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Environnement

Planète : le réchauffement coûtera très cher

Pour Tony Blair, «<em>il n'a rien de plus grave, rien de plus urgent, rien qui exige plus de décisions</em>». 

		(photo : AFP)
Pour Tony Blair, «il n'a rien de plus grave, rien de plus urgent, rien qui exige plus de décisions».
(photo : AFP)
Les scientifiques lancent régulièrement un cri d’alarme sur les effets négatifs du réchauffement de la planète. Cette fois, c’est un économiste de renom qui s’inquiète de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Si rien n’est fait pour les limiter, l’économie mondiale sera tellement pénalisée qu’elle entrera en récession.

C’est un ancien économiste de la Banque mondiale, Nicholas Stern, qui publie le premier rapport sur les effets économiques des changements climatiques. Et si d’habitude le rôle d’agitateur est dévolu au milieu scientifique, cette fois, c’est un spécialiste de l’économie mondiale qui veut alerter. Pour Nicholas Stern, si rien n’est fait pour contrer le phénomène du réchauffement, l’économie mondiale en souffrira. Elle connaitra une récession «d’une ampleur catastrophique». Le coût de ces conséquences est estimé à 5 500 milliards d’euros. S’il n’est pas endigué, le réchauffement climatique va entraîner un «ralentissement très grave» de l’économie mondiale.

L’ancien économiste en chef de la Banque mondiale, l’une des institutions les plus au fait de la marche du monde, avait été mandaté en 2005 par le gouvernement britannique pour évaluer les conséquences du réchauffement de la planète d’ici un siècle. Pour montrer l’importance qu’il accordait à ce rapport, le Premier ministre Tony Blair était d’ailleurs aux côtés de Nicholas Stern lorsqu’il a présenté son étude.

«Il ne fait pas de doute que les preuves scientifiques du réchauffement climatique provoqué par les émissions de gaz à effet de serre sont désormais écrasantes», a déclaré le chef du gouvernement britannique à l’occasion de cette présentation. « Et il ne fait pas de doute que les conséquences pour notre planète sont littéralement désastreuses…Il n’y a rien de plus grave, rien de plus urgent, rien qui n’exige plus de décisions», a encore lancé Tony Blair.

Un tandem pour une grande cause

Le tandem à la recherche de l’électrochoc mondial est donc constitué d’un économiste de renom et du responsable, depuis plusieurs mandats, de la politique économique et sociale d’un pays industrialisé en bonne santé. C’est après le G8 de Gleneagles que Tony Blair s’est investi dans cette question du réchauffement. Les pays industrialisés, y compris les Etats-Unis, plus la Russie, semblaient prêts à se mobiliser.

Cette fois, l’alerte n’est pas basée sur des inquiétudes alimentées par des études scientifiques, mais sur les craintes de deux acteurs économiques. Car Nicholas Stern sort cette question de l’environnement pour l’aborder par la croissance et le Produit intérieur brut. «Si nous ne prenons pas de mesure pour mettre les émissions sous contrôle, chaque tonne de CO2 que nous émettons aujourd’hui provoquera un dommage à l’économie d’au moins 85 dollars», affirme l’économiste. En évaluant les dommages en milliards de dollars (6 800), il cherche à sensibiliser gouvernements et décideurs. Et il utilise des images : les effets du réchauffement de la planète sur l’économie mondiale pourraient être «comparables aux effets dévastateurs des deux guerres mondiales et à la dépression des années 30».

Nicholas Stern, comme nombre de scientifiques avant lui, a bien noté la vertigineuse augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cette augmentation, on le sait, modifie les climats des différentes régions du monde. Qu’un économiste et un chef de gouvernement s’emparent du débat et il sort des laboratoires de climatologie. Cependant, aussi bien pour le constat que pour les solutions, le rapport Stern n’apporte rien de neuf. Hausse des températures du globe, montée des océans, catastrophes naturelles plus accentuées, changements des régimes des pluies, climats plus tempérés vers les pôles : tout cela est déjà connu, même si jusqu’à présent les sceptiques semblaient l’emporter.

Toujours à la recherche de solutions

Pour les solutions, le rapport Stern n’invente rien non plus. Il reprend les mécanismes longuement négociés dans le cadre de la Convention climat et de son outil de mise en oeuvre, le Protocole de Kyoto. Marché du carbone, taxes sur les activités polluantes, nouvelles technologies, économies d’énergie, recours aux énergies renouvelables, engagement des pays rejetant le plus de gaz à effet de serre (Etats-Unis, Chine ou Inde) : les orientations pour enrayer le phénomène restent les mêmes.

Même si les experts les juges insuffisantes, ces mesures vont une nouvelle fois être en discussion, en novembre prochain, à Nairobi, au cours de la réunion annuelle des pays signataires de ces deux traités, la Convention climat et le Protocole de Kyoto.

Du côté de l’Australie et du Canada, alliés traditionnels des Etats-Unis dans la négociation climat, on reste imperturbable après la publication de ce rapport. Ottawa s’est déjà éloigné des objectifs du Protocole de Kyoto pour ne pas pénaliser sa grande industrie. Et Sydney n’a pas l’intention de ratifier ce texte tout en assurant atteindre les objectifs du traité refusé. Enfin à Washington, la Maison Blanche a simplement approuvé les conclusions du rapport sans les commenter. 

Dans son état des lieux, Nicholas Stern parle aussi de mettre les consommateurs et les entreprises face aux coûts de leurs actions. «A partir du moment où les émissions de gaz à effet de serre comporteront des coûts plus élevés, les gens seront plus attentifs et chercheront des solutions moins polluantes». Les gouvernements tardent à prendre ce genre d’initiatives impopulaires ; faire payer plus cher l’énergie fossile afin de sensibiliser le public au réchauffement de la planète. Pourtant, le baril de pétrole s’en charge, lorsqu’il augmente. A ce moment-là, les idées de carburant alternatif fleurissent, leur généralisation devient possible. Puis, lorsque le prix du baril retombe et que le consommateur devient moins anxieux pour ses besoins en essence et en chauffage, la vie économique et sociale reprend son cours habituel jusqu’à la crise des prix suivante.

Les changements, difficiles à mettre en œuvre

Par le passé, les filières de recyclage sont devenues viables uniquement après avoir trouvé leur place sur un marché des matériaux de récupération. Si ces filières ont parfois failli disparaître pour cause d’effondrement des cours, elles sont définitivement présentes dans le paysage économique. Et il ne viendrait aujourd’hui l’idée à personne de mélanger aux ordures organiques de vieux journaux ou des morceaux de métal.

Pour les changements climatiques, la question reste encore bien loin de la vie quotidienne. Le solaire et l’éolien, qui n’émettent pas de gaz à effet de serre et dont les réserves sont inépuisables et gratuites, restent encore des expériences exceptionnelles.

Dans les transports, où le pétrole et ses rejets nocifs restent incontournables, rien n’est fait pour favoriser les déplacements non polluants. Celui qui circule en voiture n’est pas pénalisé et celui qui se déplace à vélo n’est pas encouragé. Dans l’un de ses nombreux rapports, le GIEC, Groupement des scientifiques sur l’évolution du climat, suggérait de sensibiliser le public au niveau du porte-monnaie. A la station-service, le conducteur d’un véhicule 4X4 paierait son carburant plus cher que le propriétaire d’une petite berline de 4 ou 5 chevaux. Bien entendu, aucun homme politique de par le monde n’a osé mettre en œuvre ce type d’incitation.



par Colette  Thomas

Article publié le 31/10/2006 Dernière mise à jour le 31/10/2006 à 17:20 TU