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Mexique

Présidentielle : Calderon confirme son avantage

Le Mexique ne fête aucune victoire. Les résultats extrêmement serrés qui séparent la droite de la gauche ont été obtenus dans des conditions tellement confuses qu’ils ne donnent lieu à aucune réjouissance.

De notre correspondant à Mexico

Le candidat de la gauche mexicaine, Andres Manuel Lopez Obrador, conteste les résultats et appelle ses partisans à se rassembler samedi.   

		(Photo: AFP)
Le candidat de la gauche mexicaine, Andres Manuel Lopez Obrador, conteste les résultats et appelle ses partisans à se rassembler samedi.
(Photo: AFP)

Le dépouillement des actes électoraux avait commencé lundi à 8 heures du matin et s’était terminé le lendemain à 15 heures. Un marathon pour vérifier les comptes-rendus des 131 000 bureaux de vote regroupés en 300 districts. Felipe Calderon sort vainqueur avec 35,88% des voix, Andres Manuel Lopez Obrador n’obtient que  35,31% environ 150 000 voix de différence sur un total de 45 millions de suffrages exprimés, à peine 0,57% de différence. Une victoire à la Pyrrhus. En effet, Andres Manuel Lopez Obrador, porteur d’un Projet alternatif de nation, a en réalité été virtuellement éliminé de la compétition il y a déjà deux ans.

Chronique d’une disqualification annoncée

La droite que représente Felipe Calderon et le gouvernement de Vicente Fox avaient de longue date le projet de barrer la route de l'élection présidentielle à cet homme idéaliste qui risquait de mettre en danger leurs prébendes, leur pouvoir et leurs avantages fiscaux. Lopez Obrador est vite devenu un danger parce qu’il voulait changer la société mexicaine, lutter contre les inégalités et les privilèges. Après avoir chassé du pouvoir le Parti révolutionnaire institutionnle (PRI), le parti de l’ancien régime, le gouvernement de Vicente Fox, élu en juillet 2000, avait pour obligation de mettre sur les rails la nouvelle démocratie, mais il a préféré couper les ailes à ceux qui voulaient entrer en compétition avec lui. On serait tenté de dire que l’échec de Lopez Obrador aux élections de juillet 2006 commence en réalité avec une affaire judiciaire banale qui démontre l’intégrité et la probité d’Andres Manuel.

A peine élu maire de Mexico, en juillet 2000, il s’oppose à la décision d’un juge, puis à la Cour Suprême qui tentent de spolier le Trésor public au bénéfice d’un particulier. La droite prend peur et décide alors d’écarter coûte que coûte cet homme du pouvoir. Pour salir son image, elle lance alors, en complicité avec les services secrets et les médias télévisés, ce que l’on appelle « l’affaire des vidéos » - scandales où l’on voit des proches collaborateurs du maire se faire corrompre. Encore une fois, il déjoue le complot, en prouvant son indépendance et en faisant condamner les coupables. Le gouvernement, appuyé par le Parti d'action nationale (PAN) et le PRI, tente ensuite de l’évincer pour son refus d’appliquer une décision de justice. Son immunité de maire est levée et il est destitué.

Mais Lopez Obrador n’est jamais aussi bon que le dos au mur, il se défend, mobilise les masses et la presse internationale. La droite recule et le réintègre dans ses fonctions. Enfin, les élections approchent. Malgré une campagne négative à l’américaine, diffamatoire par bien des aspects, soutenue par tout l’appareil et qui joue sur les peurs intrinsèques des Mexicains - des spots télévisés achetés à grands frais par le PAN de Felipe Calderon le dénoncent comme un danger pour Mexico, soulignant que les plus démunis allaient perdre leurs maisons et leurs économies - il reste le plus populaire des candidats.

Des résultats confus

Les résultats, annoncés par l’Institut fédéral électoral (IFE) après une nuit blanche consacrée à dépouiller les actes des 300 districts électoraux, étaient donc connus d’avance. Depuis plusieurs mois, on parlait d’une probable fraude informatique difficilement repérable, que les Mexicains appellent « la main noire », qui aurait permis d’éliminer, sans heurts, celui que la droite ne voulait pas voir gagner. Andres Manuel Lopez Obrador a bien sûr refusé le résultat des élections. Il questionne l’Institut fédéral électoral qui n’a pas voulu ouvrir les actes des 50 000 bureaux de vote qui lui semblaient litigieux, qui a réalisé ce dépouillement à la va-vite, en 24 heures alors que la loi prévoit quatre jours.

De plus, alors que les résultats arrivent à la comptabilité de l’IFE de manière aléatoire, on peut s’étonner que Lopez Obrador soit resté en tête avec 2,5% d’avance pendant les huit premières heures, et qu’à partir de 16 heures il ait entamé une chute qui s’est accélérée au rythme de la nuit, quand tout le monde dormait. Après un tel théâtre, bien peu démocratique, il serait étonnant que le Tribunal fédéral électoral accepte de prendre en considération les plaintes du candidat de la coalition « Pour le bien de tous ». Réponse dans 72 heures.

Andres Manuel Lopez Obrador a convoqué les Mexicains qui ont voté pour sa cause à se rassembler samedi sur le Zocalo, la place de la Constitution, pour défendre leur vote. C’est un peu un baroud d’honneur car il sait pertinemment que c’est perdu.

par Patrice  Gouy

Article publié le 07/07/2006Dernière mise à jour le 07/07/2006 à TU

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Georges Couffignal

Professeur d'études politiques à l'institut des hautes études de l'Amérique latine

«La fin de la campagne présidentielle mexicaine a été marquée par des attaques personnelles. Dans les 236 000 voix de différence, cet aspect a sans doute joué contre Obrador.»

[07/07/2006]

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