Nations unies
Chavez perd sa bataille de l’Onu
(Photo : AFP)
Depuis près d’un mois, l’Assemblée générale des Nations unies a voté à de nombreuses reprises pour choisir les représentants des dix pays, élus pour deux ans, qui vont siéger aux côtés des 5 membres permanents (Chine, Etats-Unis, France Grande-Bretagne et Russie). Le choix de l’Afrique du Sud, de l’Indonésie, de l’Italie et de la Belgique n’a, semble-t-il, posé aucun problème. En revanche, aucune majorité confortable ne s’est dégagée pour le siège du représentant de l’Amérique latine et des Caraïbes. Après 47 tours de scrutin, le Guatemala, soutenu par les Etats-Unis, n’a pas réussi à recueillir les 121 voix minimum pour l’emporter, même en arrivant largement devant son concurrent, le Venezuela. Car le vote n’est validé que si un candidat obtient une majorité des deux tiers des votants, l’Assemblée comptant 192 Etats membres. Mardi, après un ultime vote montrant que le rapport de force ne bougerait pas, les deux pays concurrents ont accepté de retirer leurs candidatures pour sortir de l’impasse.
La solution miracle du Panama
Alors que les nouveaux membres non permanents du Conseil de sécurité doivent prendre leurs fonctions le 1er janvier prochain, il fallait finir par choisir le pays qui va remplacer l’Argentine. L’ambassadeur de l’Equateur auprès des Nations unies a joué le rôle de médiateur. Diego Cordovez, également président du groupe Amérique latine-Caraïbes aux Nations unies, a proposé le retrait des deux rivaux pour laisser la place à un troisième, le Panama.
Avec cette candidature de compromis, la situation est sur le point de se débloquer. Mais cette petite crise onusienne est révélatrice des tensions entre les Etats-Unis et le Venezuela d’Hugo Chavez. Pour que le Venezuela n’obtienne pas le siège de l’Amérique latine aux Nations unies, Washington a fait campagne et poussé la candidature du Guatemala. «Le soutien des Etats-Unis s’est révélé, pour nous, une arme à double tranchant», a par la suite déclaré Gert Rosenthal, le ministre guatémaltèque des Affaires étrangères. Il est de notoriété publique que nombre de pays, notamment à l’intérieur du groupe des 77 (pays en développement et Chine), n’ont pas toujours envie de suivre les positions des Etats-Unis. Ils l’ont montré en refusant de voter massivement pour le candidat de Washington. Mais les prises de position excessives de Chavez, lors de sa dernière tournée mondiale, n’ont pas non plus entrainé une adhésion totale.
Après ce bras de fer d’ampleur symbolique, l’ambassadeur du Venezuela à l’Onu, Arias Cardenas, a salué la «noblesse» de son pays : il s’est retiré pour favoriser une solution. Mais le diplomate s’en est pris aussi aux Etats-Unis. Il a estimé que le retrait du Venezuela et du Guatemala a donné « une leçon importante à la puissance hégémonique du continent et de la planète. Le gouvernement américain n’a pas pu finir son travail. Il n’a pu imposer son candidat (le Guatemala) et nous retirer de la compétition».
Chavez exagère
Bien sûr, le candidat soutenu par les Etats-Unis a été obligé de se désister. Mais le retrait du Venezuela qu’il a entrainé représente un revers diplomatique pour Hugo Chavez. Pendant les deux ans durant lesquels un pays occupe un siège au Conseil de sécurité, ce pays prend beaucoup d’importance. Même s’il n’a pas de droit de veto comme les 5 membres permanents, ce pays peut peser sur les problèmes abordés par le Conseil, sur la négociation du contenu des résolutions.
Si son pays avait remporté le siège temporaire de l’Amérique latine, Hugo Chavez aurait pu se servir des Nations unies comme d’une tribune. Cette perspective déplaisait d’abord aux Américains mais pas seulement. De nombreux pays n’aiment pas la virulence du chef de l’Etat vénézuélien. Après son discours, en septembre dernier, devant les Nations unies, plusieurs pays ont considéré qu’il allait trop loin. Chavez avait notamment parlé de Bush comme du diable. Plusieurs pays, un temps satisfaits de voir l’hégémonie américaine entamée, ont fait marche arrière. Et côté français, avant le retrait conjoint du Guatemala et du Venezuela, un haut fonctionnaire avait déclaré : «Voter pour le Guatemala ne fait pas plaisir, car c’est un cadeau aux Etats-Unis. Mais Chavez va trop loin et, avec les essais nucléaires de la Corée du Nord, le contexte international ne se prête plus à la provocation».
A deux mois de l’élection présidentielle au Venezuela, à Caracas, l’opposition se félicite du revers diplomatique d’Hugo Chavez. Malgré l’atout du pétrole - le Venezuela est le 5e producteur mondial – le soutien appuyé à la Biélorussie, l’Iran, la Syrie ou la Corée du Nord interpelle les autres pays sur ce chef d’Etat latino-américain qui souffle sur les braises là où les situations sont les plus délicates. Visiblement, cela n’est pas passé inaperçu à New York, dans l’enceinte de l’organisme où on cherche à endiguer les conflits.par Colette Thomas
Article publié le 02/11/2006 Dernière mise à jour le 02/11/2006 à 17:57 TU