France
Réforme des impôts : le gouvernement est prêt
(Photo : AFP)
Y’a plus qu’à. Thierry Breton a affirmé que son ministère était «techniquement» prêt à lancer la réforme du prélèvement de l’impôt sur les revenus à la source d’ici deux ans. Depuis son arrivée au ministère de l’Economie et des Finances, il s’y prépare. Pour passer à la phase de mise en œuvre, il n’est plus nécessaire, selon lui, que d’ «ouvrir un débat public». C’est pour cela que le ministre prévoit de désigner un groupe de trois experts qui seront chargés de consulter tous les interlocuteurs utiles : entreprises, partenaires sociaux, caisses de retraite, associations de contribuables, syndicats de Bercy. Ils devraient travailler rapidement de manière à rendre leurs conclusions au ministre d’ici, au plus tard, le début du mois de mars 2007.
Le rapport des experts aura pour but d’étudier les points délicats d’une telle réforme et d’évaluer les réticences. Car la mise en place de la retenue à la source engendrerait une modification complète du fonctionnement fiscal. La première question est de savoir quels revenus seraient concernés par ces prélèvements. Le ministre estime qu’il faudrait appliquer le nouveau système aux revenus salariaux, aux pensions et aux revenus des professions libérales. Mais comment traiter les personnes qui ont des revenus non salariaux, que faire du problème de celles qui jouissent de revenus fonciers ou financiers, comment prendre en compte les différents abattements ? Il paraît difficile de mettre en place un système de prélèvement direct dans tous les cas et il sera forcément nécessaire de procéder à des ajustements suivant les situations particulières.
Des avantages et des inconvénients
La retenue à la source nécessiterait aussi de régler le problème de l’identifiant informatique des contribuables et de la confidentialité des données personnelles. En déléguant le prélèvement de l’impôt aux entreprises, on obligerait en effet chaque salarié à fournir à son employeur un certain nombre de renseignements sur sa situation familiale et personnelle. Par exemple, pour permettre le calcul du quotient familial. Ce point fait partie de ceux qui sont susceptibles de provoquer des réticences. Du point de vue des entreprises, la réforme supposerait des contraintes supplémentaires. Il est donc nécessaire, selon le Medef (organisation représentative du patronat), de mettre en place de manière concomitante des compensations pour ne pas alourdir trop durement la charge des entreprises.
S’il y a des obstacles, il y a aussi des avantages à adopter ce type de fonctionnement. Pour le salarié, il s’agit d’un système plus simple qui lui permet de savoir exactement ce qu’il paie en temps réel. Et dans certains cas, comme celui d’un changement de situation familiale (divorce), par exemple, le casse-tête du règlement des impôts de l’année précédente disparaîtrait de fait. L’Etat gagnerait lui aussi dans cette affaire, en récupérant l’argent plus vite et en évitant une partie des fraudes. Mais surtout en diminuant le nombre de fonctionnaires de l’administration fiscale. C’est ce point qui explique l’opposition très ferme des syndicats face à cette réforme. Car elle irait de pair avec une réduction importante des effectifs.
Un argument électoral
En annonçant en cette fin d’année 2006 son intention de mettre en place la retenue à la source, le gouvernement entend certes montrer qu’il continue à travailler mais veut peut-être aussi séduire les électeurs, en mal de pouvoir d’achat, avant les élections présidentielles. Notamment en leur faisant miroiter le fait d’être dispensés d’impôts sur leurs revenus de 2008. Thierry Breton l’a affirmé, après avoir acquitté leur obole fiscale en 2008 sur les revenus de 2007, les Français basculeraient d’un coup sur le nouveau système en janvier 2009 et paieraient donc directement l’année en cours. Cela signifierait-il qu’une année passerait à la trappe ? Oui. Mais cela ne voudrait pas dire pour autant une année sans paiement d’impôts.
L’annonce du gouvernement n’a pas manqué de provoquer une réaction immédiate des socialistes. Même si le prélèvement à la source fait partie de leur projet électoral, François Hollande, le premier secrétaire du PS, a critiqué, dans une interview au Monde, ce qu’il considère comme une manœuvre : «Il y a de la supercherie électorale à laisser penser que les Français ne paieront pas d’impôt en 2008». Il a aussi pris le contre-pied de la droite en affirmant que si les socialistes arrivent au pouvoir, ils «reviendront sur toutes les baisses d’impôts sur le revenu qui ont été accordées». Il estime même que «tout candidat qui promettra une baisse d’impôts, générale et massive, est soit dans le mensonge, soit dans l’irresponsabilité». Une manière de dénoncer les effets d’annonce de la droite pour laquelle la fiscalité fait partie des thèmes de campagne assez classiques.
Déjà en 2002, Jacques Chirac avait inscrit dans son programme une baisse de 33% sur cinq ans des impôts sur le revenu. Une promesse qui n’a pas été tenue puisque le ministre du Budget, Jean-François Copé, a annoncé au mois de septembre 2006, qu’elle serait au maximum de 20%. Nicolas Sarkozy, lui, ne pourra pas s’entendre reprocher cette réforme car il n’a rien promis. Le prélèvement de l’impôt à la source ne fait pas partie du projet législatif de l’UMP. Cela ne veut pas dire qu’il ne l’appliquera pas s’il est élu.
par Valérie Gas
Article publié le 18/12/2006 Dernière mise à jour le 18/12/2006 à 16:38 TU