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Centrafrique

La France en première ligne

Un des mirage F1 de l'armée française engagée dans le conflit en République Centrafricaine contre la rébellion. 

		(Photo : AFP)
Un des mirage F1 de l'armée française engagée dans le conflit en République Centrafricaine contre la rébellion.
(Photo : AFP)
Paris vient d’annoncer une aide financière exceptionnelle à la Centrafrique, alors que la France soutient déjà militairement le gouvernement depuis dix jours dans sa contre-offensive face aux rebelles du nord-est.

Mardi, la France a accordé à la République centrafricaine (RCA) une aide exceptionnelle d’1 million d’euros, destinée à apurer ses arriérés vis-à-vis de la Banque africaine de développement. Cette somme pourrait aussi encourager le Fonds monétaire international à approuver une Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, au profit du pays. Ce soutien financier vient s’ajouter à un soutien militaire mis en place depuis une dizaine de jours. En effet, les Forces armées centrafricaines (Faca), appuyées par l’armée française, combattent les rebelles de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR). Jusqu’alors inconnue, cette union de différents mouvements rebelles hostiles au régime du général Bozizé s’était emparée, à partir du 30 octobre dernier, des villes de Birao (800 km au nord-est de Bangui, la capitale), Oudda-Djalle, Mouka, Ouaddah et Sam-Ouandja. Pour stopper leur avancée vers la ville minière de Bria (650 km au nord-est de Bangui), une contre-offensive franco-centrafricaine a été lancée le 27 novembre.

Lors de la prise du premier objectif, la ville de Birao, les 27 et 28 novembre, la France a joué un rôle de premier plan : reconnaissance aérienne des Mirage F1 et des avions de patrouille maritime Atlantic II (basés au Tchad), transport des troupes centrafricaines à bord d’avions Transall, sécurisation de la piste de l’aéroport. Depuis cette date, les Mirages ont ouvert le feu plusieurs fois. Des éléments français semblent également être impliqués dans des combats au sol puisqu’un soldat du Groupement des commandos parachutistes (GCP) a été blessé vendredi dernier à Ouadda.

La Fance, « aux côtés de la RCA »

Pour Birao, l’Etat français avait évoqué la « légitime défense ». Liée au gouvernement de Bangui par un accord de défense et soutenant la thèse de la sécurité régionale (partagée par le ministre centrafricain des Affaires étrangères, Côme Zoumara), la France ne devait officiellement, qu’apporter une aide logistique et matérielle à l’armée régulière. Mais il est clair aujourd’hui qu’elle porte à bout de bras l’offensive centrafricaine, après avoir renforcé son dispositif dans le pays (l’opération « Boali ») à la mi-novembre d’une centaine de soldats, portant les effectifs à 300 hommes et utilisant sa base tchadienne de N’Djamena pour faire décoller ses avions de chasse. Officiellement, l’appui aérien aux Faca intervient « quand elles sont accrochées lourdement, à chaque fois qu’elles le demandent », a indiqué le capitaine de vaisseau Christophe Prazuck, porte-parole de l’état-major.

Et le Quai d’Orsay réaffirme que « la France est aux côtés de la RCA et prend parti pour le président et pour les autorités légitimes qui sont confrontés à des mouvements qui veulent les déstabiliser. (…) Nous sommes aux côtés des autorités légitimes qui sont en place et qui défendent leur intégrité territoriale ». Bangui avait sollicité l’aide de la France en juillet dernier, suite à de nombreux revers essuyés par son armée dans le nord, en mai et en juin, dans des localités proches de Birao.

Informations contradictoires

En dix jours, les Faca ont repris Birao, Mouka, Ouaddah, Sam-Puandja et Ndélé. Mardi, le ministère centrafricain de la Défense a annoncé que l’« ordre et la sécurité » étaient « rétablis » dans les régions autour de Ndélé, Birao et Ouadda. D’un côté comme de l’autre, il n’y a aucun bilan des différents combats, et certaines informations sont contradictoires. Ainsi,

Bangui a annoncé mardi avoir « la confirmation que Daman, chef et instigateur de la rébellion a été tué lors des combats de Ndélé et que le chef des rebelles, le capitaine Yao, a également trouvé la mort lors des affrontements avec les Forces armées centrafricaines et les soldats de la Fomuc au nord de Ouadda ». Une nouvelle infirmée par le capitaine Yao, joint par téléphone par l’AFP qui a assuré que le général Daman était également en vie.

L’UFDR, qui compterait seulement quelque 200 hommes, est composée majoritairement d’opposants centrafricains et d’ex-« libérateurs » tchadiens, qui avaient soutenu Bozizé lors de son coup d’Etat en 2003 et lui reprochent aujourd’hui son « ingratitude ». Certains de ces rebelles ont déclaré avoir lancé leur mouvement insurrectionnel pour « protester contre la politique exclusionniste » de Bozizé, l’accusant de favoriser son ethnie mais aussi de détourner les deniers publics, de corruption et de népotisme. L’UFDR s’est déclarée prête à négocier avec le président, qui a jusqu’ici rejeté la forme de dialogue réclamée par les rebelles.

Risques humanitaires

François Bozizé, dès le début de la crise, a accusé le Soudan de soutenir la rébellion, comme au Tchad voisin, ce que dément Khartoum. Pour Martin Ziguele, ancien premier ministre du pays et président du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC, ex-parti au pouvoir), « la crise au Darfour a un effet sur ce qui se passe en Centrafrique car elle permet aux uns et aux autres de se faire livrer des armes ». « Le fond du problème est la question de mal-gouvernance politique, économique et sécuritaire » qui mène « à des blocages politiques » et donne libre cours aux « tentatives de manipulations venues de l’extérieur ». « Des problèmes mal réglés ressurgissent aujourd’hui », assure-t-il, faisant allusion aux ex-« libérateurs ».

Comme toujours, c’est la population civile qui fait les frais des affrontements. Des exactions (pillages, viols, destructions) sont commises par les rebelles comme par l’armée régulière. Des milliers de personnes ont fui leurs villages, à l’intérieur du pays ou dans les pays voisins, et les ONG font état d’une situation de crise humanitaire et de risques de pénurie alimentaire dans certaines localités. Sans compter que le nord-est du pays n’est pas le seul à être touché. Au nord-ouest aussi, la présence de bandits, « coupeurs de routes » et rebelles de l’Armée pour la restauration de la république et de la démocratie (APRD, dirigée par ex-officier de gendarmerie Bedaya N’Djadder) sèment le trouble.

par Olivia  Marsaud

Article publié le 06/12/2006 Dernière mise à jour le 06/12/2006 à 19:13 TU