat défait aux élections s’en prenne à l’arbitre, l'IFE, et se permette de détruire la réputation d’une institution qui est considérée comme la plus solide et la plus démocratique du Mexique. Felipe Calderon n’a pas encore réagi à cette immense manifestation. Mais il a déjà déclaré qu’il s’oppose à un nouveau comptage des voix. Il invoque la loi électorale stipulant que «ne pourront être recomptés que les bulletins de vote pour lesquels l’autorité détectera une manipulation ou une altération». Légaliste, il réclame la stricte application de la loi et demande à son rival d’accepter sa défaite.
L’avenir des élections est entre les mains des juges électoraux qui ont commencé à analyser les 500 plaintes déposées par les différents partis politiques. Pour rendre un verdict impartial, ils ont signalé qu’ils n’accepteraient aucune pression, refusant tout courrier ou appel téléphonique quel qu’en soit la provenance.
par Patrice Gouy
Article publié le 17/07/2006Dernière mise à jour le 17/07/2006 à TU