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Soudan

Mission d'experts au Darfour

(Carte : RFI)
(Carte : RFI)
Réuni en session extraordinaire à Genève, le Conseil des droits de l’homme de l’Onu a finalement résolu mercredi de dépêcher une mission d'experts de haut-niveau au Darfour, «pour évaluer la situation des droits de l'homme» dans cette région de l’ouest du Soudan où le conflit entre Khartoum et ses rebelles fait rage depuis 2003, propageant la guerre au Tchad et en Centrafrique par le jeu d'alliances tactiques transfrontalières. Une crise régionale que les Anglo-saxons envisageraient désormais de régler par la force.

Finalement, après deux jours de débats acérés, le Conseil des droits de l’homme de l’Onu s'est rendu aux arguments de l’Union européenne qui préconisait l’envoi d’une mission d’experts indépendants au Darfour où les principales ONG occidentales la pressent de «soutenir de nouvelles actions dures contre les hauts dirigeants soudanais pour leur échec à mettre un terme aux abus au Darfour». La mission d'experts décidée mercredi n'entre pas bien sûr dans cette catégorie «d'actions dures». Mais elle est censée rapporter des informations plus percutantes que la délégation des Etats membres du Conseil préconisée à Genève par la délégation algérienne, au nom d'un groupe africain sinon plus sensible aux vues de Khartoum, du moins soucieux de sauvegarder les apparences diplomatiques d'un sujet qui implique plusieurs de ses membres.

Depuis plus de deux semaines, des mouvements rebelles hostiles au président tchadien Idriss Deby Itno, au pouvoir depuis 1990, ont multiplié les attaques dans l’est du Tchad. N’Djamena accuse le gouvernement soudanais de soutenir l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), une coalition hétéroclite d’opposants. Dans le nord de la Centrafrique, l’insécurité entretenue par des «coupeurs de routes» a été amplifiée par la présence de groupes rebelles, dont l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR). Celle-ci a récemment occupé plusieurs localités avant d’être délogée la semaine dernière par l’armée centrafricaine, soutenue militairement par la France qui voit la main de Khartoum derrière ces deux conflits.

Les desseins de Khartoum

«Le terreau des rébellions, c’est la mal-gouvernance, l’impunité et la misère», affirme Me Nganatouwa Goungaye Wanfiyo, le président de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme. De fait, les régimes alliés du Tchadien Idriss Deby et du Centrafricain François Bozizé sont en proie à des crises intestines effectives. Mais, «il n’y aurait pas de conflit au Tchad, et dans une certaine mesure en Centrafrique, sans le Soudan», explique Marc Lavergne, chercheur au CNRS et spécialiste de la région. «Pour schématiser, le gouvernement de Khartoum veut faire tomber les régimes de ses voisins afin d’assurer la stabilité de la région du Darfour.» En effet, selon Khartoum, le Tchad apporte son aide au Front national de rédemption et des rebelles de la région appartiennent à l’ethnie zagawa, la même que celle du président tchadien Deby Itno…

En soutenant les rebelles centrafricains, Khartoum «tente aussi d’étouffer et d’encercler le Sud-Soudan qui, suite à un référendum, doit se prononcer sur son auto-détermination en 2011. Les Sudistes veulent l’indépendance mais les richesses en eau, en terres fertiles et en pétrole sont au Sud, ce qui gêne le gouvernement soudanais», ajoute Marc Lavergne. «Plus fondamentalement», la déstabilisation de la région prendrait sa source dans «le projet d’expansion du régime militaro-islamiste de Khartoum vers l’Afrique de l’Ouest, pour servir de relais à la stratégie pétrolière chinoise. L’idée serait de relier par des pipelines le golfe de Guinée à la mer Rouge…»

Vers une action militaire anglo-saxonne ?

C’est bien le pétrole soudanais qui est au cœur de cette crise régionale. Et, sur ce volet, les Etats-Unis montrent des signes d’impatience. Le Financial Times (FT) rapporte d’ailleurs dans son édition de mercredi que la planification d’opérations militaires auraient déjà commencé côté anglo-saxon. Lors d’une visite à Washington la semaine dernière, le Premier ministre britannique Tony Blair aurait même apporté son soutien à un projet d’interdiction de survol aérien du Darfour et s'apprêterait à demander le soutien des Nations unies sur ce plan. Tony Blair aurait aussi déclaré au président Bush que le cas d’Omar el-Béchir, le chef de l'Etat soudanais, devait être réglé dans les trois prochains mois. Toujours selon le FT, les Etats-Unis auraient aussi réfléchi à des attaques aériennes et à un blocus naval contre le Soudan.

Ce programme musclé soutenu par les Républicains américains, qui veulent s’attaquer au régime islamiste de Khartoum, pourrait aussi recueillir l'adhésion des Démocrates, qui souhaitent mettre fin à la crise humanitaire. De nombreux observateurs jugent cette option peu probable pour le moment, le «syndrome» irakien jouant en faveur d’el-Béchir. En outre, les Etats-Unis aimeraient agir avec le soutien de l’Onu. Or, le veto de la Chine, qui consomme presque les deux tiers de la production pétrolière soudanaise, est inévitable.

Enfin, toujours selon les indiscrétions du Financial Times, les Etats-Unis souhaiteraient aussi obtenir dans cette perspective le soutien de la France, qui aide militairement le Tchad et la Centrafrique. La diplomatie française  affirme n’avoir pas encore été approchée en ce sens. Dans l'immédiat, les Etats-Unis font pression pour que Khartoum accepte le déploiement d’une force conjointe Onu/Union africaine à partir du 1er janvier 2007. La force actuelle de l’Union africaine, sous-financée et sous-équipée, compte 7 000 hommes. Khartoum dit oui au soutien logistique et financier de l’Onu mais non à la présence de Casques bleus sur le terrain.



par Olivia  Marsaud

Article publié le 13/12/2006 Dernière mise à jour le 13/12/2006 à 17:12 TU