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Kosovo

Constat de désaccord à Vienne

Les délégations serbe et albanaise, le 24 juillet à Vienne. Leurs positions sur le statut final du Kosovo sont toujours «aussi éloignées que possible». 

		(Photo : AFP)
Les délégations serbe et albanaise, le 24 juillet à Vienne. Leurs positions sur le statut final du Kosovo sont toujours «aussi éloignées que possible».
(Photo : AFP)
Pour la première fois depuis les négociations de Rambouillet, en février1999, des représentants serbes et albanais ont eu des pourparlers directs le 24 juillet à Vienne (Autriche), pour évoquer le statut futur du Kosovo. Cette rencontre au plus haut niveau, était historique, mais, comme chacun s'y attendait, elle n’a pas donné de résultats concrets.

De notre correspondant à Skopje

Le Premier ministre serbe, le très nationaliste Vojislav Kostunica, qui avait longtemps hésité à se rendre à la rencontre, a pu éviter de serrer la main de son homologue kosovar Agim Ceku, ancien commandant en chef de l’Armée de libération du Kosovo (UCK), que Belgrade considère toujours comme un criminel de guerre. Les deux délégations ont en effet pénétré par des entrées distinctes dans la salle de réunion où Serbes et Albanais ont raffirmé leurs positions de principe respectives. Le président du Kosovo, Fatmir Sejdiu, successeur d’Ibrahim Rugova décédé en janvier dernier, a officiellement réclamé l’indépendance du Kosovo d’ici la fin de l’année, une revendication qui constitue de fait «l’alpha et l’oméga» du problème. On la sait catégoriquement rejetée par la Serbie, qui propose en revanche une «autonomie substantielle», Vojislav Kostunica expliquant que cette autonomie, garantie par un accord constitutionnel, supposerait la mise en place d’autorités législatives, exécutives et judiciaires à l’échelle de la province. Le Kosovo continuerait néanmoins à faire partie de la Serbie.

Indépendance contre autonomie

A priori plus enclin au compromis que son Premier ministre, le président serbe, Boris Tadic, n’en a pas moins dénoncé un «ultimatum albanais» lancé pour l’indépendance, voyant là un empêchement à toute possibilité de discussion. Comme pour lui faire écho, le journaliste et député Veton Surroi, membre de l’équipe de négociation albanaise, a estimé que l’offre serbe ne permettait même pas d’entamer les pourparlers. Pour lui, le Kosovo doit devenir un État «européen et efficace, dans lequel l’identité serbe parviendra à s’intégrer». Selon Veton Surroi, après la guerre et le «génocide» perpétré par Belgrade au Kosovo, la Serbie a perdu tout droit à évoquer sa souveraineté sur le territoire.

De par cet échange de vues direct, la rencontre de lundi était historique. Elle ne laisse pour autant guère présager de la possibilité d’un accord négocié sur le statut futur du Kosovo. L’émissaire des Nations unies chargé de conduire les négociations, l’ancien président finlandais Martti Ahtisaari, a reconnu que les positions des deux parties étaient toujours «aussi éloignées que possible», mais il a estimé que la rencontre s’était déroulée dans une meilleure atmosphère qu’il ne s’attendait.

Boris Tadic a par ailleurs déclaré que si les discussions sur la décentralisation aboutissaient à un accord, les Serbes du Kosovo n’auraient «plus aucune raison de boycotter les institutions provisoires de la province». Les négociations techniques entre les équipes serbes et albanaises devraient reprendre au début du mois d’août. Martti Ahtisaari estime que ces discussions sont, pour l’instant, les plus importantes, et qu’une autre rencontre au sommet ne sera nécessaire que lorsque celles-ci auront progressé.

Pressions dans la rue

Pendant ce temps à Pristina, les militants du mouvement Vetëvendosje (Autodétermination) ont manifesté pour dénoncer, une fois de plus, le principe même de négociations avec Belgrade. Pour le dirigeant de ce mouvement, Albin Kurti, le Kosovo a droit à une indépendance immédiate, sans aucune négociation. Albin Kurti soupçonne même toujours les dirigeants albanais qui se sont rendus à Vienne d’être prêts à «offrir le Kosovo à la Serbie».

Les négociateurs serbes et albanais sont en effet soumis à la pression d’opinions publiques rétives à tout compromis. La communauté internationale a elle aussi intégré ce paramètre. La Mission des Nations unies au Kosovo (MINUK) redoute d’ailleurs toujours une répétition des émeutes de mars 2004 si l’opinion publique albanaise s’impatiente trop au moment où les risques politiques sont énormes à Belgrade. Le Parti radical (extrême droite nationaliste) est en effet crédité de près de 40% des intentions de vote dans les sondages et il réclame toujours officiellement une reconquête militaire du Kosovo ainsi que l’arrêt de toute discussion, aussi bien avec les Albanais qu’avec la communauté internationale.

La coalition parlementaire qui soutient le Premier ministre Kostunica est hétéroclite et très fragile. Des élections anticipées et une victoire de l’extrême-droite pourraient bloquer toute perspective de négociations, plongeant ainsi la Serbie, le Kosovo, mais aussi toute la région, dans de nouvelles incertitudes.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 25/07/2006Dernière mise à jour le 25/07/2006 à TU