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Beaux-Arts

Le sourire de Mona Lisa, celui d’une jeune mère

En réexaminant la <em>Joconde</em>, une équipe de chercheurs canadiens et français a révélé de nouveaux secrets de Mona Lisa. 

		(Photo : AFP)
En réexaminant la Joconde, une équipe de chercheurs canadiens et français a révélé de nouveaux secrets de Mona Lisa.
(Photo : AFP)
Grâce à un relevé de scanner 3D, le plus célèbre tableau de Léonard de Vinci a révélé deux secrets : le sourire mystérieux de la Joconde est probablement celui d’une jeune accouchée, et sous ses cheveux longs se cache un chignon. Le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a dévoilé, mardi, à Ottawa, les résultats d’une étude commanditée par le musée du Louvre et réalisée grâce à un système de balayage laser sophistiqué, en couleurs et en trois dimensions. Les conservateurs sont rassurés : quelque 500 années après sa réalisation le chef d’œuvre, correctement entreposé, se porte bien. Les scientifiques cherchent toujours à élucider la technique de peinture du maître du sfumato (effets vaporeux fortement ombrés) mais le tableau garde encore son mystère.

Des millions de visiteurs viennent rendre visite chaque année au paisible sourire de Mona Lisa. Est-ce celui d’une femme heureuse ? Sans doute. Il paraît même que c’est lui d’une femme enceinte ou qui venait de donner naissance. Des chercheurs du CNRC s’étaient rendus au musée du Louvre en octobre 2004 pour numériser la Joconde à l’aide d’un scanner 3D, avec une précision du micron (soit environ un dixième du diamètre d’un cheveu humain) et obtenir ce faisant des images à haute définition de l’ensemble de l’œuvre. Ainsi auscultée, la Joconde a pu être examinée en détail à des milliers de kilomètres de distance de Paris sans être exposée à des risques de dommages liés à un éventuel voyage. Tous les mystères qui entourent ce tableau parmi les plus populaires du monde ne sont pas levés, mais la toile a livré quelques surprises.

L’étude a révélé qu’un voile de gaze fine et transparente est accroché au corsage de la jeune femme qui depuis cinq cents ans sourit de manière énigmatique, les bras nonchalamment croisés sur son ventre. Ce voile était «normalement porté à l’époque par les femmes enceintes ou venant d’accoucher», a indiqué Bruno Mottin, conservateur au centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) lors d’une conférence de presse à Ottawa. «Ce tableau a été peint pour commémorer la naissance du second fils de Mona Lisa, conclut le conservateur. C’est une femme qui vient d’avoir un enfant, qui se tourne vers vous, vous fixe et sourit légèrement».

Mona Lisa étant identifiée comme l’épouse d’un riche marchand de soie, il restait cependant une énigme aux yeux des historiens : la Joconde porte des cheveux détachés, un type de coiffure qui, à la Renaissance, «n’était pas normal pour cette jeune femme de bonne famille», les cheveux libres étant «typique [à l’époque] des jeunes filles et des femmes de mauvaise vertu», explique Bruno Mottin. En étudiant le portrait à la loupe, les chercheurs viennent de trouver un «chignon couvert par un bonnet à l’arrière de la tête» grâce à la technique dite de «réflectographie infrarouge qui permet de rendre transparents certains pigments et de voir [les repentis d’auteur] à travers les diverses couches de peinture», explique le chercheur.

Ni trace de pinceau ni empreinte digitale

Bien que minutieusement examiné aux rayons X, ultraviolets ou au scanner en 3D, le tableau n’a pas encore révélé la science picturale du maître italien. «La technique du maître ne ressemble à aucune autre. Léonard de Vinci est un cas à part», a déclaré John Taylor chercheur au CNRC. «La surface de la Joconde ne révèle aucun coup de pinceau. La couche de pigment est extrêmement mince et uniforme», a-t-il ajouté, perplexe. Certains experts avancent l’hypothèse selon laquelle Léonard de Vinci aurait peint la Joconde avec ses doigts comme il l’a fait à d’autres occasions, mais souligne John Taylor, on ne trouve là aucune  trace «d’empreinte digitale». Le balayage en 3D devrait permettre aux experts d’«approfondir notre compréhension de la technique du sfumato utilisée par Léonard, constituée d’effets vaporeux fortement ombrés», espère Henri de Loyrette, directeur du musée du Louvre, et de «mieux nous attaquer aux problèmes de conservation».

En avril 2004, le conservateur en chef chargé du département des peintures du Louvre s’inquiétait des signes de fatigue que donnait le tableau peint entre 1503 et 1506. La partie supérieure du support, un mince panneau de peuplier, présentait un signe de déformation, mettant en émoi la communauté scientifique. Sur ce chapitre les chercheurs ont été rassurés : bien que fissurée, la couche de peinture reste solidaire du panneau de peuplier sur lequel elle est apposée. En dépit de son grand âge, 500 ans, Mona Lisa porte beau. L’icône la plus célèbre du monde, installée depuis avril 2005 dans de nouveaux appartements au Louvre, est en bonne santé : «Si le panneau est sensible à la température et aux variations climatiques, les bonnes conditions d’entreposage actuelles lui assurent une longue vie», indique le CNRC.

par Dominique  Raizon

Article publié le 27/09/2006 Dernière mise à jour le 27/09/2006 à 16:42 TU

Audio

Cécile Scaillierez

Conservatrice du musée du Louvre

«La nouvelle vitrine permet de voir la «Joconde» dans de bien meilleures conditions.»

[06/04/2005]

Michel Menu

Chef du département recherche au centre de recherche et de restauration des musées de France, le C2RMF

«La Joconde a été passée aux rayons X, qui permettent de comprendre la surface et l'intérieur de la matière picturale. C'est ainsi que les musées de France ont vu comment la coiffure de Mona Lisa avait été réalisée et que sa robe était recouverte d'une gaze, ce qui signifie qu'elle était, soit enceinte, soit qu'elle venait d'avoir un enfant.»

[27/09/2006]

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