Centrafrique
Bangui accuse le Soudan
Lundi, les combats, qui ont provoqué une douzaine de victimes des deux cotés, ont duré à peine 45 minutes, selon les rebelles qui ont occupé cette localité située à plus de 800 kilomètres au nord-est de la capitale Bangui. Les autorités ont admis que les forces gouvernementales ont été mises en déroute lors de cette attaque. Le gouvernement centrafricain pense que le groupe armé de l’UFDR a pénétré dans le pays, après avoir franchi la frontière soudanaise à Am Dafok.
Le porte-parole de la présidence centrafricaine, Cyriaque Gonda, qui s’exprimait lundi à la radio nationale, a déclaré notamment : «à 4h30, de nombreux assaillants non identifiés en provenance du Darfour au Soudan ont attaqué et investi la ville frontalière de Birao et son aérodrome. Le gouvernement et le peuple centrafricain, qui déplorent des pertes en vies humaines au sein des forces armées nationales, au sein de la population civile, ainsi que la destruction de biens, condamnent fermement cette agression barbare que rien ne justifie de la part d’un pays frère».
L’ambassadeur du Soudan en RCA a été convoqué lundi pour fournir des explications au sujet de ces évènements. Le gouvernement centrafricain a demandé aussi l’appui de la communauté internationale, notamment celui de l’Union africaine, de l’ONU et de la France, en vue de «la restauration de l’intégrité territoriale de la RCA». Le gouvernement de Bangui a décidé d’envoyer entre-temps des renforts militaires vers l’intérieur du pays.
Une coalition rebelle hétéroclite
L’attaque contre Birao a été revendiquée par l’Union des forces démocratiques pour le Rassemblement (UFDR), un mouvement qui était inconnu jusqu’à lundi dernier. Interrogé par RFI, le porte-parole de ce mouvement, le capitaine Abakar Sabone, a démenti avoir bénéficié du soutien du Soudan lors de la prise de cette localité. Mais il a reconnu être installé dans un pays étranger qu’il a refusé de nommer.
Selon l'Agence France Presse, l’UFDR est une coalition de trois anciens groupes armés issus de camps adverses dans le passé. Elle rassemble en effet des «ex-libérateurs», alliés au président Bozizé jusqu'à sa prise du pouvoir en 2003, mais cela derrière un chef d’état-major, Abdoulaye Miskine, ancien collaborateur de Patassé. On retrouve également le commandant Justin Assan, un ancien patron de la garde rapprochée de Patassé, à la tête de la coalition rebelle apparemment dirigée par un certain Michel An-Non Droko Djotodia, inconnu sur la scène centrafricaine. Les rebelles affirment avoir pris les armes pour «libérer» le peuple centrafricain et pour combattre le «pouvoir anti-démocratique, mafieux et ethnique» du président Bozizé, qu’ils accusent de s’opposer à tout dialogue. Les autorités qui parlent d’assaillants «non identifiés» accusent le président déchu, Ange-Félix Patassé, en exil au Togo, de piloter les groupes rebelles qui se sont manifestés depuis plusieurs mois dans la moitié nord du pays.
Instabilité régionale
Suite à l’attaque contre Birao, les autorités de Bangui ont demandé l’application immédiate de la résolution 1706 adoptée fin août par le Conseil de sécurité des Nations unies. Cette résolution prévoit le déploiement des casques bleus au Darfour et tout particulièrement à la frontière entre le Soudan et la RCA. Or Khartoum s’oppose fermement à l’installation des forces de l’ONU dans sa province occidentale, jugeant qu’il s’agit d’une manœuvre pour rétablir la «domination coloniale», sous couvert d’opérations visant à protéger les populations menacées de catastrophes humanitaires et d’attaques attribuées aux milices arabes.
Tout porte à croire que le conflit au Darfour est en train de sauter les frontières du Soudan, pour atteindre les Etats voisins. Tout comme les autorités de Bangui, celles du Tchad accusent Khartoum d’appuyer les rebelles tchadiens de la nouvelle Union des forces pour la démocratie et développement (UFDD). Celle-ci revendique les attaques du 21 octobre à Goz-Beïda et Am Timan, à moins de cent kilomètres des frontières soudanaise et centrafricaine. De son côté, le gouvernement de Khartoum accuse aussi le Tchad de soutenir des rebelles qui opèrent notamment au Darfour. De fait, les frontières entre les trois pays, dans cette zone semi-désertique, sont plutôt virtuelles et tout particulièrement dans l'actuelle saison sèche.
par Antonio Garcia
Article publié le 31/10/2006 Dernière mise à jour le 31/10/2006 à 12:09 TU