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Hongrie

La trahison sanctionnée

Manifestation de la Fidesz, principale formation de l'opposition de droite devant le Parlement hongrois, le 1er octobre 2006. 

		(Photo: AFP)
Manifestation de la Fidesz, principale formation de l'opposition de droite devant le Parlement hongrois, le 1er octobre 2006.
(Photo: AFP)
 Les élections locales de dimanche ont provoqué une crise politique en Hongrie. La droite a remporté ce scrutin, pose un ultimatum au Premier ministre socialiste qui refuse de partir. La révélation de ses mensonges sur l’état économique de la Hongrie a provoqué des manifestations quotidiennes depuis deux semaines et explique probablement le résultat de ce scrutin. Le chef du gouvernement va demander un vote de confiance aux parlementaires, en majorité socialistes. Le chef de l’Etat, lui non plus, ne soutient plus son chef de gouvernement.

Manque de chance pour le Premier ministre socialiste hongrois : les élections locales de dimanche se sont déroulées deux semaines à peine après la révélation d’un scandale le concernant. Pour remporter les élections législatives du printemps dernier, lui, Ferenc Gyurcsany, avait menti sur l’état de santé du pays et avait reporté les mesures d’austérité. Depuis la révélation de ces propos tenus en principe à huis-clos, les habitants de Budapest ont manifesté chaque jour à l’appel des partis de droite et d’extrême droite. Et ces partis d’opposition ont demandé aux électeurs de sanctionner le gouvernement en place à l’occasion du scrutin.

Ses résultats montrent que les Hongrois ont entendu le message puisque le Fidesz, le parti de droite de l’ancien Premier ministre Viktor Orban, a remporté une victoire écrasante. Il a la majorité dans 18 des 20 assemblées départementales. Dans ces assemblées, le score du Fidesz est de 52,62% des suffrages contre 37,73% à la coalition gouvernementale. Le Fidesz est également vainqueur dans 16 des 23 principales villes du pays. Seule la capitale Budapest conserve le même maire, un libéral faisant partie de la coalition gouvernementale. Il s’agit de Gabor Demszky, réélu avec 46,86% des voix contre 45,20% à son opposant de droite.

Un vote de confiance et un ultimatum

Malgré la défaite, dès dimanche soir, le Premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsany annonçait son intention de rester au pouvoir. La droite n’est pas la seule à réclamer ce départ, le chef de l’Etat hongrois également, le conservateur Laszlo Solyom. Le président de la République a même appelé le Parlement à voter une motion de censure contre «le Premier ministre qui refuse d’admettre qu’il a utilisé des moyens inadmissibles pour conserver le pouvoir. Ceci mine la confiance dans la démocratie». Laszlo Solyom semble vouloir se défaire de ce Premier ministre qui a avoué le 17 septembre avoir menti au pays.

Moins de vingt-quatre heures après l’annonce des résultats, le chef de l’opposition a menacé d’organiser de grandes manifestations si les parlementaires socialistes ne renvoyaient pas leur Premier ministre. Cette menace est assortie d’un ultimatum : «Si le  Parti socialiste n’entreprend pas ce qu’il faut pour démettre le Premier ministre d’ici jeudi 13 heures, nous allons appeler les citoyens hongrois à se rassembler vendredi après-midi place Kossuth», devant le Parlement, à Budapest, a déclaré Viktor Orban. «Nous appelons le MSZP (le parti socialiste) à démettre le Premier ministre dans les 72 heures, puisque les électeurs lui ont retiré leur confiance».

Ferenc Gyurcsany, grand perdant des élections mais toujours à la tête du gouvernement hongrois, a pour sa part indiqué qu’il allait demander un vote de confiance au Parlement. Les députés socialistes y sont majoritaires et avec leurs alliés du Parti libéral ils occupent 210 sièges sur 386. Le vote est prévu vendredi 6 octobre, il devrait se dérouler au moment où les partis d’opposition seront dans la rue si le Premier ministre n’a pas démissionné.

Il y a peu de chance qu’il renonce car, dès dimanche soir, sa majorité parlementaire lui a renouvelé sa confiance. «Je demanderai au Parlement un vote de confiance sur le programme du gouvernement pour instaurer des équilibres économiques, des réformes et le développement». Tandis que l’opposition, confortée par son résultat électoral, menace de mettre le pouvoir à genou en organisant des manifestations, Ferenc Gyurscsany maintient le cap, se concentre sur son programme de réformes. Les Hongrois ont peut-être été émus par le mensonge de leurs dirigeants politiques, en tout cas, la lucidité doit l’emporter, «la politique doit quitter la rue et retourner dans l’enceinte du Parlement», estime le Premier ministre.

Le plan d’austérité lié à Gyurscany ?

Les jours à venir diront si la population, trahie par un mensonge politique, entendra ce message de raison. Pour le moment, les marchés financiers sont inquiets des incertitudes qui planent sur la vie politique du pays. «La grande question, c’est celle du destin du programme d’austérité. Tant que les marchés pensent que la personne de M. Gyurcsany est la garantie de la poursuite de ce programme, son départ pourrait créer des problèmes», explique un analyste de la Raiffeisen Bank qui précise encore : «Les résultats des élections signifient qu’il y a toujours une bombe à retardement sur les marchés à cause de l’incertitude de l’avenir de M. Gyurcsany».

Laszlo Solyom, le président hongrois, réclame lui aussi le départ du chef de gouvernement qui a refusé «d’admettre qu’il a utilisé des moyens inadmissibles pour conserver le pouvoir, minant la confiance dans la démocratie». Toutefois, le chef de l’Etat a reconnu que l’assainissement budgétaire engagé par le gouvernement représentait un des objectifs «les plus urgents» du pays.

Depuis deux semaines, la droite organise chaque jour des manifestations contre les Socialistes au pouvoir pour protester contre le mensonge qui lui a permis de rester au pouvoir. Jamais la Hongrie n’avait connu un mouvement de protestation aussi fort depuis la fin du communisme en 1989. «Il est tout à fait possible de continuer à gouverner ainsi, les socialistes et les libéraux bénéficiant d’une majorité nette au Parlement», indique un politologue. «Mais nous pouvons nous attendre à une atmosphère politique très tendue, avec le Fidesz continuant de remettre en question la légitimité du gouvernement», prédit encore ce politologue.



par Colette  Thomas

Article publié le 02/10/2006 Dernière mise à jour le 02/10/2006 à 17:29 TU