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Serbie

La Constitution adoptée d’extrême justesse

Même si pour le Premier ministre Vojislav Kostunica l'approbation de la Constitution est un succès, la Serbie n’est pas encore sortie de la crise politique. 

		(Photo : AFP)
Même si pour le Premier ministre Vojislav Kostunica l'approbation de la Constitution est un succès, la Serbie n’est pas encore sortie de la crise politique.
(Photo : AFP)

Les électeurs serbes ont approuvé par référendum la nouvelle Constitution, mais le score étriqué n’est pas un succès pour les grands partis politiques qui soutenaient tous le texte proposé. Ce résultat ne va pas renforcer la position de la Serbie dans les négociations sur le statut final du Kosovo.


De notre correspondant à Belgrade

51,4% des électeurs inscrits ont approuvé le texte constitutionnel, un résultat légèrement au-dessus du seuil requis de 50% pour une participation globale de 53,5%, selon les résultats communiqués par le CESID, l’organisme indépendant de surveillance des élections.

La campagne référendaire avait été entièrement axée sur la question du Kosovo, défini comme une «partie intégrante» de la Serbie dans le préambule de la nouvelle Constitution. Dimanche après-midi, la télévision Pink rediffusait des films sur la bataille du Kosovo, mais le thème ne semble plus guère faire recette auprès des électeurs serbes. «Il faut reconnaître que les gens se fichent du Kosovo», explique Miljenko Dereta, le président de la fédération d’ONG Initiatives citoyennes, «ce qui compte pour eux, ce sont leurs conditions de vie». L’analyste politique Vladimir Goati lui fait écho : «la situation économique et sociale, le sentiment de frustration après l’interruption des discussions de la Serbie avec l’Union européenne n’ont pas favorisé la mobilisation».

Ratko Mladic acclamé

Naturellement, ce sont les Serbes du Kosovo qui se sont le plus mobilisés, en votant à plus de 90% en faveur de la Constitution. Dimanche soir, des manifestations de joie ont salué l’adoption du texte dans les rues de Mitrovica, la ville divisée du nord du Kosovo, où les manifestants scandaient «nous ne donnons pas le Kosovo», et le nom de Ratko Mladic, l’ancien général serbe de Bosnie, inculpé par le Tribunal pénal international et toujours en cavale. La semaine dernière, le nom de Mladic avait déjà été acclamé à Mitrovica, entraînant de vives réactions de la communauté internationale.

À l’inverse, le plus faible score a été atteint en Voïvodine, où seulement 42% des électeurs ont approuvé la Constitution. Il est vrai que le président de l’Assemblée de la province, Bojan Kostres, avait appelé au boycott, tout comme les représentants des minorités nationales et notamment l’importante communauté hongroise. Dans la journée de dimanche encore, le Premier ministre Kostunica, les responsables des différents partis et le patriarche orthodoxe de Serbie, Mgr Pavle, ont appelé les électeurs à se rendre aux urnes, mais leur message n’a eu qu’un écho limité.

«Le seul gagnant du référendum est Cedomir Jovanovic, le dirigeant du Parti libéral-démocratique, qui appelait au boycott», assure ainsi Miljenko Dereta. Lui-même appelait non pas au boycott mais à voter non à la Constitution. «Le texte est mauvais et posera de sérieux problèmes à la Serbie si elle veut se rapprocher de l’Union européenne. Et la manière dont cette Constitution a été adoptée est scandaleuse. C’est le résultat d’un pacte secret entre les partis. Les citoyens en ont assez d’être manipulés, et ils l’ont bien montré en ne se précipitant pas aux urnes», dit-il.

Le Kosovo laisse indifférent un électeur serbe sur deux

Alors que les grands partis politiques serbes – depuis le Parti démocratique du président Tadic jusqu’à l’extrême droite nationaliste – appelaient tous à soutenir la Constitution, le faible résultat final sonne comme un désaveu pour la classe politique. Ce résultat ne va pas non plus renforcer la position politique de la Serbie dans les négociations sur le statut final du Kosovo. Si l’adoption de la Constitution avait pour but d’affirmer les droits de la Serbie sur le Kosovo, il faut alors admettre que près d’un électeur serbe sur deux se désintéresse de la question.

Selon le CESID, une série d’irrégularités et d’infractions au code électoral ont été constatées, mais sans être de nature à modifier le résultat final. Le plus grave incident a eu lieu samedi à Bujanovac, où une centaine de bulletins ont été glissés dans l’urne. Cependant, alors que les partis appelant à rejeter la Constitution n’étaient pas représentés dans les bureaux de vote, des soupçons perdurent sur la légitimité du résultat. Cedomir Jovanovic affirme ainsi que seules des fraudes auraient permis de passer le seuil de 50%.

Même si Vojislav Kostunica peut se flatter d’un succès, la Serbie n’est pas encore sortie de la crise politique, puisque le gouvernement n’a plus de majorité, et que des élections anticipées devraient être convoquées dans les prochaines semaines. On ignore encore la date de ce scrutin, et même ce pour quoi les électeurs vont devoir voter : en plus des élections parlementaires, Boris Tadic veut remettre en jeu son mandat présidentiel. Il va très vite falloir que les partis s’entendent, et le sursis que la Serbie peut espérer obtenir en retardant les discussions sur le Kosovo ne peut pas tenir lieu de politique.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 30/10/2006 Dernière mise à jour le 30/10/2006 à 11:22 TU