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Justice internationale

Le Darfour devant la CPI d'ici février

Luis Moreno Ocampo, procureur de la Cour pénale internationale : «<em>La participation du Soudan dans ce processus est importante pour assurer une enquête impartiale</em>». 

		(Photo : AFP)
Luis Moreno Ocampo, procureur de la Cour pénale internationale : «La participation du Soudan dans ce processus est importante pour assurer une enquête impartiale».
(Photo : AFP)
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, a présenté, jeudi, son quatrième rapport d’étape sur le Darfour devant le Conseil de sécurité des Nations unies à New York. Il a annoncé qu’il soumettrait sa première enquête aux juges de la Cour d’ici février 2007.

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, avance avec une prudence de diplomate sur le terrain miné du Darfour soudanais. Devant le Conseil de sécurité, en présentant son quatrième rapport d’étape sur les crimes commis dans cette province de l’ouest du Soudan, le procureur Ocampo a annoncé qu'il allait boucler sa première enquête d’ici février et soumettre l’affaire aux juges de la CPI. Il pourrait alors étayer des accusations contre plusieurs personnes pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre résultant de persécutions, de tortures, de meurtres et de viols commis en 2003 et 2004.

Les 70 missions du procureur

Saisi le 31 mars 2005 par le Conseil de sécurité, suite aux conclusions de la Commission d’enquête internationale qui établissait que des crimes contre l’humanité étaient commis au Darfour et présentait une liste confidentielle de 51 responsables présumés, le procureur n’a jusqu'ici jamais mené d'enquêtes sur les sites des crimes. Mais il a conduit plus de 70 missions dans 17 pays différents. Luis Moreno Ocampo explique aussi qu’il a «consacré des ressources considérables et considéré avec soin la question de l’admissibilité» des poursuites internationales.

La Cour est en effet une instance «du dernier ressort», souligne le procureur, rappelant que l'instance internationale n’est compétente que lorsque les Etats concernés n’ont pas la volonté ou la possibilité de poursuivre les responsables des crimes. Très au fait de la question, Khartoum avait d'ailleurs, dès la saisine du Conseil de sécurité, immédiatement mis en place une Cour spéciale sensée conduire des procédures au niveau national.

Dans ses précédents rapports, le procureur avait déjà amplement développé son analyse - négative - sur les juridictions soudanaises. Le parquet a d'ailleurs mené à cet effet quatre missions au Soudan. Jusqu’ici, «les indications ne semblent pas rendre les poursuites de la Cour inadmissibles» a-t-il dit. Prudent dans ses relations avec Khartoum, dont il attend la coopération pour conduire ses enquêtes et arrêter de futurs suspects, le procureur a rappelé que son évaluation «est destinée à savoir si oui ou non le gouvernement du Soudan a entrepris de véritables démarches par rapport aux cas choisis par mon bureau».

Le procureur pense pouvoir se faire une opinion après une nouvelle mission à Khartoum, en janvier. Sa prudence suscite des critiques. «Il n’appartient pas au procureur de déterminer si le Soudan a les moyens ou la volonté d’engager des poursuites», proteste ainsi le conseiller juridique d’un Etat européen, «mais c'est à l’Etat en question d’en apporter la preuve».

Les compétences de la CPI

Dans son allocution, le procureur s’est inquiété de l’extension du conflit du Darfour aux frontières voisines de Centrafrique et du Tchad. Il rappelle que N'Djamena vient de ratifier le traité de la Cour, (portant à 104 le nombre d’Etats parties au traité). Indépendante de l’Onu, la Cour est compétente pour poursuivre les ressortissants d’Etats qui ont ratifié son traité ou les responsables des crimes commis sur leur territoire, ou encore sur saisine du Conseil de sécurité.

Malgré l’opposition de Washington à cette juridiction internationale, les Etats-Unis s’était abstenus lors du vote de la saisine du procureur sur le Darfour, où le conflit, enclenché en 2003, aurait fait, selon l’Onu, quelque 200 000 morts et 2,5 millions de déplacés. Depuis deux ans, les déclarations alarmistes d’Etats ou d’ONG n’ont pas enrayé la machine. Le Soudan, soutenu notamment par la Chine refuse la présence de toute force onusienne sur son territoire.

Dans un communiqué, les organisations Human Rights Watch et International Crisis Group, qui appellent à des pressions économiques, militaires et légales sur le Soudan, ont demandé à la Cour de «menacer de sanctions énergiques les crimes atroces qui seraient commis dans le futur et de maintenir une pression légale sur le régime de Khartoum». Mais malgré les critiques, le procureur ne semble pas prêt à une confrontation avec Khartoum. «La participation du Soudan dans ce processus est importante pour assurer une enquête impartiale et une vue aussi balancée que possible des événements au Darfour», a-t-il insisté dans son discours de New York. Pour l’heure, le procureur n’accuse pas encore.



par Stéphanie  Maupas

Article publié le 15/12/2006 Dernière mise à jour le 15/12/2006 à 11:13 TU

Dossiers

Dossier spécial - Soudan: crimes contre l'humanité au Darfour 

		(photo AFP, montage RFI)

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Luis Moreno Ocampo

Procureur de la Cour pénale internationale (CPI)

«Nous sommes prêts à juger les premières affaires [de crimes ayant eu lieu au Darfour]»

[15/12/2006]

Reed Brody

Conseiller juridique chargé de l'Afrique à Human Rights Watch

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