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Kosovo

Vers le statut final, laborieusement

Sur le dossier de la décentralisation, les positions demeurent inconciliables. 

		(Carte : H.Maurel/RFI)
Sur le dossier de la décentralisation, les positions demeurent inconciliables.
(Carte : H.Maurel/RFI)
L’ancien président finlandais Martti Ahtisaari, chargé de conduire les négociations sur le statut futur du Kosovo, a présenté hier son rapport au Conseil de sécurité des Nations unies. Même si les discussions techniques piétinent toujours, Serbes et Albanais devraient commencer à parler directement du statut d’ici la fin juillet.

De notre envoyé spécial à Pristina

Le rapport de Martti Ahtisaari marque une étape importante, alors que des discussions directes entre Belgrade et Pristina sur l’avenir du territoire placé depuis juin 1999 sous administration provisoire des Nations unies ont commencé à Vienne l’automne dernier. Ces rencontres ont abordé différents thèmes, depuis la décentralisation jusqu’à l’économie et la protection du patrimoine, mais aucun résultat tangible n’a été obtenu, chaque délégation se contentant le plus souvent d’exprimer son point de vue.

Sur le plus sensible des « dossiers techniques » abordés jusqu’à présent, la décentralisation, les positions demeurent inconciliables. L’idée fait aujourd’hui consensus qu’il faudra accorder une large autonomie aux communes où vivent ces minorités, et même envisager la création de nouvelles municipalités. Les discussions portent sur le nombre et le tracé des futures communes qui pourraient être créées. Pristina estime que les exigences de Belgrade, qui réclame une vingtaine de communes, sont irréalistes et inacceptables. La ville divisée de Mitrovica constitue un autre point d’achoppement : la partie serbe veut la création d’une nouvelle commune dans le nord aujourd’hui serbe de la ville, tandis que les Albanais ne veulent pas entendre parler d’une division de Mitrovica et seraient tout juste prêts à concéder la création d’arrondissements séparés.

Néanmoins, les délégations serbe et albanaise devraient aborder directement la question du statut dès la fin juillet. Martti Ahtisaari a confirmé hier à New York qu’une rencontre « au plus haut niveau » aurait prochainement lieu. Les positions des uns et des autres sont pourtant inconciliables : les Albanais ne veulent entendre parler que d’indépendance, une option que Belgrade rejette catégoriquement, proposant par contre une « large autonomie » pour le Kosovo.

«Occupation coloniale»

Malgré les maigres résultats obtenus jusqu’à présent, l’objectif reste toujours de définir le statut futur final du Kosovo avant la fin de l’année 2006. Pour tenir ce pari, la communauté internationale va probablement devoir reprendre la main, en élaborant des propositions précises sur lesquelles Serbes et Albanais seraient amenés à réagir.

Les scénarios les plus fréquemment évoqués envisagent une indépendance « limitée », avec le maintien d’une forte présence militaire et civile internationale. Les responsabilités qui incombent actuellement aux Nations unies et à l’Otan pourraient revenir à l’Union européenne, qui assume déjà de telles missions en Bosnie-Herzégovine. Force est cependant de constater qu’aucun consensus ne prévaut sur le sujet entre les pays européens eux-mêmes, où l’engagement ouvert de la Grande-Bretagne en faveur de l’indépendance est loin de faire l’unanimité.

La communauté internationale craint surtout de plus en plus que l’impatience ne grandisse chez les Albanais. Les actions, souvent spectaculaires, du mouvement Vetëvendosje (Autodétermination), qui rejette le principe même de négociations avec Belgrade et assimile la présence internationale au Kosovo à une « occupation coloniale », rencontrent en effet une audience croissante. Le scénario catastrophe que beaucoup évoquent serait que des violences n’éclatent sur le terrain – les premières cibles de nouvelles émeutes pouvant être les représentants internationaux et non plus, comme en mars 2004, les membres de la communauté serbe.

La porte-parole de Martti Ahtisaari, Hua Xhijang, a déclaré à l’agence belgradoise Beta que l’objectif de l’émissaire des Nations unies demeurait « de garantir des conditions acceptables pour les Serbes et les autres minorités, ainsi que pour la majorité, de vivre paisiblement au Kosovo ».

Mission impossible

En réalité, les grandes manœuvres diplomatiques se poursuivent alors que règne au Kosovo une étrange ambiance de « calme avant la tempête ». Le Haut commissariat aux réfugiés (UNHCR) et l’Union européenne envisagent désormais ouvertement des plans pour gérer la nouvelle crise humanitaire que provoquerait l’exode de dizaines de milliers de Serbes du Kosovo en cas de nouvelles violences ou d’accession du territoire à l’indépendance.

Deux des principaux acteurs du dossier étaient également présents à New York. Le Président du Kosovo Fatmir Sejdiu n’a pas pu s’exprimer devant le Conseil de sécurité, le Kosovo n’étant pas un État, mais il a rencontré de manière informelle les ambassadeurs des pays membres de cette instance, pour leur rappeler les aspirations des Kosovars à une indépendance aussi rapide et aussi complète que possible.

Par contre, le Conseil de sécurité a entendu le Premier ministre serbe Vojislav Kostunica, qui a rappelé les positions de son pays. Après avoir rappelé la difficile situation de la communauté serbe, Vojislav Kostunica a déclaré que la Serbie ne reconnaîtrait jamais l’indépendance du Kosovo, même si celle-ci était proclamée, et continuerait à considérer que le territoire « relève de sa souveraineté ». Cet exposé de principes déjà connus augure mal des possibilités de compromis. Dans ces conditions, la tache de Martti Ahtisaari semble de plus en plus relever de la mission impossible.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 14/07/2006Dernière mise à jour le 14/07/2006 à TU