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Nicaragua

Présidentielle : un premier tour décisif pour Ortega

Ambiance de campagne à Managua, la capitale du Nicaragua.  

		(Photo: AFP)
Ambiance de campagne à Managua, la capitale du Nicaragua.
(Photo: AFP)

Cinq candidats sont en lice pour le premier tour de la présidentielle, ce 5 novembre. Parmi eux, bête noire des Américains, l’ancien révolutionnaire Daniel Ortega croit la victoire à portée de main. Les sondages le créditent de 30% à 34% des voix, loin devant son principal rival, le candidat du centre-droit, l’ancien banquier millionnaire, Eduardo Montealegre. Or pour l'emporter au premier tour, le nouveau code électoral place la barre à 35% et 5 points d'avance. Un deuxième tour pourrait en revanche être fatal à Daniel Ortega, si ses adversaires de droite parviennent à dépasser leurs divisions.


Le Nicaragua. 

		(Cartographie: Marc Verney/RFI)
Le Nicaragua.
(Cartographie: Marc Verney/RFI)

«Give peace a chance» (donnez une chance à la paix), le célèbre tube de John Lennon en version espagnole, l’hymne choisi pour la campagne électorale du candidat Daniel Ortega, est emblématique de la nouvelle image qu’il veut donner de lui. L’ancien président qui dirigea le pays de 1985 à 1990 n’apparaît plus en treillis militaire, comme il l’avait fait lors des élections de 1990 et promet une «révolution spirituelle».

Le leader historique de la Révolution sandiniste qui renversa la dictature de Anastasio Somoza en 1979 se présente comme le «défenseur des pauvres» dans un pays où près de la moitié de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Aujourd'hui Ortega s'affiche en catholique fervent, évoquant sans cesse dans ses meetings Dieu, Jésus et  feu Jean Paul II. Son leitmotiv de campagne consiste en une citation du défunt pape pendant son voyage au Chili, en 1987, «les pauvres ne peuvent plus attendre».

Les références pontificales d'Ortega font sourire ceux qui se souviennent des condamnations de la révolution sandiniste prononcées par  Jean-Paul lors de son voyage historique en 1983. Dans son homélie à Managua, le pape stigmatisa l’Eglise populaire et le «faux oecuménisme» des chrétiens engagés dans le processus révolutionnaire. Dans la foulée il avait alors éconduit les partisans de la théologie de la libération ce qui avait suscité un profond désarroi parmi les chrétiens des milieux populaires, venus célébrer à la fois leur Révolution et la visite de leur Pape. La veille de cette grande messe du Pape, les Nicaraguayens enterraient les premières victimes des Contras (les contre-révolutionnaires) soutenus par les Etats-Unis.

Vingt ans plus tard et après trois échecs aux précédentes élections présidentielles (1990, 1996 et 2001), Daniel Ortega ne veut pas rater une élection de plus. Ses anciens amis politiques, qui ont rompu avec lui dans les années quatre-vingt-dix, ont créé leur propre parti, le Mouvement du renouveau sandiniste (MRS). Ils soutiennent le candidat Edmundo Jarquin, crédité de 10% des voix. Ils accusent Daniel Ortega d’être prêt à tout pour gagner la présidence et lui reprochent le vote d’une loi qui pénalise l’avortement.

Le Congrès du Nicaragua a en effet approuvé le 26 octobre dernier une loi sanctionnant très lourdement les femmes et les médecins impliqués dans un avortement, y compris s'il s'agit d'un acte thérapeutique destiné à prévenir une issue fatale ou bien en cas de viol. Le temps du jeune révolutionnaire Ortega est bien révolu. Il a été un ardent défenseur de cette loi.

Daniel Ortega sait que son avenir politique se joue ce dimanche. La récente réforme électorale lui permet une victoire au premier tour, mais pour cela il doit obtenir 35% des voix et disposer de cinq points d’avance. Or les dernières sondages le créditent de 34% des intentions de vote. Il voit donc la présidence à portée de main, face à une droite divisée qui présente deux candidats à ce premier tour: Eduardo Montealegre, de l’Alliance libérale nicaraguayenne (ALN) et José Rizo candidat du Parti libéral constitutionnel (PLC).

Bush et Chavez se disputent le Nicaragua

Les Etats-Unis, qui se sont toujours mêlés de la politique nicaraguayenne, n’ont pas réussi à unir les candidats de droite. Ils ont ouvertement misé sur Montealegre, un admirateur de l’ancien président américain Ronald Reagan. Washington a fait savoir que relations diplomatiques et économiques entre les deux pays pâtiraient d’une victoire d’Ortega, accusant par ailleurs le président vénézuélien Hugo Chavez de s'ingérer dans cette bataille électorale.

Au mois d’avril dernier Chavez avait invité Ortega dans son émission télévisée hebdomadaire. «Je ne devrais pas dire que je souhaite ta victoire (…) mais je souhaite ta victoire» a-t-il lancé en lui donnant l'accolade. Pour sceller leur amitié, les deux  hommes avaient du reste conclu un accord prévoyant la livraison par le Venezuela de 10 millions de barils de pétrole raffiné par an au Nicaragua. Et cela, à un prix inférieur à celui du marché international et avec des facilités de paiement.

En octobre, plusieurs centaines de milliers de barils de fioul vénézuélien ont été livrés au Nicaragua. Un mois plus tôt, un vieux cargo nord coréen affrêté par Chavez avait débarqué au port de Corinto, sur la côte Pacifique du Nicaragua, avec 8 000 tonnes d’engrais destinés aux paysans nicaraguayens qui les ont payé à des prix inférieurs aux cours du marché. Des gestes qui irritent profondément Washington qui ne supporte pas l'influence de Chavez sur son terrain de jeu.

Ces menaces de l’oncle Sam ne doivent pas être prises à la légère. Daniel Ortega est bien placé pour le savoir. Lui et son parti, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) se souviennent comment, de 1982 à 1989, les Etats-Unis ont formé, armé et financé les Contras. Les fonds tirés d'un trafic d'armes avec l'Iran avaient entretenu une guerre civile qui a fait des dizaines de milliers de morts. Des pages sombres finalement révélées lors du scandale de l'Irangate. Vingt ans plus tard, Washington conserve visiblement entiers ses griefs à l'encontre d'Ortega.



par Elisa  Drago

Article publié le 04/11/2006 Dernière mise à jour le 04/11/2006 à 18:23 TU

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