Corée du Nord
La bombe embrase la diplomatie
(Photo : AFP)
L’institut norvégien de sismologie Norsar a enregistré à 01H35 TU, en Corée du Nord, une secousse de 4,2 sur l’échelle de Richter. «Cela correspond à une bombe de taille modérée», a indiqué un responsable de cet institut indépendant. «Nous estimons que la supposée bombe faisait entre 1 et 10 kilotonnes, comparable ou un peu plus petite que les bombes expérimentées par l’Inde et le Pakistan dans les années 1990 et plus petite aussi que la bombe de 15 kilotonnes lâchée sur Hiroshima (le 6 août 1945)».
(Carte: S Bourgoing/RFI)
La Corée du Nord a pour ainsi dire officialisé l’expérience, indiquant avoir procédé à un essai nucléaire souterrain. Il a été qualifié «d’événement historique», couronné de succès, sans émission de radioactivité. Pyongyang l’avait annoncé la semaine dernière : la Corée du Nord avait l’intention de tester une bombe nucléaire. Ce que la communauté internationale avait par avance condamné.
Quelques heures après l’explosion, plusieurs puissances nucléaires membres du Traité de non prolifération nucléaire ont, chacune à leur manière, réagi. Pour Vladimir Poutine, cette explosion est un «préjudice énorme infligé au processus de non-prolifération des armes de destruction massive dans le monde». Le ministre de la Défense, Sergueï Ivanov, a de son côté indiqué que cette bombe avait une puissance de 5 à 15 kilotonnes. La Russie voisine a été informée par les autorités nord-coréennes deux heures avant le tir.
Réaction critique de la Chine
«La Corée du Nord a ignoré les inquiétudes de la communauté internationale et a procédé de manière éhontée à un essai nucléaire». La réaction de la Chine est d’une virulence inhabituelle. Jusqu’à présent, elle est restée, envers et contre tout, le principal soutien de Pyongyang. Elle aussi a été prévenue des préparatifs. Elle ne l’a pas dit elle-même publiquement. L’information est venue d’un responsable sud-coréen. Il a expliqué que c’est grâce à Pékin que son pays a été informé de l’imminence de l’expérience.
La Corée du Sud justement s’est déclarée choquée. «Il s’agit d’une menace sérieuse pour la paix, non seulement pour la péninsule coréenne mais pour la région. Il s’agit également d’une trahison des espoirs que le peuple coréen place dans la dénucléarisation de la péninsule coréenne», a déclaré le président Roh Moo-Hyun. «L’armée est bien préparée pour tout acte provocateur», a-t-il encore averti. Le chef de l’Etat sud-coréen a par ailleurs prévenu qu’il réagirait «de manière sévère, par l’intermédiaire d’une coopération internationale rapprochée».
Cette première explosion nucléaire nord-coréenne a été déclenchée au moment où le Premier ministre japonais effectuait une visite éclair en Corée du Sud. Les relations entre cette dernière et le Japon sont en train de se réchauffer après plusieurs mois de frictions. Après l’essai, les deux dirigeants politiques se sont retrouvés au diapason pour critiquer Pyongyang. «Il n’y a pas de différences entre moi et le Premier ministre japonais sur cette question. Nous sommes d’accord sur le fait d’aborder ce problème avec la tête froide. Des réponses coordonnées à l’ONU et avec les pays voisins sont aussi indispensables», a indiqué le président Roh. Lui aussi, le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, s’est montré en total accord avec le numéro un sud-coréen. Le Japon est partisan depuis longtemps du recours à la force contre le régime communiste de Pyongyang, sous la houlette des Nations unies.
Conversation téléphonique Poutine/Bush
Le Conseil de sécurité devait justement siéger lundi matin pour entériner la candidature – coïncidence - d’un Sud-Coréen au poste de secrétaire général de l’organisation. Ban Ki-Moon, ministre sud-coréen des Affaires étrangères, sera donc le prochain secrétaire général le premier janvier prochain, à la fin du mandat de Kofi Annan. Cette désignation prend plus de sens que prévu puisque le Conseil de sécurité a été chargé de trouver la réponse à ce test nord-coréen.
«Provocation» : c’est ainsi que le président américain a condamné l’explosion nord-coréenne, réclamant une «action immédiate» du Conseil de sécurité. Georges W. Bush en a également parlé avec Vladimir Poutine, par téléphone. Le Kremlin a ensuite publié un communiqué indiquant que «les présidents (russe et américain) partagent l’idée selon laquelle l’action démonstrative de la Corée du Nord porte préjudice au régime de non-prolifération et, par conséquent, soulignent la nécessité d’une coordination des actions pour le règlement du problème». La Corée du Nord s’est officiellement retirée du traité de non prolifération nucléaire le 10 janvier 2003.
L’Otan, l’organisation militaire de l’Atlantique nord, a condamné le tir. Le secrétaire général de l’organisation, Jaap de Hoop, a réuni en urgence les ambassadeurs des pays membres.
La Corée du Sud estime que ses relations vont être profondément modifiées avec sa voisine après cette expérience alors que les deux pays avaient commencé à se rapprocher depuis plus de cinq ans. Séoul a d’ailleurs pris une mesure de rétorsion immédiate. Une livraison humanitaire de ciment, promise après les inondations meurtrières de l’été dernier en Corée du Nord, a été suspendue. Rien de changé cependant pour l’aide humanitaire qui lui est accordée annuellement.
par Colette Thomas
Article publié le 09/10/2006 Dernière mise à jour le 09/10/2006 à 18:07 TU