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Hongrie

Apparatchiks dans la tourmente

Manifestation antigouvernementale square Kossuth, devant le Parlement hongrois, le 19 septembre 2006. 

		(Photo: AFP)
Manifestation antigouvernementale square Kossuth, devant le Parlement hongrois, le 19 septembre 2006.
(Photo: AFP)
Reconduit au pouvoir au printemps dernier, le Premier ministre hongrois est contesté. De violentes émeutes ont eu lieu la nuit dernière après la diffusion, à la radio, de propos plutôt vifs du leader socialiste. Ce discours avait été prononcé à huis clos, devant les autres membres de son parti. Ferenc Gyurcsany reconnaissait avoir menti pour gagner les élections. Depuis la diffusion de ses propos à la radio publique, Budapest et d’autres villes ont manifesté à l’appel de la droite et de l’extrême droite.

Environ 300 personnes se sont rassemblées dans le calme, mardi à la mi-journée, devant le Parlement de Budapest. Ces manifestants ont réclamé la démission du Premier ministre. Ils ont mis en scène une parodie d’enterrement : «Nous enterrons le gouvernement Gyurcsany ! Pas de renaissance pour vous !», indiquait une pancarte. Une structure en bois recouverte d’un drap noir symbolisait le cercueil où reposait l’équipe dirigeante. A côté, des portraits de Ferenc Gyurcsany, le Premier ministre socialiste, et de Gabor Kuncze, son allié du parti libéral. Près de l’installation, Tamàs Molnàr en personne. Le vice-président de Jobbik (Mouvement pour une Hongrie meilleure), le parti hongrois d’extrême droite, qui appelait à manifester à nouveau contre le gouvernement. 

Dans la nuit de lundi à mardi, des émeutes ont secoué la capitale et d’autres villes de Hongrie en raison du scandale révélé par la radio nationale. Au cours de ces violences, environ 150 personnes ont été blessées, essentiellement du côté des forces de l’ordre. Les partis hongrois, aujourd’hui dans l’opposition, avaient demandé à la population de descendre dans la rue.

Un gouvernement qui n’a fait que «des conneries»

Tout a commencé par la diffusion, à la radio publique, de propos assez vifs du Premier ministre. Dans ce discours prononcé à huis clos devant les membres de son parti, Ferenc Gyurcsany reconnaissait que son gouvernement n’avait fait que «des conneries» et que son parti avait «menti» pendant dix-huit mois pour gagner les élections et dissimuler son futur plan d’austérité. «Nous avons tout fait pour garder secret, en fin de campagne électorale, ce dont le pays a vraiment besoin, ce que nous comptions faire après la victoire électorale : nous le savions tous, après la victoire, il faut se mettre au travail, car nous n’avons jamais eu de problème de cette envergure». Autre extrait de ce discours : «nous mentions le matin, nous mentions le soir».

En entendant les extraits du discours de Ferenc Gyurcsany, le sang des habitants de Budapest n’a fait qu’un tour et les manifestants, surtout des opposants de droite et d’extrême droite, sont partis à l’assaut des locaux de la radio-télévision pour protester contre le comportement de l’équipe gouvernementale et les aveux de mensonges du Premier ministre. Les images des manifestations ont été retransmises en direct par la télévision privée Hir TV, réputée proche de l’opposition.

Une stratégie pour gagner les élections

Avant les élections du printemps dernier, la coalition, composée du Parti socialiste et des Libéraux, avait augmenté les salaires. Au pouvoir depuis 2002, elle remportait alors le scrutin. Quelques semaines plus tard, le gouvernement annonçait des mesures impopulaires : des hausses d’impôts ainsi qu’une baisse des aides sociales. La coalition au pouvoir a voulu profiter de son nouveau mandat pour mettre en œuvre la réduction du déficit public qui en détient le record parmi les 25 pays membres de l’Union européenne. Une diminution des dépenses est nécessaires pour permettre à la Hongrie d’entrer dans la zone euro.

Après la nuit d’émeutes, Ferenc Gyurcsany a exclu de démissionner comme les manifestants de droite et d’extrême droite l’ont réclamé. Le Premier ministre a par ailleurs «demandé à la police de rétablir l’ordre par tous les moyens». Il a indiqué que la leçon de ces violences l’amenait à la «conclusion qu’il faut poursuivre et accélérer les réformes» impopulaires engagées par son gouvernement.

Ferenc Gyurcsany est dans le collimateur de la droite et en particulier du Fidesz, le principal parti d’opposition. Par médias interposés, le Premier ministre se confronte régulièrement avec le chef des conservateurs, Viktor Orban, qui a été Premier ministre. Les deux leaders politiques ont la réputation d’avoir autant de charisme l’un que l’autre. Orban parle de Gyurcsany comme d’un «socialiste en limousine». Le parti de ce dernier, le Parti socialiste, est l’émanation du parti unique au pouvoir pendant la période où la Hongrie appartenait au bloc soviétique. S’inspirant du modèle libéral créé par Tony Blair, Gyurcsany cherche à gommer ce passé même si la majorité des cadres actuels du parti vient de l’ancien Parti communiste.

La Commission européenne est venue mettre son grain de sel dans les remous hongrois provoqués par les propos du Premier ministre. Amélia Torrès, porte-parole du commissaire aux Affaires économiques et monétaires, a expliqué que la réduction du déficit public de la Hongrie serait un «processus douloureux» mais nécessaire. «Nous pensons que c’est dans l’intérêt de la population hongroise de réduire le niveau du déficit public, que la situation soit assainie». La porte-parole a rappelé que la Commission rendrait son avis d’ici la fin du mois sur le programme de convergence présenté par Budapest. Le gouvernement hongrois, pour respecter les critères de Maastricht et adopter l’euro en 2013, doit trouver les moyens de réduire son déficit. De 10,1% du Produit intérieur brut (PIB) en 2006, il a l'ambition de passer à 3,2% dans trois ans. Comme dans n’importe quel autre pays de l’Union, ce processus nécessite de faire des économies.



par Colette  Thomas

Article publié le 19/09/2006 Dernière mise à jour le 19/09/2006 à 18:16 TU

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Thomas Schreiber

Politologue, et spécialiste de l'Europe centrale

«Pendant la campagne électorale, les vrais problèmes n'ont pas été abordés, à savoir que la modernisation indispensable du pays exige des changements douloureux, qui touchent particulièrement les salaires modestes.»

[19/09/2006]

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