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Pays-Bas

Au pays du repli

Quatre ans après la vague Pim Fortuyn, la droite populiste a quasiment disparu du paysage politique néerlandais. L’essentiel de son programme, qui visait à mettre un point d’arrêt à l’immigration, a été adopté par le gouvernement sortant. Durant la campagne précédant les législatives de ce 22 novembre, les débats n’ont porté ni sur l’intégration, ni sur l’Europe, mais sur les retraites, les impôts et l’Etat providence.

De notre correspondante aux Pays-Bas

La page est tournée. Quatre ans après le meurtre de Pim Fortuyn, leader de droite populiste alors en pleine ascension, le choc paraît digéré. En dehors des écologistes de Groenlinks, aucun parti ne défend plus le modèle d’intégration «multiculturel» tant décrié par Pim Fortuyn. L’immigration, sujet central de la vie politique hollandaise en 2002, ne fait plus débat. La gauche a bien proposé la régularisation de quelque 35 000 déboutés du droit d’asile qui résident dans le pays depuis plus de cinq ans, mais le thème est resté marginal.

L'Hollandais, Wouter Bos, tête de liste du Parti du travail (PVDA) 

		(Photo : AFP)
L'Hollandais, Wouter Bos, tête de liste du Parti du travail (PVDA)
(Photo : AFP)

Et pour cause : 75 % des Néerlandais, à en croire les sondages, sont satisfaits de la politique d’extrême fermeté menée par Rita Verdonk. Cette ancienne directrice de prison, devenue ministre de l’Intégration en 2003, a mis un coup d’arrêt à l’immigration, comme le préconisait Pim Fortuyn. Jadis connus pour leur tolérance, les Pays-Bas font désormais partie des pays d’Europe ayant les règles les plus strictes en matière d’immigration.

Le gouvernement sur les pas de la droite populiste

A cinq jours de la date du scrutin, le gouvernement persistait dans la même voie, annonçant l’interdiction prochaine de la burqa, le voile intégral, porté par moins de 100 femmes aux Pays-Bas. «Une mesure à portée éminemment symbolique», commente le sociologue Dick Pels, dans un pays où la classe politique n’ose pas encore toucher au foulard islamique, un accessoire vestimentaire qu’une majorité de Néerlandais voudraient pourtant voir interdit dans les administrations.

Du coup, la droite populiste, se cherche une raison d’être. La Liste Pim Fortuyn (LPF), qui avait raflé 17 % des suffrages et 26 sièges sur 150 à la seconde chambre du Parlement, le 15 mai 2002, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ses héritiers sont divisés entre quatre petits partis et crédités d’un total de 6 sièges au Parlement.

Dans les polders, il n’est plus question que d’argent. Ces trois dernières années, les Pays-Bas ont vu la pauvreté augmenter, passant de 9 % à 11 % des ménages. Aussi la campagne s’est-elle polarisée sur les questions économiques et la réforme de l’Etat-providence. A l’initiative des écologistes, un «manifeste social» a été publié le 1er novembre dans le quotidien De Volkskrant par seize millionnaires trouvant inadmissible que le fossé entre riches et pauvres se soit creusé. Les signataires, parmi lesquels l’écrivain Geert Mak et le footballeur Khalid Boulahrouz, se sont déclarés prêts à payer plus d’impôts pour aider les moins nantis.

Le social en régression

Le Premier ministre des Pays-Bas, Jan Peter Balkenende de l'Appel chrétien--démocrate (CDA) 

		(Photo : AFP)
Le Premier ministre des Pays-Bas, Jan Peter Balkenende de l'Appel chrétien--démocrate (CDA)
(Photo : AFP)

Sur le plan social, le gouvernement de centre-droit de Jan Peter Balkenende a pris une série de mesures drastiques ces dernières années, supprimant les préretraites et diminuant la période d’indemnisation du chômage. Le Premier ministre sortant est même entré en campagne en promettant le retour à la semaine de travail de 40 heures (contre 36 aujourd’hui) pour permettre de mieux financer les retraites. Les adversaires du parti au pouvoir, les sociaux-démocrates du Parti du travail (PVDA), ont joué sur le même registre, en promettant d’imposer aux retraités eux-mêmes de continuer à cotiser pour les retraites. L’opposition veut également limiter la déductibilité de l’impôt sur le revenu concernant les intérêts remboursés aux banques dans le cadre d’emprunts immobiliers. Du coup, le PVDA s’est mis à dos les personnes âgées et les propriétaires (le tiers des ménages néerlandais). La cote de popularité de son leader, Wouter Bos, n’a cessé de chuter.

A la veille du scrutin, alors que le tiers des électeurs néerlandais ne sait pas encore pour quel parti voter, le dénouement s’annonce pour le moins incertain. L’Appel chrétien-démocrate (CDA), au pouvoir depuis 2003, est crédité de 42 sièges dans un sondage réalisé par l’institut Maurice de Hond, sondage publié le 20 novembre. La même enquête d’opinion en attribue 39 sièges aux travaillistes du PVDA. Les tractations qui suivront les législatives pour former une coalition gouvernementale pourraient durer plusieurs mois.

 En plein essor, le Parti socialiste (SP) de Jan Marijnissen, qui milite contre l’Europe, contre le libéralisme et pour des restrictions à l’immigration des Polonais, rêve d’une coalition de gauche avec le PVDA et Groenlinks. Portés par l’actuelle reprise économique, le CDA et les conservateurs du Parti du peuple et de la liberté (VVD) s’apprêtent de leur côté à renouveler leur alliance pour quatre ans.



par Sabine  Cessou

Article publié le 21/11/2006 Dernière mise à jour le 21/11/2006 à 15:28 TU