Madagascar
Bras de fer à distance
(Photo : AFP)
S’il veut participer à l’élection présidentielle malgache, dont le premier tour est prévu le 3 décembre prochain, il ne reste plus que cinq jours à Pierrot Rajaonarivelo pour déposer son dossier auprès de la Haute cour constitutionnelle (HCC) à Antananarivo. La date-butoir pour le dépôt des candidatures a, en effet, été fixée à samedi prochain 14 octobre. Autant dire que le temps presse.
Or le principal opposant au président Ravalomanana, en exil à Paris depuis 4 ans, n’était toujours pas parvenu, lundi soir, à rentrer chez lui. Selon une source officielle réunionnaise anonyme citée par l’AFP, il a quitté dimanche soir le département français de La Réunion à destination de l'Ile Maurice, d'où il compterait se rendre à Madagascar dans la semaine.
Pierrot Rajaonarivelo, secrétaire national de l’Arema (parti de l’ancien président Ratsiraka, dont il fut le vice-Premier ministre) était bloqué depuis samedi à La Réunion, les autorités malgaches ayant décidé, ce jour-là, la fermeture de l’aéroport de Toamasina (ex-Tamatave, à l’est de Madagascar), ce qui a entraîné l’annulation de son vol prévu dans l’après-midi.
Tirs de grenades lacrymogènes
Tenant immédiatement un point de presse dans son hôtel de Saint-Denis de la Réunion, l’opposant a dénoncé une manœuvre. L’aéroport, a-t-il assuré, a été fermé « jusqu’au 7 janvier 2007 pour m’empêcher de revenir au pays. » Pierrot Rajaonarivelo a appelé la population malgache à « la mobilisation et à la grève générale » et « tous les leaders politiques à joindre leurs voix » à la sienne pour « ensemble, demander la démission [du président] Ravalomanana ».
Son intervention a été perturbée par l'irruption d'une quinzaine de membres du Collectif pour Madagascar, partisans du président Marc Ravalomanana qui l'ont interpellé sur « l'absence de démocratie » au sein du gouvernement de Didier Ratsiraka dont il faisait partie. A quoi Pierrot Rajaonarivelo a répondu : « Avec plus de 50 000 personnes venues à Toamasina pour m’accueillir, c’est le vent de la liberté qui s’est engouffré dans la Grande Ile et va souffler partout ».
Le chiffre des participants à la manifestation est sans doute exagéré, à en croire les comptes-rendus de presse. C’est, en tout cas, une foule compacte qui s’était rendue, dès samedi matin, à l’aéroport, brandissant des banderoles rouges à la gloire de Pierrot Rajaonarivelo. Voulant forcer une barrage de police installé près de l’aérogare, quelques centaines de personnes ont essuyé des tirs de grenades lacrymogènes. Aucun blessé n’a été signalé, et la foule a, finalement, pu pénétrer dans la bâtiment, attendant l’arrivée du secrétaire national de l’Arema.
Mais peu de temps après, un responsable de l’Aviation civile de Madagascar (ACM) annonçait la fermeture de l’aéroport « à partir du samedi 7 octobre (…) jusqu’au 7 janvier ». Le ministère des Transports a ensuite corrigé en parlant de fermeture pour un temps « déterminé », jusqu’à ce que le calme soit rétabli. Toujours est-il qu’à la suite de cette annonce, la compagnie Air Austral annulait le vol Saint-Denis/ Toamasina qui devait ramener l’opposant dans son pays.
Quinze ans de travaux forcés
Alors que Madagascar est en pleine effervescence politique à l’approche de la campagne présidentielle, Pierrot Rajaonarivelo n’a donc pas pu assister, comme prévu, au congrès national de son parti qui se tenait durant le week-end. Le sénateur Adolphe Ramasy, partisan du dirigeant de l’opposition, a déclaré à l'AFP que « le pouvoir a peur de Pierrot, mais il est honteux qu'on sacrifie toute une province pour empêcher un seul homme de revenir dans son pays ».
Selon le quotidien Midi Madagascar, l’arrivée annoncée de Pierrot Rajaonarivelo « crée une situation inattendue pour le pouvoir (…) et une tension supplémentaire pour le pays ». Tandis que Madagascar Tribune (opposition) met en cause le pouvoir actuel : « Le régime Ravalomanana se démasque. Tout ceci témoigne que les condamnations à l’encontre de l’ancien vice-Premier ministre ne sont que des mascarades purement politiques. »
S’il parvient à rentrer, Pierrot Rajaonarivelo risque, en effet, d’être arrêté. En août dernier, il a été condamné par contumace à 15 ans de travaux forcés par une cour d’Antananarivo pour « immixtion dans le maniement des deniers publics », autrement dit détournement de fonds. Mais bien que les autorités aient menacé de procéder à son arrestation dès son arrivée, il affirme vouloir déployer toute son énergie pour se présenter à l’élection présidentielle. Quant à ses partisans, ils promettent de venir l’accueillir à l’endroit où il débarquera.par Philippe Quillerier
Article publié le 09/10/2006 Dernière mise à jour le 09/10/2006 à 17:37 TU