Sommet sino-africain
Pékin mise sur l'Afrique
(Photo: AFP)
Le sommet de Pékin, qui se déroule cette fin de semaine dans la capitale chinoise, est le plus grand rassemblement de dirigeants chinois et africains jamais organisé depuis l'établissement des relations diplomatiques sino-africaines dans les années 1950. Ils sont une quarantaine de chefs d'Etat à avoir fait le déplacement pour ce forum de coopération Chine-Afrique (FCCA).
De notre correspondant à Pékin
Les slogans «Amitié, paix, coopération et développement», ou encore «Afrique pleine de mystères et de miracles» sont affichés un peu partout dans le centre de Pékin, en chinois, anglais et français. Une très forte présence policière et civile est visible à tous les coins de rue de la capitale chinoise, avec des dizaines de milliers de «volontaires» mobilisés pour s'assurer que tout se passe bien. Pour Pékin, les enjeux de ce sommet sont multiples: ouvrir de nouveaux marchés, sécuriser ses approvisionnements en matières premières et s'assurer du soutien politique du continent qui compte le plus grand nombre de pays. C'est ce qui explique que pour la Chine, le continent africain est devenu l'objectif numéro un en termes d'investissements et d'efforts diplomatiques ces dernières années.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes: le commerce sino-africain a quintuplé en cinq ans, pour atteindre 50 milliards de dollars cette année. Un chiffre qui devrait encore doubler d'ici cinq ans. Plus de 800 entreprises chinoises sont déjà implantées sur le continent et des accords commerciaux d'investissement sont en place avec 28 pays, tandis que les exportations africaines vers la Chine ont été multipliées par 30 en quinze ans.
La Chine a déjà annulé 10,9 milliards de dollars de dettes contractées par 31 pays d'Afrique. En outre, elle impose les droits de douanes les moins élevés pour les produits en provenance des pays africains. Chaque année désormais, plus de dix mille étudiants africains sont invités à faire leurs études en Chine. Rentrés dans leurs pays, ils pourront travailler avec des entreprises chinoises.
Ce sont bien sûr les matières premières africaines qui intéressent Pékin pour nourrir sa vertigineuse croissance. Toutes sortes de minerais, coton, céréales sont importés d'Afrique, mais surtout du pétrole. En effet la Chine a importé 38 millions de tonnes de brut depuis l'Afrique en 2005, soit 30% de ses importations. C'est énorme et cela suscite de nombreuses inquiétudes, notamment en raison du soutien de Pékin au régime soudanais, dont les 500 000 barils produits par jour vont en grande majorité vers une Chine qui s'est opposée aux demandes onusiennes d'envoi de casques bleus dans le pays.
Les affaires avant tout
Partout d'ailleurs, Pékin investit en Afrique sans demander de comptes en matière de droits de l'homme, au non de la «non-ingérence». A l'occasion de ce sommet, les médias chinois ne manquent pas de rappeler que la coopération entre la Chine et les pays africains remonte aux années 1950, lorsque la République populaire fraîchement parvenue au pouvoir a soutenu de nombreux mouvements d'indépendance. «A la différence des pays occidentaux, la Chine n'a jamais eu de colonies en Afrique, et il est faux de parler de "néocolonialisme chinois" aujourd'hui, il s'agit avant tout de coopération dans laquelle toutes les parties trouvent leur intérêt» a récemment déclaré Wen Jiabao, le Premier ministre chinois.
Du point de vue chinois, l'émergence sur le marché africain n'est pas une rivalité avec les pays occidentaux, mais simplement le reflet de la nouvelle position de la Chine sur la scène internationale. «Les matières premières, mais aussi le soutien aux Nations unies des nombreux pays africains nous intéressent. Mais il ne s'agit pas d'intérêts ou de profits à court terme, mais bien d'une tendance sur le long terme. Et pour cela les échanges doivent être à double sens. La montée en puissance de la Chine en Afrique bénéficie aussi beaucoup aux pays africains» dit Yang Baoyun, conseiller d'Etat spécialiste de l'Afrique à l'Institut de diplomatie de Pékin. L'essor africain de la Chine, pour important qu'il soit, doit être relativisé car la part des échanges avec le continent ne représentent pour l'instant qu'environ 4% des échanges commerciaux chinois. D'autre part, de nombreux risques sont soulignés par les experts internationaux. Les infrastructures pour la production de matières premières ne sont pas fortement créatrices d'emplois, comme le souligne l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement en Europe) dans un rapport qui recommande que les pays africains s'équipent aussi de lignes de production de biens de consommation, plutôt que de créer une dépendance aux importations. C'est le cas notamment dans l'électroménager, où les commerçants chinois sont en train de capter toute une partie du marché africain.
par Abel Segrétin
Article publié le 03/11/2006 Dernière mise à jour le 03/11/2006 à 11:14 TU