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Belgique

L’extrême droite, enjeu majeur des municipales

L'extrême droite flamande a été obligée de changer de nom suite à un arrêt de la Cour de cassation qualifiant Vlaams Belang de «raciste» en 2004. 

		(Photo : AFP)
L'extrême droite flamande a été obligée de changer de nom suite à un arrêt de la Cour de cassation qualifiant Vlaams Belang de «raciste» en 2004.
(Photo : AFP)
Quelque sept millions d’électeurs belges se rendent aux urnes aujourd’hui pour élire les autorités municipales. La montée de l’extrême droite est au cœur des tensions politiques dans un pays où Flamands (moitié nord du pays) et Wallons se regardent toujours en chiens de faïence. Jusqu’à présent rien n’a pu enrayer la progression du Vlaams Belang («Intérêt flamand»), un parti anti-fédéraliste et xénophobe, qui est devenu le premier parti du pays et que les sondages donnent gagnant dans les grandes villes flamandes. En face, la coalition des libéraux et des socialistes (qui gouvernent au niveau fédéral depuis 1999) a toujours suffi à ralentir le transfert des pouvoirs aux régions réclamé par le parti séparatiste. Il n’est pas exclu cette fois que le «cordon sanitaire» érigé par les partis dits démocratiques soit rompu et que certains élus fassent alliance avec lui au niveau local. Ces élections municipales constituent donc un baromètre pour les élections législatives de 2007.

Outre des messages peu amènes envers les immigrés tels que «Trop c’est trop. Les gens ne se sentent plus chez eux dans leur rue» ou bien encore «l’immigration n’apporte plus de valeur ajoutée. Elle est devenue une nuisance», le slogan électoral du Vlaams Belang («Intérêt flamand») est clair : België barst ! («Belgique, crève !»). Autrement dit, si le Vlaams Belang remporte un gros score lors des municipales, l’unité du royaume de Belgique sera mise en difficulté. Dimanche 8 octobre, tous les regards seront ainsi portés sur les résultats du scrutin à Anvers : d’une part parce que cette ville située dans les Flandres est le bastion historique du Vlaams Belang, d’autre part parce que c’est la deuxième ville du pays. A ce titre, les municipales constituent donc un test important avant les élections législatives de 2007.

Séparatisme et xénophobie

Selon une étude de l’Université de Louvain, près de 60% des jeunes Flamands et 40% des jeunes Wallons estiment que la présence de migrants chez eux est une menace. D’après le quotidien belge le Soir, le Vlaams Belang «recrute parmi ceux qui ont tourné le dos au FN et à ses groupes dissidents. Ils sont séduits par les thèses ultra-sécuritaires, liberticides, anti-immigrés et identitaires. Ils sont fascinés par sa machine électorale, ses structures internes, son idéologie musclée». Le parti populiste fonde également sa campagne électorale sur la revendication d’un transfert aux régions des ultimes mécanismes qui font de la Belgique un Etat fédéral (emploi, sécurité sociale, santé). Les francophones habitant autour de Bruxelles (donc en Flandre) sont accusés, côté flamand, de ne pas vouloir s’intégrer. «[Les francophones] ne sont apparemment pas en état intellectuel d’apprendre le néerlandais», a déclaré non sans provocation le ministre-président de la Flandre, Yves Leterme, social-chrétien -qui ronge son frein dans l’opposition au niveau fédéral.

Le président du parti socialiste wallon Elio Di Rupo, qui défend le système fédéral belge et l’unité nationale, répond : «Certains leaders flamands veulent faire de la Flandre un pays, mais ils ne veulent pas seulement les communes francophones autour de Bruxelles ils veulent Bruxelles. Bruxelles compte 90% de francophones. Naturellement, la Wallonie n’abandonnera jamais Bruxelles. Il y a une solidarité de francophones». Le socialiste Di Rupo va même jusqu’à évoquer la création d’un Etat francophone qui rassemblerait quatre millions de Wallons et de Bruxellois si la Belgique ne pratiquait plus la solidarité Nord-Sud.

Un «cordon sanitaire» moins solide

Sur fond d’atmosphère politique tendue, l’extrême droite semble bien placée pour effectuer une nouvelle percée puisque le Vlaams Belang est encore donné en tête dans les sondages. Cohérent avec ses positions séparatistes, ce parti n’est présent que dans la région flamande. Il ne présente aucun candidat dans la partie francophone laquelle, selon lui, est en partie financée par la meilleure santé économique du pays. Les sondages lui prédisent plus de 38% des voix. Le leader local, Filip Dewinter est confiant : «Le Vlaams Belang se dirige vers une autre victoire parce que la population veut le changement, elle veut une transformation», assure-t-il.

Si, en dépit d’un score déjà élevé en 2000 (1/3 des voix), le Vlaams Belang est resté dans l’opposition depuis six ans, c’est grâce à une coalition arc-en-ciel unie. Aujourd’hui, le maire socialiste sortant d’Anvers, Patrick Janssens s’avoue inquiet : «Je ne sous-estime en aucune façon la possibilité de les voir progresser encore», a-t-il souligné lors d’un récent meeting. En effet, souligne le Monde : «Le cordon sera, sauf surprise, maintenu à Anvers, mais il pourrait céder dans des villes de taille plus réduite, entraînant des effets imprévisibles sur la situation politique, en Flandre, mais aussi au niveau fédéral». En Wallonie, le parti socialiste a été depuis 1990 éclaboussé par différents scandales de corruption -notamment dans le domaine du logement social- qui l’ont affaibli.

Front national divisé

Le parti socialiste est par ailleurs le principal partenaire des libéraux démocrates flamands du Premier ministre Guy Verhofstadt au sein du gouvernement fédéral. La série de scandales a, par voie de conséquence, affaibli la coalition PS-libéraux démocrates et favorisé une montée de l’extrême droite. «Les sondages prédisaient non seulement un effondrement du PS en Wallonie, mais une forte progression du Front national (extrême droite), qui avait réalisé 8% aux régionales de 2000». Néanmoins, souligne le quotidien : «Divisé, sans véritables cadres, lui-même plongé dans des scandales qui ont entraîné la condamnation et l’inéligibilité de Daniel Féret son président, le FN ne devrait toutefois pas arriver à imiter le succès de Vlaams Belang», soulignait déjà le Monde avant l’été.

par Dominique  Raizon

Article publié le 06/10/2006 Dernière mise à jour le 06/10/2006 à 18:12 TU

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Quentin Dickinson

Correspondant de RFI en Belgique

«Deux thèmes dominent les municipales belges: le score de l'extrême droite et les conséquences de scandales financiers en Wallonie.»

[08/10/2006]

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