Immigration
Des Burundais chez «l’Oncle Sam»
(Photo : IRIN Radio)
Dans les deux ans à venir, les Etats-Unis vont accueillir 10 000 Burundais vivant depuis des années en Tanzanie, dans des camps installés à la frontière de leur pays qu’ils ont fui en raison de la guerre. Tom Casey, porte-parole du département d’Etat, a expliqué les raisons de ce geste : «A la demande de l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et également du gouvernement de Tanzanie, où ces réfugiés vivent depuis de nombreuses années, nous avons l’intention d’offrir un permis de résidence permanente à un groupe de Burundais, réfugiés dans des camps de l’ouest de la Tanzanie». Certains ont quitté leur pays depuis 1972, pendant les affrontements sanglants entre Tutsi et Hutu. Après des décennies de conflit, nombreux sont les réfugiés qui ne connaissent même pas leur pays.
Les réfugiés burundais se verront offrir le statut de réfugiés et «pourront s’installer ici de façon permanente». Les Etats-Unis ne font donc pas une demi-proposition aux nouveaux venus. Ils ont l’assurance de pouvoir demander par la suite la nationalité américaine.
Le Haut Commissariat aux réfugiés avait demandé au début de cette année aux Etats-Unis, pays d’immigration, d’accueillir des réfugiés burundais vivant dans ces camps à l’ouest de la Tanzanie. Le gouvernement américain vient donc de donner une réponse positive. Au départ, le nombre de Burundais censés traverser l’océan Atlantique pour démarrer une nouvelle vie au pays de l’Oncle Sam était beaucoup plus important. Les organismes d’aide aux réfugiés pensaient que beaucoup n’allaient pas retourner dans leur pays, soit parce qu’ils ne l’avaient jamais connu de leur vie, soit parce qu’ils avaient été ballottés d’un camp de réfugiés à l’autre et représentaient les candidats rêvés pour une nouvelle vie. Pourtant, malgré leur mauvaise fortune, un grand nombre de ces personnes n’a pas souhaité tenter l’aventure et préfère rester en Tanzanie, dans les parages de leur pays d’origine.
Petit pays grande migration
Cette vague de migration officielle est tout sauf anecdotique, aussi bien pour le pays de départ que pour le pays d’accueil. Avec un peu plus de 8 millions d’habitants, le Burundi est un tout petit pays où la population, du fait des conflits armés, est très jeune. Même si le retour de milliers de réfugiés menace de poser des problèmes alors que la paix est encore toute fraîche, les autorités de Bujumbura peuvent craindre une fuite partielle des cerveaux. Les Burundais qui tenteront l’aventure américaine seront certainement les plus entreprenants des réfugiés.
Que les Etats-Unis, avec leur inoxydable image de pays ouvert, donne leur chance à plusieurs milliers de Burundais alors qu’ils sont près de 200 000 à végéter aux portes de leur patrie, la réponse peut paraître disproportionnée. Pourtant, les statistiques d’attribution de la Green Card, la fameuse Carte Verte permettant de travailler aux Etats-Unis, montrent qu’en 2004 par exemple, 34 citoyens burundais avaient obtenu le célèbre document permettant de s’installer aux Etats-Unis.
Malgré la taille gigantesque des Etats-Unis, cette arrivée massive de Burundais est également un événement pour le pays. Le département d’Etat indique que depuis 1975, 79 000 réfugiés venant d’Amérique Latine sont entrés légalement sur le territoire. L’écrasante majorité d’entre eux – 50 000 – venait de Cuba. L’arrivée de ces migrants s’était étalée dans le temps alors que cette fois, l’économie américaine devra absorber des demandeurs d’emploi dans un temps court.
Rester ouvert
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’administration américaine est devenue très exigeante, très méfiante avec les étrangers ; avec les natifs aussi d’ailleurs, les libertés individuelles ayant été restreintes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Malgré ce durcissement, Washington a répondu favorablement à la demande du HCR. «Le programme des Etats-Unis relatif à l’admission des réfugiés a toujours été et est toujours un bon reflet du peuple que nous sommes : des gens généreux, animés de compassion et extrêmement fiers de notre diversité culturelle», déclarait il y a quelques jours Ellen Sauerbrey, secrétaire d’Etat adjointe à la Population, aux Réfugiés et à la Migration. La responsable politique a par ailleurs annoncé que les Etats-Unis envisageaient d’accueillir jusqu’à 70 000 réfugiés pendant l’année budgétaire 2007. A l’occasion de ces déclarations, Mme Sauerbrey en a profité pour exhorter la communauté internationale à réinstaller 100 000 Bhoutanais au Népal. Washington se veut exemplaire sur la question des réfugiés.
Un peu partout dans le monde, des conflits armés obligent des gens à partir. Ils s’installent alors pour quelque temps dans des camps précaires. Et lorsque le provisoire s’installe dans la durée ou que le retour devient impossible, trouver une terre d’asile s’impose. Sur internet, la diaspora burundaise qui a fait sa vie ailleurs s’exprime à travers un journal. Ces témoignages montrent que le rêve américain est toujours efficace mais qu’il est difficile à réaliser.
«Travailler aux USA ? Oui, c’est assez facile, mais il faut accepter de partir de très bas», raconte Alexis Rwasenge qui vit à Long Islands depuis 1993. Technicien réparateur de photocopieuses en semaine, il fait le chauffeur de taxi le week-end, n’a pas le temps d’apprendre la langue kirundi à ses enfants mais a le projet de les envoyer en vacances au Burundi, pour qu’ils sachent d’où ils viennent.
par Colette Thomas
Article publié le 18/10/2006 Dernière mise à jour le 18/10/2006 à 18:21 TU