Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Mexique

Encore une élection sans vainqueur

Panneau de soutien à Manuel Lopez Obrador (Parti de la révolution démocratique) au Chiapas. Le scrutin s'annonce très disputé. 

		(Photo: Patrice Gouy/RFI)
Panneau de soutien à Manuel Lopez Obrador (Parti de la révolution démocratique) au Chiapas. Le scrutin s'annonce très disputé.
(Photo: Patrice Gouy/RFI)
L’élection de gouverneur dans l’Etat du Chiapas est le reflet de la décomposition politique du Mexique. Le candidat de la coalition Pour le bien de tous devrait l’emporter de quelques voix (48,39%) sur son adversaire du PRI (48,17%), si le Tribunal électoral confirme le résultat la semaine prochaine. Un scénario qui rappelle curieusement l’élection présidentielle du 2 juillet dernier qui n’a, elle non plus, toujours pas de vainqueur.

De notre correspondant à Mexico

Ces élections au Chiapas sont symptomatiques de ce qui se passe au Mexique où la société, complètement polarisée, est prête à s’entredéchirer sous l’œil impassible de ceux qui ne veulent surtout plus avoir à choisir. En effet, les Mexicains ne savent plus pour qui ils votent. Les partis politiques donnent l’impression d’agir uniquement pour garder ou prendre le pouvoir, quitte pour cela à abandonner toute morale.

Au Chiapas, l’Etat le plus pauvre du Mexique, le pouvoir est entre les mains des familles de caciques qui se font élire par une population de petits éleveurs et les communautés indigènes. La gauche est conduite par le gouverneur Pablo Salazar Mendiguchia qui, il y a 6 mois, était encore un fervent défenseur du président Vicente Fox et de la droite conservatrice du PAN. Aujourd’hui, il soutient la candidature de Juan Sabines, l’ancien maire de la capitale Tuxtla Gutierrez, transfuge du PRI, le parti de l’ancien régime. Voyant qu’il ne pourrait concourir sous la bannière de son parti, Sabines est passé à gauche. Du coup, le candidat qui voulait postuler pour la gauche, voyant la route barrée par l’intrus, est passé au PANAL, un nouveau parti issue d’une scission de la droite néolibérale du PRI qui, sur le plan national, vient de s’allier avec le PAN. Quant à ce dernier, troisième force politique du Chiapas, son candidat a décidé 10 jours avant les élections de se retirer pour s’allier avec José Antonio Aguilar du PRI, son ennemi historique, pour empêcher le candidat de gauche de l’emporter. La politique mexicaine ressemble de plus en plus à un jeu de chaises musicales dans une démocratie sans démocrates.

Laboratoire électoral

(Carte : SB/RFI avec GEOATLAS)

Néanmoins, ces élections au Chiapas ont servi de laboratoire. Elles nous montrent les combinaisons d’alliances dont sont capables les partis sur l’ensemble du Mexique et dévoilent la lutte géopolitiques du PRI, du PAN et du PRD pour le contrôle du sud et sud-est mexicain, stratégique pour remporter des élections nationales. Cette élection au Chiapas permet au PAN de vérifier que les reports des voix de ses électeurs sur le candidat du PRI se sont faits sans problème. Il constate que cette alliance contre nature (le PRI avait été chassé du pouvoir par le PAN en juillet 2000 pour sa grande corruption) n’a pas entraîné de contestation, tout au plus une légère augmentation de l’abstention (de 49 % à 56%). Démonstration que pour gouverner, s’il est élu président, Felipe Calderon peut tout à fait passer des alliances avec son ennemi historique et continuer la politique du président sortant Vicente Fox, qui finalement ne diffère pas beaucoup de celle de l’ancien régime.

Pour la gauche, la victoire au Chiapas est avant tout une bouffée d’air pour la coalition qui, depuis 24 jours, a entamé une action de résistance civile. Une victoire de Juan Sabines confirmerait également que la personnalité du candidat est plus importante que son appartenance politique. Une analyse plus fine montre que les électeurs de gauche sont séduits par le «programme alternatif de nation» proposé par Andres Manuel Lopez Obrador. C’est donc un vote positif, contrairement aux électeurs de droite qui votent dans une bonne mesure pour empêcher l’arrivée de la gauche au pouvoir.

L’occasion pour la gauche de se reconstruire

Le rôle des députés de la coalition, qui est la deuxième force politique à la Chambre, sera donc de proposer des projets de lois importants comme la réforme de l’Etat, la lutte contre les inégalités, la défense du patrimoine nationale. Ce sera peut-être pour la gauche l’occasion de se reconstruire en apparaissant comme un parti capable de propositions. Si après sa victoire au Chiapas elle remporte, comme c’est probable, les élections du Tabasco (en octobre prochain), elle se sera constituée un bastion qui s’étendra du sud-est du Mexique jusqu’à la capitale, en passant par le Guerrero, tenant ainsi la partie du Mexique la plus pauvre et la plus peuplée.

Pour le PRI qui rêve de faire un come-back au pouvoir, le Chiapas confirme que sa machine électorale fonctionne parfaitement bien mais que c’est un parti sans tête qui, pour l’heure, ne peut être qu’un parti charnière: toutes les alliances (avec la gauche et la droite) sont possibles.

Au-delà de l’enseignement qu’apportent aux partis ces élections, les résultats trop serrés (moins de 2 400 voix) entraînent au Chiapas une profonde tension qui risque d’exacerber davantage les clivages politiques du pays. Entouré des ex candidats du PAN et du PANAL, José Antonio Bodegas du PRI a annoncé qu’il déposait un recours pour «laver» les élections car il estime que la différence avec son adversaire est de 2 400 voix mais qu’il manque 50 000 suffrages qui ont été oubliés.



par Patrice  Gouy

Article publié le 22/08/2006 Dernière mise à jour le 22/08/2006 à 11:58 TU