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Serbie

Une nouvelle Constitution pour garder le Kosovo

Boris Tadic, le président serbe, au Parlement de Belgrade samedi soir, annonce la nouvelle Constitution qui réaffirme la souveraineté serbe sur le Kosovo. 

		(Photo: AFP)
Boris Tadic, le président serbe, au Parlement de Belgrade samedi soir, annonce la nouvelle Constitution qui réaffirme la souveraineté serbe sur le Kosovo.
(Photo: AFP)
Le Parlement serbe a adopté samedi soir une nouvelle Constitution, dont le préambule stipule que «le Kosovo est une partie intégrante de la Serbie». Le texte devra être approuvé par référendum les 28 et 29 octobre. Des élections parlementaires anticipées devraient rapidement suivre.

De notre correspondant dans les Balkans

Le Parlement de Belgrade a pris de court la communauté internationale. Après des années de palabres et des mois de vaines tractations, il n’a fallu qu’une dizaine de jours pour adopter en toute hâte la Constitution dont la Serbie avait besoin depuis son «indépendance forcée», consécutive à la séparation du Monténégro. Le débat bloquait depuis des mois sur quelques points essentiels. Le compromis finalement obtenu à l’arraché fait la part belle aux courants nationalistes – du Parti radical serbe (SRS, extrême droite), qui disposait d’une minorité de blocage au Parlement, au Parti démocratique de Serbie (DSS) du Premier ministre Vojislav Kostunica. La Serbie est définie comme l’État national du peuple serbe «et des autres citoyens», sans aucune mention explicite des minorités nationales. De même, la province de Voïvodine n’obtient qu’une autonomie financière très limitée.

Le gouvernement de Belgrade affirme que la nouvelle Constitution est conforme aux règles européennes, notamment sur la protection des minorités, mais plusieurs formations d’opposition, comme le Parti libéral-démocratique (LDP) de Cedomir Jovanovic, l’ancien vice-Premier ministre du gouvernement démocrate de Zoran Djindjic, entendent saisir la Commission de Venise et d’autres instances européennes. Dès dimanche soir, le LDP a organisé une manifestation devant le Parlement de Belgrade, et appelle la société civile et toutes les organisations non gouvernementales à rejeter le texte constitutionnel qui sera proposé au vote des électeurs. Le LDP dénonce pêle-mêle l’absence de véritable reconnaissance constitutionnelle pour les minorités, l’insistance irréaliste sur le Kosovo, ou le statut très prépondérant accordé à l’Église orthodoxe serbe. Le gouvernement a lancé dès lundi matin sa campagne référendaire, qui risque de se transformer en un plébiscite pour le Kosovo. Le vote à l’arraché de la Constitution intervient de toute manière au moment même où la Serbie se trouve plongée dans une très grave crise politique.

Tout compromis avec Belgrade sera désormais très difficile

Dimanche, les ministres libéraux du G17 Plus ont présenté leur démission, conformément à leur engagement. Ils avaient en effet annoncé qu’ils quitteraient le gouvernement le 1er octobre, si les négociations européennes de la Serbie n’avaient pas repris à cette date. Or, la reprise des discussions est conditionnée par l’arrestation du général Mladic, qui se cache toujours en Serbie. Alors que Carla Del Ponte, la procureure générale du TPI est arrivée lundi matin pour une visite de deux jours en Serbie, aucune avancée ne semble envisageable à court terme sur ce dossier. Le gouvernement Kostunica n’a donc plus de majorité, mais il devrait continuer d’expédier les affaires courantes jusqu’aux élections législatives anticipées qui pourraient avoir lieu début décembre, un mois après l’adoption probable de la Constitution.

La précipitation des députés serbes s’explique par l’enjeu des négociations sur le statut final du Kosovo. En affirmant dès le préambule que «le Kosovo et la Metohija forment une partie inaliénable de la Serbie», cette Constitution risque de représenter une embûche sérieuse pour la communauté internationale, qui garde officiellement l’objectif de doter le Kosovo de son nouveau statut d’ici la fin de l’année 2006.

Ce nouveau statut a de fortes chances d’être l’indépendance, mais Belgrade ne la reconnaîtra pas et continuera à considérer le Kosovo comme une province occupée. L’évolution du Kosovo dépend bien sûr d’un vote du Conseil de sécurité, où la Russie dispose du droit de veto, et pourrait choisir de retarder le processus. Cependant, en adoptant sa nouvelle Constitution, la Serbie complique sérieusement la tâche de la communauté internationale, car tout compromis avec Belgrade sera désormais très difficile. Les élections anticipées pourraient également se solder par une nouvelle progression de l’extrême droite, avec d’incalculables conséquences sur le plan intérieur et régional.

par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 03/10/2006 Dernière mise à jour le 03/10/2006 à 12:45 TU

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