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Hongrie

Crise politique, crise de confiance

Dans la nuit de mercredi à jeudi, la police hongroise visiblement bien préparée a réussi à contenir les hooligans qui, encore une fois s’étaient glissés dans la manifestation. Après les avoir poursuivis dans les rues de la ville, quadrillées par d’importantes forces de l’ordre, 80 d'entre eux ont été arrêtés.

De notre correspondante à Budapest

Un manifestant fait face à la police, square Rakoczi à Budapest, le 20 septembre au soir. L'inquiétude liée aux réalités économiques est grande dans la population qui défile. 

		(Photo: AFP)
Un manifestant fait face à la police, square Rakoczi à Budapest, le 20 septembre au soir. L'inquiétude liée aux réalités économiques est grande dans la population qui défile.
(Photo: AFP)

La pression des manifestants, encore plus nombreux que les jours précédents –entre 15 000 et 20 000– s’accentue, des tentes ont même été installées devant le Parlement. Manifestement, le mouvement risque de s’enliser si le chef du gouvernement refuse d’offrir aux manifestants ce qu’ils réclament depuis dimanche, c’est-à-dire sa démission. Qui gagnera ce bras de fer ?

Le Premier ministre Ferenc Gyurcsany fait face à des milliers de mécontents qui ne voient en lui qu’un ancien communiste reconverti. Encore aujourd’hui, la Hongrie se divise entre ceux qui ont pu bénéficier de l’ancien régime, ou tout simplement vivre tranquillement sous sa domination, et ceux qui en ont été victimes. Et il faudra encore une dizaine d’années –c’est-à-dire une génération- avant que cette dialectique puisse évoluer.

Pourtant, rien de moins communiste que ce gouvernement socialiste-libéral hongrois. Adepte du britannique Tony Blair, Ferenc Gyurcsany a certes fait partie des jeunesses communistes il y a 20 ans. Mais, depuis, cette homme de 45 ans est devenu milliardaire –il est vrai grâce à l’aide des caciques de l’ancien régime– et s’est converti à la social-démocratie. Mais rien n’y fait, aux yeux des manifestants, l’homme et son gouvernement ont été et resteront communistes. Déterminés à aller jusqu'au bout du mouvement, ils reviennent depuis dimanche régulièrement sur la place Kossuth qu’il pleuve ou qu’il vente.

«56 !»

La foule est hétéroclite et toutes les catégories sociales et les générations sont confondues. Nombreux sont ceux qui arborent les couleurs de la Hongrie –rouge, blanc, vert– et rares sont ceux qui affichent –rouge et blanc- leur nostalgie pour la Hongrie fasciste de Szalasi. Les orateurs installés sur une estrade se relaient et cèdent parfois la parole aux manifestants qui en expriment le désir. Nombreux sont ceux qui scandent à l’unisson «démission!», «dehors les communistes!» ou encore «56!», en mémoire au soulèvement contre le régime imposé par Moscou, en 1956. D’ailleurs des anciens combattants de l’insurrection hongroise sont là, prêts à en découdre avec les communistes.

Eszter est retraitée et, dès qu’elle le peut, précise qu’«elle rejoint les manifestants». «Le gouvernement ne comprend pas les problèmes du peuple», explique-t-elle. «Ces réformes sont inacceptables, nous avons déjà trop souffert». D’autres sont plus politisés, tel ce jeune homme qui, moins qu’aux communistes, en veut aux libéraux. «Aujourd'hui le parti traître, ce n'est pas le parti communiste mais celui qui a fait entrer la mondialisation dans le pays», dit-il. Le Parti libéral est traditionnellement la tête de turc de l'extrême droite antisémite hongroise qui voit en lui un parti juif.

Bientôt un organisme de gestion de surendettement… Comme à l’Ouest!

En dehors de la rengaine traditionnelle des partis d’extrême droite nationalistes, l’inquiétude liée aux réalités économiques et ses difficultés n’en sont pas moins présentes. Balazs est venu en famille. Il refuse de manifester, mais il est là parce «qu’il est curieux, il veut voir ce qui se passe». Lui, ce qu’il l’inquiète, c’est l’avenir. «L’endettement, c’est ce qui m’angoisse le plus, explique-t-il, mon salaire n’est pas assez important pour nous trois et je dois faire d’autres petits jobs à côté si je veux joindre les deux bouts.» selon lui, trop longtemps les politiciens hongrois et d’Europe centrale en général ont fait croire à leurs concitoyens qu’ils pouvaient rattraper le niveau de vie des pays occidentaux. Comme s’il y avait une course à gagner ou un juste rééquilibrage à effectuer. Ce discours n’est pas nouveau en Hongrie et on pouvait déjà l’entendre entre les deux guerres. Mais il s’interroge: pourquoi vouloir absolument croire que le modèle est en Europe occidentale, pourquoi tant de complexes et pourquoi un tel besoin de se comparer à «l’autre» Europe?

Aujourd’hui, les Hongrois comme les autres apprennent à connaître la consommation et ses outrances. Des milliers d’entre eux sont déjà surendettés et les autorités hongroises mettront bientôt sur pied un organisme de gestion de surendettement... Comme à l’Ouest!

par Cécile  Vrain

Article publié le 21/09/2006 Dernière mise à jour le 21/09/2006 à 11:53 TU

Audio

Franck Alexandre

Envoyé spécial de RFI en Hongrie

«En principe, faire payer des frais de scolarité aux étudiants hongrois pourrait être une bonne chose, si seulement cela permettait de mieux servir les besoins des étudiants»

[21/09/2006]

Pierre Kende

Ecrivain, sociologue et président de l'Institut d'histoire de la révolution hongroise

«Le leader hongrois de l'opposition Viktor Orban fait tout ce qui est en son pouvoir pour encourager les actions violentes.»

[21/09/2006]

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