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Politique française

Royal qui rit, les antilibéraux qui râlent

Jean-Pierre Chevènement : «<em>C'est en toute conscience que je retire ma candidature au profit de Ségolène Royal&nbsp;pour ouvrir la voie à un dynamisme positif au premier tour</em>». 

		(Photo : AFP)
Jean-Pierre Chevènement : «C'est en toute conscience que je retire ma candidature au profit de Ségolène Royal pour ouvrir la voie à un dynamisme positif au premier tour».
(Photo : AFP)
Jean-Pierre Chevènement a annoncé qu’il renonçait à se présenter à l’élection présidentielle et se ralliait à la candidature de Ségolène Royal. Après avoir réussi le rassemblement interne dans son parti, la voilà maintenant engagée sur la voie de l’union la plus large possible à gauche. La stratégie socialiste qui vise à limiter le nombre des candidatures dans son camp pour éviter un nouvel échec au premier tour semble fonctionner. Reste néanmoins une incertitude qui concerne le mouvement antilibéral dont les représentants n’ont pas encore réussi à se mettre d’accord sur une candidature unitaire.

François Hollande a bien travaillé pour Ségolène Royal. Le Premier secrétaire du Parti socialiste a réussi à conclure un accord avec Jean-Pierre Chevènement pour le convaincre de ne pas maintenir sa candidature à la présidentielle. En échange de 10 circonscriptions et de 6 places de suppléants de candidats socialistes réservées au Mouvement républicain et citoyen (MRC) pour les prochaines législatives, celui-ci a donc accepté d’apporter son soutien à Ségolène Royal. Après l’entente réalisée entre le PS et le Parti radical de gauche (PRG) pour éviter une candidature de Christiane Taubira, le MRC entendait bien tirer lui aussi son épingle du jeu et monnayer son soutien pour obtenir les moyens de retrouver des sièges de députés à l’Assemblée nationale. A défaut d’envoyer son président d’honneur dans la bataille présidentielle.

Le ralliement de Jean-Pierre Chevènement a plusieurs avantages pour Ségolène Royal. Il permet d’abord de réduire le nombre de candidatures à gauche et donc de limiter le risque de dispersion des voix au premier tour. Mais il marque aussi la réconciliation entre la gauche du «oui» à la Constitution européenne et celle du «non», dont l’ancien ministre a été l’une des figures de proue lors du référendum de 2005. Et pour convaincre les électeurs soupçonneux face à de tels retournements qu’il ne s’agit pas d’une «union factice» mais d’une «alliance au long cours», comme l’a dit Ségolène Royal, les deux parties ont fait valoir que cet accord est fondé sur le partage d’un certain nombre de convictions. Au premier rang desquelles la nécessité de «réorienter la construction européenne pour la mettre au service de l’emploi et de la croissance». Par exemple, en luttant contre «l’euro fort». Hasard ou coïncidence, la candidate socialiste a multiplié, ces derniers jours, les déclarations critiques sur le fonctionnement de la Banque centrale européenne. Une position susceptible de séduire le MRC.

Royal-Chevènement : et réciproquement

Mais si Jean-Pierre Chevènement a finalement renoncé, c’est peut-être aussi un peu parce que le Parti socialiste a désigné Ségolène Royal comme candidate. Loin de le prendre à rebrousse-poils, celle-ci n’a eu de cesse de faire valoir l’admiration qu’elle avait pour lui et de rappeler «la joie» qu’elle avait ressentie à faire partie du même gouvernement que lui lorsque Lionel Jospin était Premier ministre. Elle n’a d’ailleurs pas lésiné sur la formule pour manifester sa satisfaction après l’annonce de la décision du président d’honneur du MRC qu’elle a qualifiée de «moment très important pour l’histoire de la gauche».

Avec la dynamique créée par Ségolène Royal et le travail de terrain de François Hollande, le Parti socialiste a donc obtenu des résultats encourageants dans sa stratégie de rassemblement à gauche. Certes, les Verts, la Ligue communiste révolutionnaire, Lutte ouvrière présenteront des candidats. Mais en évitant les candidatures PRG et MRC, l’émiettement sera forcément plus limité qu’en 2002, où les représentants de ces partis avaient recueilli respectivement 2,3% et 5,3% des voix.

La plus grosse inconnue avec laquelle doit donc maintenant jongler Ségolène Royal est celle de la candidature de la gauche antilibérale. Les délégués de ce mouvement, qui étaient réunis les 9 et 10 décembre en Seine-Saint-Denis, n’ont pas réussi à désigner un représentant pour l’élection présidentielle. Marie-George Buffet qui, forte du soutien des collectifs locaux, espérait obtenir l’investiture de la gauche de la gauche, a dû faire un pas en arrière. La secrétaire nationale du Parti communiste s’est heurtée à l’opposition des membres du collectif national qui estiment qu’elle ne peut pas représenter la «diversité» du mouvement antilibéral. Aucune autre candidature, ni celle de Clémentine Autain, ni celle d’Yves Salesse, n’a néanmoins réussi à s’imposer face à elle.

L’impasse chez les antilibéraux profite à Ségolène Royal

Du point de vue des socialistes, une candidature de Marie-George Buffet serait de loin la perspective la plus gérable. François Hollande l’a dit sans faux-fuyants : «Elle a toujours été claire dans sa volonté de permettre à la gauche de gagner». Autrement dit, elle se désistera en faveur de Ségolène Royal au deuxième tour si nécessaire. Le Premier secrétaire a expliqué son point de vue par des arguments très pragmatiques : «Moi je préfère faire confiance aux forces politiques, celles qui existent, celles qui ont des militants, des électeurs, plutôt qu’à des collectifs dont on voit bien qu’ils ne peuvent aboutir à une décision acceptée par tous».

Ce soutien n’est pas forcément une si bonne nouvelle pour la secrétaire nationale du PCF car les relations avec le PS font partie des points de friction au sein du mouvement antilibéral, qui entend représenter une autre gauche. C’est d’ailleurs parce qu’il refuse toute entente électorale avec les socialistes qu’Olivier Besancenot, de la Ligue communiste révolutionnaire, a décidé de faire candidature à part. Dans ce contexte, il est difficile de savoir comment la gauche de la gauche va sortir de l’impasse actuelle. Mais une chose est sûre : si elle n’en sortait pas, Ségolène Royal ne trouverait rien à y redire.



par Valérie  Gas

Article publié le 11/12/2006 Dernière mise à jour le 11/12/2006 à 15:36 TU