Madagascar
La mutinerie a tourné court
(Photo : AFP)
Une fusillade sur la base aéronavale d’Ivato près d’Antananarivo a fait un mort samedi et a semé la confusion pendant plusieurs heures, à deux semaines de la présidentielles. Les Forces spéciales gouvernementales tentaient de reprendre le contrôle de la Base où s’était retranché un Général mutin.
De notre correspondante à Antananarivo
Tout a commencé à 4h30 (01h30 TU) samedi matin. Les Forces spéciales, composées de militaires, de gendarmes et de policiers, sont intervenus sur la Base Aéronavale d’Ivato pour déloger le Général Fidy et ses hommes. La fusillade, qui a duré trois quarts d’heure, a fait un mort parmi les militaires et un blessé. Les forces de l’ordre affirment avoir repris la Base après cette fusillade, mais le Général mutin s’est lui enfui.
Sans affectation et en disponibilité de l’armée, le Général Randrianafidisoa, surnommé le « Général Fidy », avait lancé vendredi un appel aux militaires pour chasser le président Marc Ravalomanana du pouvoir. Car il estime que les élections présidentielles du 3 décembre prochain ne sont pas légales si le chef de l’Etat ne démissionne pas avant. Avec quelques hommes, le Général Fidy avait donc essayé de pénétrer, sans succès, dans l’enceinte du Ministère de la Défense en ville. Puis il s’était retranché vendredi soir avec ses hommes sur la Base Aéronavale qui jouxte l’aéroport international d’Antananarivo.
La mutinerie n’a donc pas duré longtemps. L’intervention des Forces spéciales à 4h30 a fait fuir le Général, mais elle a aussi provoqué quelques heures de troubles à l’aéroport. Deux avions grande ligne, en provenance de Paris et Bangkok, qui devaient arriver au petit matin ont été déroutés vers Mahajanga et Nosy-Be. Celui de Paris avait à son bord le président Marc Ravalomamana qui a profité de cette escale inopinée à Mahajanga pour quitter l’appareil et rester dans la Cité des Fleurs pour tenir son meeting prévu justement dans l’après-midi. En début de matinée les deux avions ont finalement pu rejoindre sans encombre Antananarivo. Car le calme est revenu très vite sur la Base et dans l’aéroport.
Le Général Fidy libre de ses mouvements
Le Général Randrianafidisoa lui est toujours en liberté à Antananarivo et se cache à peine. Il s’est rendu hier soir à la veillée d’armes pour le soldat décédé dans la fusillade, et il continue de circuler librement dans la capitale aujourd’hui. Joint au téléphone il affirme que les militaires de la Base Aéronavale sont encore acquis à sa cause et qu’il leur a demandé de se tenir tranquille.
De son côté l’armée dit, au contraire, avoir le contrôle de cette base et le Ministre de la Sécurité Publique, Lucien Victor Razakanirina, se dit toujours très déterminé à arrêter le Général mutin dans les prochains jours, soulignant - curieusement - les difficultés de ses services à le localiser. Selon le Ministre de la Sécurité Publique, le Général Fidy a plusieurs domiciles, il est très mobile grâce à ses motos et fuit les forces de l’ordre.
A deux semaines du premier tour de la présidentielle, cette tentative de coup de force semble donc isolée et ressemble à un coup d’éclat personnel. En effet l’armée n’a pas suivi l’appel à la mutinerie et les différents mouvements d’opposition restent prudents avec la personnalité du Général Fidy, même s’ils se reconnaissent dans son discours anti-régime.
Ainsi 6 des 14 candidats en lice ont créé il y a une semaine une Plateforme pour réclamer – comme les mutins de la Base Aéronavale - le départ du chef de l’Etat avant l’élection et l’organisation d’un scrutin juste, libre et transparent. Dans un communiqué rendu public hier, cette Plateforme a lancé un appel pour que chacun soutienne les initiatives visant à rétablir la légalité, sans soutenir nommément le Général Fidy. La Plateforme des 6 candidats souligne aussi que «c’est le comportement anti-démocratique du Chef de l’Etat qui conduit à ce genre de coup de force».
Plus de 24h après l’appel à la mutinerie et la fusillade, il est très difficile de savoir qui soutient le Général Fidy et quels étaient les véritables objectifs de cette opération. Aujourd’hui de nombreuses zones d’ombre apparaissent dans cette affaire, entre l’apparente liberté du Général mutin, les curieuses difficultés du régime à l’arrêter et la prudence de l’opposition.
par Stéphanie Pailler
Article publié le 19/11/2006 Dernière mise à jour le 19/11/2006 à 11:59 TU