Mauritanie
Des résultats en demi-teintes au premier tour
(Photo : AFP)
Le ministère de l'Intérieur a diffusé ce mercredi soir les résultats provisoires complets des législatives et des municipales de ce dimanche. Le taux de participation est de 73 %. Le taux de bulletins nuls très élevé, entre 10 et 20 % selon les scrutins. La moitié des députés seulement a été désignée au premier tour, avec pour l'instant un émiettement du vote sans majorité très claire. Huit femmes ont été élues sur les 43 députés déjà désignés grâce au quota de femmes obligatoire sur les listes parlementaires, instauré par les militaires au pouvoir.
De notre correspondante à Nouakchott
Il faudra attendre le deuxième tour du 3 décembre pour connaître le nouveau visage de la future assemblée mauritanienne. 33 circonscriptions sur 45 sont en ballottage. Dans la majorité des cas, le duel aura lieu entre un candidat de parti et un indépendant. La coalition de l'opposition à l'ancien régime a déjà gagné 26 sièges au Parlement sur les 43 désignés et confirme sa présence dans la capitale où elle devrait hériter des 9 communes, après la désignation des maires par les conseillers dans les prochains jours. Le Rassemblement des forces démocratique de l’opposant historique Ahmed Ould Daddah arrive en tête des partis politiques mais n’obtient pas de majorité.
Les partis politiques obtiennent 63% des sièges des 3 688 conseillers municipaux, le reste revenant aux candidats indépendants qui avaient présenté plus d’un quart des listes. Ces indépendants qui brouillent aujourd’hui la lisibilité des résultats, regroupent les islamistes, les dissidents de certains partis et des indépendants nés en septembre dernier, suite à une présumée consigne des autorités désireuses de créer une nouvelle force hors des partis.
Le colonel Ely Ould Mohamed Vall a néanmoins toujours démenti cette ingérence dans le jeu politique qui lui est reprochée. Ces indépendants d’un nouveau genre sont regroupés au sein du Rassemblement des indépendants, un mouvement évoquant un embryon de parti politique. Leur positionnement devrait se préciser à l’issue du deuxième tour, dans la perspective des présidentielles de mars 2007.
Deux anciens putschiste entrent au Parlement
Parmi les nouvelles figures qui font leur entrée au Parlement, on remarque l’ex-commandant Saleh Ould Hannena, qui avait fait trembler le régime Ould Taya en juin 2003. Condamné à la perpétuité en février 2005 il a été libéré à la faveur de l’amnistie générale décrétée après le coup d’Etat du 3 août 2005 et s’est lancé en politique en créant le parti Hatem. Autre acteur majeur de ce putsch manqué, ayant écopé de la même condamnation, Abderahmane Ould Mini a obtenu lui aussi un siège de député au premier tour.
Les islamistes gagnent du terrain avec déjà 2 députés. Ils ont également remporté trois des neuf mairies de la capitale situées dans des quartiers périphériques populaires, Aarafat, Toujounine, Dar Naïm. Sous l’étiquette de «Réformateurs centristes», ils ont mené une campagne méticuleuse, encadrant au plus près leurs éventuels électeurs jusqu’au jour du vote. Leur percée est loin d’être négligeable, d’autant que sans parti, ils n’ont pu mener d’activité publique légale que dans le cadre de la campagne électorale de quinze jours.
Premier enseignement de ce scrutin, l’ancien système est loin d’avoir disparu. Les barons de l’ancien régime et les notabilités, relais traditionnel du pouvoir à l’intérieur du pays restent très présents dans les zones rurales, que ce soit sous leur nouveau label «d’indépendants», ou sous celui de l’ancien parti-Etat le PRDS, aujourd’hui renommé PRDR, Parti républicain pour la démocratie et le renouveau.
Le déroulement de ce premier scrutin de la transition a été salué par la majorité de la classe politique et des observateurs étrangers. L’organisation de la francophonie, représentée par une vingtaine d’observateurs s’est félicitée de la neutralité observée par l’administration. «Les élections se sont déroulées dans le calme et dans un climat de liberté», souligne de son côté la mission d’observation européenne qui relève cependant des procédures imparfaites qui méritent d’être améliorées et mieux maîtrisées par les agents électoraux.
La mission européenne pointe le nombre anormalement élevé de bulletins nuls dû en grande partie à des modalités de marquage trop restrictives et à une interprétation au moment dépouillement trop sévère. Celui-ci avoisine les 10 % pour les municipales et les législatives, mais grimpe bizarrement à plus de 17 % pour la liste nationale des députés, le troisième des scrutins.
par Marie-Pierre Olphand
Article publié le 23/11/2006 Dernière mise à jour le 23/11/2006 à 10:59 TU