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Liban

L’opposition plus déterminée que jamais

Le blocage restait total, au troisième jour du vaste mouvement de protestation lancé par l’opposition libanaise pour faire tomber le gouvernement. Dimanche, plusieurs centaines de milliers de personnes, dont une grande partie de chrétiens, se sont rassemblées dans le centre de Beyrouth pour réclamer le départ du Premier ministre, Fouad Siniora.

La foule compacte des opposants au gouvernement Siniora occupe toute la place Riad Solh de Beyrouth, située à 150 mètres de la colline du Grand Sérail. 

		(Photo: AFP)
La foule compacte des opposants au gouvernement Siniora occupe toute la place Riad Solh de Beyrouth, située à 150 mètres de la colline du Grand Sérail.
(Photo: AFP)

De notre correspondant à Beyrouth

Des images inédites que les Libanais n’avaient plus vues depuis longtemps. Un militant du Hezbollah brandissant un portrait du général chrétien Michel Aoun ou une jeune femme au décolleté généreux, arborant sur sa poitrine un pins à l’effigie de Hassan Nasrallah. L’opposition libanaise a affiché, dimanche, sa diversité communautaire, en réaction aux propos des membres du gouvernement qui affirment que l’écrasante majorité des protestataires est chiite.

Pour la troisième journée consécutive, l’opposition a rassemblé une foule immense dans le centre de Beyrouth. Les deux plus grandes places de la capitale, où plus de 500 tentes ont été installées dans le cadre du sit-in illimité, étaient noires de monde. Plusieurs centaines de milliers de personnes, dont une grande partie de chrétiens, ont répondu à l’appel du général Michel Aoun, du Hezbollah et du leader des maronites du Nord-Liban, l’ancien ministre Sleimane Frangié. Prenant la parole devant la foule survoltée, ce dernier a réclamé la démission du Premier ministre, Fouad Siniora, soutenu par la France, les Etats-Unis et les pays arabes alliés de Washington, et la formation d’un cabinet d’union nationale. 

Dans la matinée, des milliers de chrétiens membres de l’opposition avaient assisté à une messe organisée à l’appel du Courant patriotique libre (CPL) du général Aoun dans la cathédrale Saint-Georges, dans le centre-ville. Un centre-ville totalement paralysé depuis vendredi, premier jour du mouvement de protestation, que l’opposition se promet de poursuivre jusqu’au départ du gouvernement actuel qu’elle qualifie d’«anticonstitutionnel», depuis la démission de tous les ministres chiites.

La Constitution libanaise stipule dans son préambule que «tout pouvoir qui ne respecte par le principe de la coexistence (entre les différentes communautés religieuses) n’est pas légitime». L’article 95 de la loi fondamentale précise, quant à lui, que toutes les communautés doivent être représentées au sein du Conseil des ministres.

Pendant ce temps, Fouad Siniora et une partie de son gouvernement amputé de six ministres démissionnaires, sont retranchés dans le Grand Sérail, une imposante bâtisse de style ottoman juchée sur une petite colline, à cent mètres des tentes des manifestants. Dans ses bureaux, le Premier ministre continue de recevoir des visiteurs étrangers et des délégations venus lui apporter son soutien.

Dans la matinée, une messe a été célébrée au Grand sérail à la mémoire du ministre de l’Industrie, Pierre Gemayel, assassiné le 21 novembre, en présence des chefs de la coalition pro-américaine du 14 mars au pouvoir. L’armée libanaise a déployé des hommes, des blindés et plusieurs rangées de fils barbelés pour empêcher les partisans de l’opposition de s’approcher trop près du Grand Sérail.

Un gouvernement appuyé par l’étranger

Malgré le vaste mouvement de protestation, la coalition du 14 mars a souligné sa détermination à faire face «à ce coup d'Etat et à protéger le Liban». Fouad Siniora a affirmé que son gouvernement resterait en place et a appelé au dialogue. Une délégation du 14 mars s’est rendue dans la matinée chez le président du Parlement, Nabih Berry, dernier chef de l’opposition à avoir encore des contacts avec le pouvoir.

Mais la réunion n’a visiblement abouti à rien de concret, puisque Sleimane Frangié a prononcé, devant les manifestants, un discours incendiaire alors qu’il venait directement de chez M. Berry qui l’a informé des propositions faites par le gouvernement.

Bien qu’affaibli, le gouvernement reste appuyé par les pays occidentaux et arabes. Présents samedi à Beyrouth, les chefs de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier, et britannique Margaret Beckett, ont exprimé leur soutien au gouvernement «démocratiquement élu» de M. Siniora. Rejetant toute intervention étrangère dans les affaires du Liban, M. Steinmeier a mis en garde contre «tout acte pouvant conduire à la déstabilisation du pays».

Dans un communiqué, le cabinet de Fouad Siniora a précisé que le Premier ministre avait reçu un appel téléphonique de la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, qui l'avait assuré de son soutien. L’administration américaine avait qualifié les manifestations de l’opposition d’«actes de violence et d’intimidation». Il y a 18 mois, cette même administration avait salué le mouvement populaire qui avait conduit au retrait des troupes syriennes, le qualifiant de «révolution démocratique».

Le président égyptien, Hosni Moubarak, a également critiqué les manifestations, mettant en garde contre des ingérences étrangères qui risquent de «détruire» le Liban. «Ce que je redoute, c'est que si les manifestations continuent, et prennent un caractère sectaire, les partisans des différentes communautés, en dehors du Liban, ne viennent participer à l'agitation et que la situation échappe à tout contrôle, surtout si elle perdure», a dit Moubarak à la presse. «Et le résultat, ce sera la transformation du Liban en un champ de bataille. Le pays sera détruit et il ira à sa perte».

A Damas, le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Mekdad, a clairement exprimé son soutien à la formation d'un «gouvernement d'union nationale», revendiquée par l'opposition.

Alors que la crise politique ne montre aucun signe d'apaisement, les Libanais espèrent que le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, arrivé dans l'après-midi à Beyrouth, pourra débloquer la situation. Un déblocage qui devient impératif après les incidents qui ont éclaté, en fin d’après-midi, entre des partisans des deux bords dans le quartier sunnite de Kaskas, non loin de la banlieue sud chiite de Beyrouth.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 03/12/2006 Dernière mise à jour le 03/12/2006 à 18:05 TU

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Paul Khalifeh

Correspondant de RFI à Beyrouth

«Les protagonistes de la crise campent sur leurs positions.»

[03/12/2006]

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