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Immigration

La tentation de l’Ouest

Les ressortissants d’Afrique sub-saharienne sont les moins nombreux des clandestins régularisés. 

		(Photo : AFP)
Les ressortissants d’Afrique sub-saharienne sont les moins nombreux des clandestins régularisés.
(Photo : AFP)
Au sommet de Lahti, en Finlande, la dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz russe occupera les débats. Les 25 doivent cependant aborder un autre sujet de discussions : l’immigration, dont les contours ont changé. Si l’Europe a du mal à harmoniser sa politique dans ce domaine, les chiffres montrent que les grands flux ne sont pas africains mais est-européens.

Droits de l’homme, expulsions de Géorgiens, dépendance énergétique de l’Union européenne : les sujets de tension ne manquent pas entre l’Union européenne et la Russie. La réunion de Lahti ne parviendra certainement pas à aplanir tous ces désaccords, même avec la venue de Vladimir Poutine en personne.

En dehors des discussions avec le numéro un russe, les 25 doivent également parler d’immigration, sujet de préoccupation moins spectaculaire. Les derniers chiffres concernant les flux migratoires en Europe sont en effet surprenants. Tout le monde a vu les images de pirogues africaines venant s’échouer sur les côtes des Canaries ou sur l’île de Lampedusa. Pourtant, malgré ces destins tragiques racontés sur les télévisions, les Africains représentent une petite minorité des migrants qui cherchent à faire leur vie en Europe.

L’Espagne, confrontée à l’arrivée d’Africains à Ceuta et Melilla puis aux Canaries, a fait à peu près le compte des nouveaux venus. Ceux qui le voulaient ont été régularisés l’année dernière. Madrid sait que, durant les 9 premiers mois de l’année, 23 000 personnes ont débarqué sur les côtes espagnoles. Elles s’ajoutaient aux 100 000 Africains entrés en Espagne au cours des 7 dernières années.

Les enseignements de l’Espagne et de l’Italie

Lorsque le gouvernement espagnol a procédé aux régulations massives de 2005, l’administration s’est rendu compte que les ressortissants d’Afrique subsaharienne étaient les moins nombreux : 3,9% du total des clandestins. Les plus nombreux étaient les Equatoriens (25%), suivis par les Roumains (17%) et les Marocains (11,5%).

L’Italie renvoie à peu près la même répartition lorsque la comptabilité est faite des arrivées sur l’île méditerranéenne de Lampedusa. Là aussi, les régularisations ont changé la physionomie de l’immigration. Les clandestins régularisés viennent d’abord de Roumanie (132 000), d’Ukraine (100 000), d’Albanie (47 000), du Maroc (47 000) et d’Equateur (34 000).

Même si les phénomènes de migration ont été moins visibles au Portugal, les Ukrainiens (70 000) constituent, là encore, une des plus importantes vagues d’arrivées dans ce petit pays de 10,5 millions d’habitants, juste après les Brésiliens (85 000).

Il est certainement plus facile, pour aller tenter sa chance ailleurs, de franchir des frontières terrestres, sur le vieux continent européen, que de partir en mer sur une embarcation fragile. La disparition des barrières explique certainement en grande partie la présence des Européens de l’Est dans les pays méditerranéens de l’Union. Comme ces pays ont encore des secteurs agricoles gourmands en main-d’œuvre, il n’est pas difficile de trouver un travail saisonnier. Il est peut-être mal payé et non déclaré, mais il rapporte plus qu’au pays. En plus du chômage, le niveau de vie très bas dans les ex-pays satellites de l’Union soviétique, donne certainement le goût de partir.

Le Portugal fut pendant des décennies terre d’émigration, à la fois pour des raisons politiques et économiques. Il est aujourd’hui un pays d’accueil, comme la Grèce ou l’Irlande, autres anciens pays d’émigration. L’Irlande a la particularité d’accueillir la plus grande communauté d’expatriés polonais. Ils viennent chercher des salaires trois ou quatre fois plus élevés que dans leur pays. Leur idée, en général, est de partir pour quelque temps, de faire des économies et de rentrer chez eux monter une petite affaire. La façon dont est traitée cette main-d’œuvre, peu regardante sur ses droits, a révélé quelques scandales comme celui des cueilleurs de fraises dans le sud de la Grande-Bretagne, parqués dans des camps fermés.

Une politique difficile à harmoniser

Il est difficile pour Bruxelles d’harmoniser les politiques d’immigration. Depuis l’adhésion des 10 nouveaux pays en 2004, les «vieux pays» de l’Union ne leur ont pas tous ouvert leur marché du travail. L’Irlande, la Suède, la Grande-Bretagne et l’Italie l’ont fait sans craindre de déstabilisation du marché du travail.

Cette dynamique compense l’attitude plus frileuse d’autres pays qui furent pourtant, pendant des décennies, des terres d’accueil comme la France, l’Allemagne ou les Pays-Bas. Dans ces pays, la morosité économique semble avoir exacerbé les relations entre les groupes sociaux. Et les pays qui ont massivement régularisé sont critiqués pour avoir créé un appel d’air.

Au lieu d’aller vers une harmonisation, plusieurs pays - bien au contraire - et parmi les plus anciens de l’Union, ont, chacun à leur manière, réformé leur législation concernant l’immigration. Ces transformations vont à l’encontre d’une politique commune. De plus, l’instauration de quotas est devenue une notion taboue. Face à toute liste de besoins par professions, certains dénoncent un pillage de matière grise. Tous ces non-dit, ces retours en arrière, empêchent d’avoir une vue d’ensemble, d’évaluer les futurs besoins de l’Union européenne. La logique du quotidien s’impose : les pays les plus pauvres du Vieux Continent, qu’ils soient membres ou pas de l’Union européenne, regardent du côté des plus riches et veulent aller y tenter leur chance.



par Colette  Thomas

Article publié le 20/10/2006 Dernière mise à jour le 20/10/2006 à 16:40 TU

Audio

Daniel Desesquelle

Envoyé spécial de RFI en Finlande

«La Russie est le premier pays exportateur de gaz au monde, le deuxième de pétrole, et les pays de l'Union européenne sont de grands consommateurs d'énergie.»

[20/10/2006]

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