Changements climatiques
Al Gore défend la planète à Paris
(Photo : AFP)
Lorsqu’il était vice-président des Etats-Unis aux côtés de Bill Clinton, Al Gore militait déjà pour la protection de la planète. En 1999, candidat à la présidence, il perdit contre George Bush. Il quittait alors le devant de la scène politique américaine, mais continuait de servir la cause de l’environnement. Résultat : sa participation à ce film, «Une vérité qui dérange». Le documentaire réalisé par Davis Guggenheim, dans lequel l’homme public intervient, a d’abord été présenté au festival de Cannes en mai dernier. Et à l’occasion de la sortie en salles en France, Al Gore est venu montrer le film aux parlementaires.
L’actualité est venue perturber cette présentation. Un accident – rarissime en France – entre deux trains, en Lorraine, et qui a fait plusieurs morts, s’est chargé de rappeler que les décideurs politiques sont d’abord confrontés à des questions immédiates, de sécurité par exemple, avant de pouvoir se projeter dans l’avenir. Avec cet accident de chemin de fer, l’imminence du danger des changements climatiques a perdu de l’importance, du moins dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La sensibilisation par les incidents climatiques
Jusqu’à cette année et malgré la notoriété d’Al Gore, les Américains avaient tendance à ignorer cette menace du réchauffement de la planète. Car pendant de longues années, ce phénomène ne faisait pas l’unanimité chez les scientifiques. Ils n’étaient pas tous d’accord, certains estimant ne pas avoir assez de recul pour dire si le réchauffement était un épisode temporaire ou une réelle modification de la composition de l’atmosphère. Aujourd’hui, les sécheresses, les pluies diluviennes, les cyclones et autre tsunami sont plus fréquents. Le danger ne semble plus aussi virtuel. Et depuis 12 000 ans, la planète n’a jamais été aussi chaude, chaque année apportant son record en augmentation moyenne de température. Que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, désormais la population et les hommes politiques se sentent plus concernés.
Aux Etats-Unis justement, les choses ont bien changé depuis que le président Bush refusait, en 2001 de signer le Protocole de Kyoto qui aurait engagé les Etats-Unis à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Depuis la fameuse phrase «le mode de vie des Américains n’est pas négociable», les idées environnementales ont fait leur chemin dans le pays qui rejette à lui seul le quart des émissions nocives dans l’atmosphère. Si l’Etat fédéral ne voulait rien changer pour ne pas pénaliser l’économie, les collectivités territoriales et les Etats ont commencé à prendre des mesures pour arrêter le gaspillage de l’énergie. Dans le même temps, en Californie, des pannes géantes ont mis en évidence la gourmandise en électricité du mode de vie américain et la tension sur l’approvisionnement en énergie.
La situation a tellement mûri en Californie qu’Arnold Schwarzenegger, le gouverneur, a signé, en accord avec son Parlement (démocrate), un accord pour diminuer les gaz à effet de serre conformément aux objectifs du Protocole de Kyoto. La décision a été prise de réduire d’un quart les émissions polluantes d’ici 2020. Les entreprises qui ne se mettront pas en conformité auront à payer des amendes. Un marché de permis à polluer a été créé pour les aider à réussir.
Schwarzenegger en solo
Comme George W. Bush, Arnold Schwarzenegger est républicain. Il a pourtant changé de cap sur les questions environnementales. Il faut dire que l’ancien acteur se représente aux élections législatives de novembre prochain. Ces derniers mois, sa cote n’était pas bonne. Depuis ces nouvelles orientations, les sondages montrent que la popularité de Schwarzenegger remonte.
Partie sur sa lancée, la Californie a déclenché une autre offensive pour tenter de freiner la quantité de gaz rejetés. L’Etat vient de demander des comptes aux constructeurs automobiles sur la contribution des véhicules qu’ils fabriquent au réchauffement climatique. «Les émissions des véhicules sont la source qui croît le plus rapidement, mais le gouvernement fédéral et les constructeurs automobiles ont refusé d’agir. Il est temps que ces entreprises soient tenues responsables de leur contribution à cette crise» des changements climatiques. Le démocrate Bill Lockyer, ministre de la Justice de Californie, a donc annoncé, le 20 septembre dernier, que son administration portait plainte, au nom du « peuple californien », contre six constructeurs américains et japonais : Chrysler, General Motors, Ford, Toyota, Honda et Nissan.
Dans les années 70, la Californie avait déjà bataillé avec les constructeurs automobiles ce qui les avait poussés à mettre au point des normes anti-pollution et à inventer le pot catalytique. Ces innovations se sont ensuite répandues dans le monde entier. Aujourd’hui l’augmentation du niveau de vie et la progression parallèle des rejets polluants imposent l’adoption de réglementations plus sévères. La Californie y vient à sa manière, juridique et procédurière. L’approche des élections, le risque d’alternance ont fait le reste : les décideurs politiques sont passés à l’action. Al Gore devrait s’en réjouir car ce qui est bon pour la Californie, l’Etat américain le plus riche, le sera forcément dans le reste du monde.
par Colette Thomas
Article publié le 11/10/2006 Dernière mise à jour le 11/10/2006 à 17:26 TU