Hongrie
Victoire des abstentionnistes au référendum
(Photo : AFP)
De notre correspondante à Budapest.
Les abstentionnistes sortent grands vainqueurs de ce référendum. Sur 8 millions d’électeurs, 5 millions n’ont pas voté. Seuls 18,89% des inscrits ont répondu oui à la question sur la double nationalité, contre 17,75% de non. Ce résultat est un échec cinglant pour la droite hongroise menée par l’ancien Premier ministre Viktor Orban. C’est elle qui avait soutenu ce référendum, par nationalisme, et aussi parce qu’elle voulait prendre date pour les législatives qui ont lieu dans un peu plus d’un an. Elle a transformé ce scrutin en des élections anticipées contre la gauche au pouvoir et a donné le ton d’une campagne très virulente. Prônant le « double oui » - oui au projet de double nationalité, et au fait que les hôpitaux restent la propriété de l’Etat – la droite a affirmé que ceux qui voteraient non n’étaient pas de vrais Hongrois.
En 2000, alors que le parti conservateur de Viktor Orban était au pouvoir, le parlement hongrois avait voté l’octroi d’une « carte verte » aux Hongrois des pays voisins. Mais ce document, dont 800 000 magyars avaient fait la demande, était surtout symbolique. Il permettait à un Hongrois venu de Roumanie de bénéficier, par exemple, de certains soins médicaux. Le chef de file de la droite arguait alors que la double citoyenneté était une idée « dangereuse ». « Le monde a changé », disait-il.
Comptant sans doute sur l’amnésie collective des électeurs, il a, quatre ans plus tard, dit exactement le contraire. « A la veille de la Saint Nicolas, déposons dans les chaussons des enfants Hongrois de Transylvanie (1) un beau cadeau : la double citoyenneté », lançait-il lors d’une manifestation de dix mille personnes dans les rues de Budapest. Pratiquement tous les évêques de Hongrie, catholiques, réformés ou évangéliques se sont joints à l’initiative et ont demandé à leurs ouailles de voter oui. Le premier dimanche d’Avent, on a lu la lettre des évêques dans les églises et les temples.
Les Hongrois n’ont pas mordu à l’hameçon du chauvinisme
Quant au Premier ministre socialiste, Ferenc Gyurcsany, il a mené une campagne active pour le « non ». Il a fait ses comptes – des comptes « d’épicier » selon l’opposition - pour montrer que l’on avait suffisamment de bouches à nourrir dans la mère patrie sans inviter les voisins. Les socialistes ont en outre souligné le risque d’un « nouveau Trianon » : l’octroi de la citoyenneté hongroise pousserait des dizaines de milliers de magyars à quitter les pays limitrophes, où leur présence était millénaire, pour la Hongrie.
La droite appelait à réunifier spirituellement la nation brisée par le traité de Trianon. Sur les affiches placardées aux murs de Budapest, et dans les boîtes aux lettres, les slogans patriotiques imprimés sur une carte de la Grande Hongrie d'autrefois, disaient : « nous ne faisons qu’un ». Mais l’issue du référendum montre que les Hongrois n’ont pas mordu à l’hameçon du chauvinisme. A quelques jours du scrutin, sur les ondes ou sur la Toile, un grand nombre d’électeurs se sentaient incapables de répondre à la question et chacun reprenait le même refrain : « Il n’y a pas de bonne réponse ». « La question est difficile », soulignait un Internaute sur le site Index, « parce que l’on ne sait pas ce que signifie la double nationalité. Que va-t-on accorder exactement aux Hongrois d’outre frontières : un passeport, le droit de vote, la sécurité sociale ? On ne le sait pas puisque le parlement n’a pas encore adopté de loi. Donc on nous demande de nous
prononcer sur quelque chose qui n’existe pas ». Emese, jeune professeur dans un lycée de Budapest exprimait, elle aussi, son malaise. « Dire non, cela veut dire que je suis contre mes compatriotes. Je ne peux pas faire une chose pareille, aussi je préfère ne pas voter ».
A l’annonce des résultats, Viktor Orban estimait, imperturbable, que son camp « avait quand même gagné » car, même si les électeurs n’étaient pas suffisamment nombreux, le « oui » aux deux questions était légèrement majoritaire. Mais pour Agnès Vadai, du parti socialiste, ce référendum était de toute façon « une honte pour la classe politique. La victoire du oui comme celle du non aurait entraîné des tensions entre Hongrois d’ici et Hongrois de l’extérieur ; le fait que le référendum soit nul est tout aussi désastreux. Il signifie que nous nous désintéressons de nos compatriotes des pays voisins », estime-t-elle.
par Florence La Bruyère
Article publié le 06/12/2004 Dernière mise à jour le 06/12/2004 à 10:23 TU