Kosovo
Kostunica célébre la bataille de 1389
(Photo : AFP)
De notre envoyé spécial à Gracanica
Le Premier ministre serbe a effectué une visite très controversée au Kosovo, pour célébrer le 617e anniversaire de la bataille de Kosovo Polje, et symbole du nationalisme serbe. La visite devait avoir un caractère « privé et religieux », mais Vojislav Kostunica a profité de l’occasion pour rappeler que le Kosovo devait rester « partie intégrante » de la Serbie. La fête a été courte, mais quelques centaines de Serbes du Kosovo ont pu célébrer, cette année encore, le jour de Vidovdan, qui commémore l’anniversaire de la bataille de 1389 et la mort du prince serbe Lazar, qui avait conduit les troupes chrétiennes contre les Turcs.
Il y a 17 ans, Slobodan Milosevic, alors au fait de son pouvoir, avait rassemblé près d’un million de Serbes sur la plaine de Gazimestan, à l’emplacement même de la bataille. Aujourd’hui, les 100 000 Serbes qui vivent encore au Kosovo sont isolés dans des enclaves, et Vojislav Kostunica n’a pu se rendre au Kosovo que sous une forte escorte de la KFOR, la mission de l’OTAN dans le territoire administré depuis juin 1999 par les Nations unies.
Vojislav Kostunica, accompagné de plusieurs ministres, est arrivé vers 14 heures dans le prestigieux monastère médiéval de Gracanica, enclavé à quelques kilomètres de Pristina. Le patriarche Pavle de Serbie avait déjà célébré, en compagnie des deux évêques du Kosovo, la liturgie prévue par le calendrier orthodoxe. Le Premier ministre n’est guère resté qu’une heure à Gracanica, l’occasion pour lui de prendre un bain de foule et de prononcer un bref discours affirmant que le Kosovo « a toujours fait, et fera toujours partie de la Serbie ».
Le caractère quasiment inéluctable de l’indépendance
Cette visite, largement couverte par les médias de Belgrade, tombe à point nommé pour redresser un peu la cote de popularité du Premier ministre, qui n’a toujours pas digéré la sécession pacifique du Monténégro, et qui revenait tout juste d’un voyage à Londres au cours duquel Tony Blair a essayé de lui expliquer le caractère quasiment inéluctable de l’indépendance du Kosovo. Alors que des discussions directes entre Belgrade et Pristina se poursuivent depuis l’automne dernier à Vienne, mais sans aucun résultat tangible, la communauté internationale garde l’objectif de définir le statut final du Kosovo d’ici la fin de l’année 2006, tandis que Belgrade estime qu’une solution « précipitée » serait source de grands dangers pour la région et les principes du droit international.
Le programme de la visite, âprement négocié avec la mission locale des Nations unies (MINUK), est resté incertain jusqu’au dernier moment. Vojislav Kostunica aurait souhaité se rendre au mémorial de Gazimestan, qui n’est pas situé dans une enclave serbe et qui est aujourd’hui livré à l’abandon, ce qui lui a été refusé. La visite de Vojislav Kostunica avait été vivement désapprouvée par les dirigeants albanais du Kosovo, qui dénoncent les positions intransigeantes du Premier ministre. Le mouvement Autodétermination, qui exige l’indépendance immédiate du Kosovo et rejette toute négociation avec Belgrade, avait même appelé les citoyens à manifester et à bloquer les frontières du Kosovo. Cependant, aucun incident n’a été signalé, et le cortège officiel est reparti vers 15 heures en direction de Belgrade.
Le sort incertain des villages serbes
Des familles serbes de la région de Gracanica ont profité de la fête pour pique-niquer dans l’enceinte du monastère, tandis que les vendeurs de sandwichs et de bimbeloterie religieuse escomptaient de profitables affaires. Pourtant, la survie de la quinzaine de villages serbes qui entourent Gracanica est hautement incertaine en cas d’indépendance du Kosovo : de nombreux Serbes vendent déjà leurs biens à des Albanais et se préparent à un nouvel exode.
Le dernier officiel à quitter la fête a été le ministre des Investissements capitaux, le très nationaliste Velja Ilic, qui trinquait avec ses partisans réunis dans un petit café proche du monastère avec une fanfare tzigane, tandis que quelques femmes, venues des enclaves de la région, essayaient timidement de lui demander quand les Serbes du Kosovo auraient enfin, à nouveau, du travail.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 29/06/2006Dernière mise à jour le 29/06/2006 à TU