Belgique
Extrême droite contenue, soulagement parmi les immigrés

(Photo : AFP)
De notre envoyée spéciale en Belgique
Place de Coninck, à Anvers, les télécentres et épiceries africaines collectionnent encore, sur leurs vitrines, les posters de campagne des divers «allochtones» qui se sont présentés lors des municipales du 8 octobre. C’était la fête dimanche soir, dans ce quartier populaire peuplé d’immigrés, à deux pas de la gare centrale. «L’extrême droite n’a pas réussi à progresser, se félicite un Belge d’origine algérienne, et c’est tant mieux». Encore sous le choc du meurtre raciste du 11 mai dernier, commis contre une jeune femme malienne par un neveu d’une députée du Vlaams Belang, Anvers s’est mobilisée contre l’extrême droite. Dans la seconde ville de Belgique (100 000 habitants), un concert organisé le 1er octobre contre le racisme a rassemblé 40 000 personnes.
Le Vlaams Belang (VB), un parti régionaliste d’extrême droite qui a fait campagne sur les thèmes de la propreté et de la sécurité, s’attendait à glaner 40% des voix dans son fief d’Anvers. Pour la première fois depuis des années, il n’y a pas fait de progrès sensible, plafonnant à 33,5% des suffrages, contre 33% lors des municipales de 2000 et 28% en 1994. Populaire, le maire socialiste Patrick Janssens a remporté une victoire incontestable, avec 35% des voix (contre 20% en 2000).
Ancienne miss Belgique et candidate du VB
Dans aucune des communes en jeu, le VB n’a remporté une majorité absolue. Pas même à Schoten, banlieue anversoise aisée, où Marie-Rose Morel, ancienne miss Belgique et jeune candidate du VB a réalisé le plus fort score de son parti, 34,7% des voix. A Anvers, le «cordon sanitaire» formé en 2000 par une coalition de grands partis pour isoler le VB va se maintenir.
Malgré ces résultats, le parti de Filip Dewinter, l’ancien néo-nazi de 38 ans qui briguait la mairie d’Anvers, s’est félicité de ses scores. Le VB, avec ses thèses séparatistes et sa revendication d’indépendance pour la Flandre, reste l’une des plus grandes formations de la région. Le quotidien flamand De Morgen a souligné le recul de 2,5% du VB cette année par rapport aux législatives de 2004. Cependant, si l’on s’en tient aux résultats des municipales de 2000, l’extrême droite progresse encore de 6% en Flandre.
Thème politique majeur
Autorisé pour la première fois en Belgique, le vote des étrangers n’a guère pesé. Pourtant, il était à la fois redouté et contesté par l’extrême droite, qui évoque aujourd’hui une montée de «l’islamo-socialisme» en Belgique. Chez le voisin néerlandais, le vote «allochtone» a fait basculer Rotterdam dans le camp socialiste lors des élections municipales du 7 mars dernier, évinçant du même coup Leefbaar Rotterdam (Rotterdam vivable, LR), le parti de droite populiste qui a dirigé pendant cinq ans la seconde ville des Pays-Bas.
En Flandre, la partie néerlandophone de la Belgique, les immigrés ne se sont pas mobilisés comme aux Pays-Bas. Ils ont été les moins nombreux à demander leur carte d’électeur, 12,5% d’entre eux ayant fait la démarche, contre 15,7% au niveau national (soit 17 000 personnes, sur les 108 600 qui auraient pu voter). Des candidats d’origine turque, indienne, marocaine, congolaise ont certes figuré sur les listes des principaux partis, Verts, libéraux et socialistes. «Mais pourquoi avoir attendu si longtemps avant d’inviter les immigrés ?», s’est demandé Dam Diouf, un jeune Sénégalais, organisateur d’un festival de cinéma africain à Anvers et actif dans les milieux associatifs. Manifestement, il n’est pas le seul à s’être posé la question, dans un pays où l’intégration des immigrés, comme chez les voisins français et néerlandais, est devenue un thème politique majeur.par Sabine Cessou
Article publié le 12/10/2006 Dernière mise à jour le 12/10/2006 à 12:27 TU