Politique française
Ecologie : Hulot plombe les Verts
(Photo: AFP)
Huit motions sont en concurrence pour le Congrès des Verts à Bordeaux. Et à la veille de l’ouverture de la réunion, l’espoir de réussir la synthèse entre les différentes tendances du mouvement est pour le moins limité. Les Verts paraissent décidément un peu à côté de la plaque dans le débat politique du moment. La pré-campagne est en train de se lancer. Ségolène Royal a été investie par les socialistes et a embrayé sans attendre pour tirer profit du mouvement qu’elle a su créer en tant que candidate officielle. Nicolas Sarkozy a suivi sa principale rivale et essaie de monopoliser à son tour l’arène médiatique pour placer des pions. Les outsiders, comme Jean-Marie Le Pen ou Philippe de Villiers, battent le pavé sans se désunir.
Et pendant ce temps, les Verts entament le processus de désignation de leur nouvelle direction dans un brouhaha, certes habituel, mais un peu désorientant pour les électeurs à un moment où les enjeux sont aussi importants. Car c’est bien de cela qu’ils vont discuter à Bordeaux : choisir entre les textes issus des différents courants et définir les rapports de force dans le mouvement, dont dépendra la répartition des postes au sein de l’appareil aujourd’hui dirigé par Yann Wehrling.
Si les sondages ne sont pas toujours exacts, on peut tout de même penser qu’ils révèlent à l’instant T la difficulté des Verts à prendre leur part dans le débat présidentiel. Au-delà des problèmes de fonctionnement d’un parti éclaté, les Verts sont peut-être aussi victimes d’un phénomène d’usure. Ce mouvement politique qui a participé à plusieurs gouvernements avec les socialistes ne semble plus perçu comme celui qui peut le mieux faire passer le message écologique. Il pâtit incontestablement de ce point de vue de la concurrence d’un homme qui a décidé de plaider la cause environnementale, présentateur télé et amoureux de la nature, Nicolas Hulot. Médiatique et sympathique, engagé mais apolitique, celui-ci a tout pour plaire aux Français : des convictions et pas d’ambitions. Et les sondages lui accordent 10% des intentions de vote au premier tour de la présidentielle… s’il décidait d’être candidat.
Ne pas «balkaniser» l’écologie politique
Mais pour le moment, ce n’est pas le cas. Nicolas Hulot a proposé un pacte écologique avec dix objectifs. Il attend de savoir ce qu’en feront les candidats traditionnels pour décider s’il est nécessaire, ou pas, qu’il entre personnellement dans la danse électorale. Ce qu’il ne souhaite pas, ne cesse-t-il de répéter. Il fera part de sa décision au début de l’année 2007. Dans l’intervalle, Nicolas Hulot est l’objet de toutes les sollicitations.
Candidat à l’investiture socialiste aujourd’hui recalé, Laurent Fabius avait senti la nécessité de prendre en compte ses propositions et lui avait suggéré de devenir vice-Premier ministre s’il arrivait à l’Elysée. Sans aller jusque-là, Ségolène Royal, la candidate socialiste, a néanmoins placé l’environnement au cœur de ses préoccupations et s’est dit par exemple favorable à une fiscalité écologique pour encourager les investissements dans les «éco-industries». Quant à Nicolas Sarkozy, il envisage de créer «un super ministère du Développement durable» avec des compétences très larges dans les transports, le logement, l’équipement, l’énergie.
Chez les Verts, on a tenté d’ouvrir le dialogue avec Nicolas Hulot de différentes manières. Noël Mamère, qui était candidat du parti à la présidentielle de 2002 et avait réussi à obtenir 5,25% des voix au premier tour, a essayé de faire valoir le danger que représenterait une candidature de Nicolas Hulot en estimant qu’elle participerait à «balkaniser un peu plus l’écologie politique». Yann Wehrling, l’actuel secrétaire national des Verts, a voulu l’amadouer : «J’aimerais franchement qu’il adhère aux Verts… Il faudrait que son action participe du renforcement des Verts».
Dominique Voynet a tenté de l’appeler à la raison en lui demandant de devenir son «partenaire» puisque la «quasi-totalité» de ses propositions se trouvent, selon elle, dans le projet des Verts. Elle a aussi fait valoir que celui-ci allait plus loin que le pacte écologique de Nicolas Hulot, qu’il permettait de «mettre la société en mouvement» et de conjuguer «urgence écologique et urgence sociale».
Et si les Verts rejoignaient Hulot ?
Pour le moment, aucun de ces messages n’a obtenu l’effet escompté. Nicolas Hulot continue de refuser de se rallier à un parti, fusse-t-il écologique. Son action, dit-il dans une tribune publiée par Libération, «ne se situe ni à droite, ni à gauche, ni même au centre». Cela ne va pas faciliter la tâche des Verts. Sauf à se rallier eux-même à Nicolas Hulot s’il se présente, comme l’a suggéré Jean-Luc Benhamias, ancien secrétaire général du parti, qui pose une question bien difficile : «Est-ce que les Verts ont envie d’être complètement marginalisés ou de jouer dans la cour des grands ? » Dominique Voynet n’y répond pas. Mais elle écarte totalement l’idée de ne pas aller «jusqu’au bout».par Valérie Gas
Article publié le 01/12/2006 Dernière mise à jour le 01/12/2006 à 17:01 TU