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Liban

Démonstration de force de l’opposition

Après des semaines de crise politique, des centaines de milliers de personnes ont manifesté, vendredi, dans le centre de Beyrouth, à l'appel de l'opposition menée par le Hezbollah pro-syrien. Dans une ambiance tendue, la foule, rassemblée devant un palais du gouvernement placé sous haute surveillance, a réclamé la démission du gouvernement de Fouad Siniora, soutenu par les Occidentaux. A l’issue du rassemblement, des manifestants ont bloqué, dans la soirée, toutes les rues menant au siège du gouvernement où ils dressaient des tentes pour y passer la nuit.

A Beyrouth, des centaines de milliers de personnes ont défilé ce vendredi 1er décembre à l'appel de l'opposition menée par le Hezbollah pro-syrien et son allié chrétien Michel Aoun.
 

		(Photo: AFP)
A Beyrouth, des centaines de milliers de personnes ont défilé ce vendredi 1er décembre à l'appel de l'opposition menée par le Hezbollah pro-syrien et son allié chrétien Michel Aoun.
(Photo: AFP)

Appliquant des consignes de sécurité maximale en vue de la manifestation qui s'annonçait à haut risque, des centaines de soldats et policiers d'élite, appuyés par des dizaines de blindés, étaient déployés, vendredi matin, autour du palais du gouvernement. Le bâtiment où, selon une source gouvernementale, se trouvaient toujours, dans la soirée, plusieurs membres du cabinet dont le Premier ministre Fouad Siniora, était entouré de barbelés de près de deux mètres de haut.

Dans l’après-midi, des centaines de milliers de personnes ont afflué devant le bâtiment, agitant des drapeaux libanais, rouges et blancs frappés du cèdre vert. Les manifestants scandaient « Siniora va t'en ! », « Mort à l'Amérique, mort à Israël ! » et brandissaient des banderoles proclamant « Nous voulons un gouvernement propre », ou encore « Unité nationale ».

La foule était maintenue à une distance de 150 mètres environ du palais du gouvernement par des cordons de soldats, tandis que le puissant service d’ordre du Hezbollah, une rangée d'hommes en civil, au coude à coude, séparait les militaires de la marée humaine. Le parti chiite, mouvement politique très structuré à l’organisation toute militaire, avait annoncé qu'il mobiliserait des milliers d'hommes pour assurer l’ordre.

Une estrade derrière une vitre pare-balles

Le camp de l'opposition, comme celui de la majorité anti-syrienne, avait multiplié les appels au calme avant cette manifestation, alors que la crise politique qui paralyse le pays a connu ces derniers jours une dangereuse escalade. Jeudi, le dispositif militaire mis en place depuis l'assassinat, le 21 novembre, du ministre chrétien Pierre Gemayel, avait été renforcé et vendredi, les chars de l'armée étaient déployés en force dans la capitale.

Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, toujours réfugié dans la clandestinité, avait appelé jeudi « tous les Libanais, de toutes les régions et de tous les courants politiques, à participer à la manifestation populaire, pacifique et civilisée de vendredi ». Son allié, le général Michel Aoun, chef de l'opposition chrétienne, qui avait lancé la veille un appel similaire, a pris la parole sur une estrade derrière une vitre pare-balles. Le chef du Courant patriotique libre (CPL) a demandé au Premier ministre et à tout le gouvernement, « qui ont commis beaucoup d'erreurs, de démissionner ». Acclamé par la foule, il a lancé : « Ce gouvernement a fait de la corruption une ligne de conduite ».

Le mouvement chiite Amal et des partisans du président pro-syrien Emile Lahoud participaient, eux aussi, à la manifestation. Ce rassemblement, ponctué de l'hymne national libanais, devait être suivi d'un sit-in d'une durée illimitée pour obtenir le départ du gouvernement. Des tentes ont été dressées sur l'une des places du centre de Beyrouth, comme au printemps 2005 lorsque les partisans de Rafic Hariri, l'ancien Premier ministre assassiné, s'étaient mobilisés jour et nuit pour réclamer le départ des troupes syriennes du Liban.

Fouad Siniora « ne cédera pas »

Cette manifestation, qui survient après des semaines d'une crise qui paralyse les institutions du pays, a pour objectif proclamé de faire tomber le gouvernement de Fouad Siniora, issu de la majorité parlementaire anti-syrienne au pouvoir depuis les élections de mai-juin 2005 et de provoquer des élections législatives anticipées. Fouad Siniora avait prévenu, jeudi, que son gouvernement « ne cèderait pas » aux tentatives de rétablir la « tutelle » étrangère sur le Liban, une allusion aux quelque 30 ans de présence syrienne (1976-2005) qui ont pris fin en avril 2005 sous la pression de la rue et de la communauté internationale.

Le camp anti-syrien accuse Damas de vouloir rétablir sa tutelle sur le Liban et de tenter de saborder le projet de tribunal international pour juger les assassins de Rafic Hariri, tué à Beyrouth le 14 février 2005. Des responsables syriens et libanais ont été mis en cause dans cet attentat, mais Damas a toujours protesté de son innocence.

Depuis plusieurs semaines, le Hezbollah, soutenu par la Syrie et l'Iran, réclame pour lui et ses alliés chrétiens une place accrue au sein du gouvernement, dont cinq ministres chiites et un sixième pro-syrien ont claqué la porte en accusant la majorité anti-syrienne d'accaparer le pouvoir. En conséquence, la légitimité du gouvernement n'est plus reconnue, ni par le chef de l'Etat, ni par le président du Parlement, Nabih Berry, deux proches de Damas.

Les tensions se sont encore aggravées après l'assassinat de Pierre Gemayel, pour lequel les dirigeants de la majorité ont une nouvelle fois mis en cause la responsabilité de la Syrie. La majorité avait transformé les obsèques du ministre, le 23 novembre à Beyrouth, en un immense rassemblement contre le régime de Damas.



par Philippe  Quillerier (avec AFP)

Article publié le 01/12/2006 Dernière mise à jour le 01/12/2006 à 16:06 TU

Audio

Frédéric Domont

Envoyé spécial permanent de RFI au Liban

«Le nombre des manifestants est impressionnant.»

[02/12/2006]

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